LE FAIT DU JOUR
Les étudiants lèvent le blocus
et rêvent d'entretenir la flamme
Débuté le 13 février, le blocus de l'université de Poitiers a été levé, hier après-midi, après un ultime vote au Stade Rebeilleau. Les étudiants retrouveront le chemin des cours dès ce matin.
Ce mercredi matin, les étuidants poitevins reprendront le chemin de l'université. Hier, dès 16h, à l'issue du vote qui s'est déroulé au stade Rebeilleau, les membres de la coordination étudiante n'ont pas perdu de temps: malgré la déception, certains d'entre eux sont allés, sur le champ, enlever tous les obstacles qui encombraient les entrées des bâtiments universitaires depuis le 13 février dernier, premier jour du blocus. Un geste élégant, à l'image du mouvement qu'ils ont conduit deux mois durant.
Les étudiants, pourtant, ont choisi, hier, par la voie démocratique, de suspendre un mouvement qui était devenu un phénomène unique en France. Sur 2.878 participants au scrutin, hier, en début d'après-midi, 1.489 ont voté pour la reprise des cours, alors que 1.210 se pronconçaient pour un blocus total et 130 pour un blocus partiel. "C'est un choix que nous respectons, et dès demain (NDLR: ce matin), nous serons nous aussi de retour dans les couloirs de l'université, mais nous ne baissons pas les bras", disait hier, lors de la proclamation des votes, l'un des "pro-blocus".
"Nous devons continuer à exister"
Reste maintenant à savoir comment, justement, ces Poitevins qui sont grimpés jusqu'au sommet d'un engagement relayé par tous les médias nationaux, vont réussir à entretenir la flamme, à maintenir une pression totalement différente. "Nous allons créer des collectifs, continuer à mobiliser, à échanger. Un mouvement important est né, il faut l'entretenir..." expliquait hier Julien Vialard, de la coordination. En deux mois, une école d'étudiants citoyens est née à Poitiers. C'est une évidence. Saura-t-elle maintenant poursuivre sa croissance sur les cendres d'un mouvement? Exister et rebondir pour ne pas sombrer dans l'oubli, voilà le défi.
Jean-Yves LE NEZET
La Nouvelle République, Mercredi 12 Avril 2006.
SOCIAL
POITIERS - Après une heure et demie de débats et huit semaines de blocus les étudiants ont voté pour la reprise des cours
La fac débloque en douceur
Hier, le stade Rébeailleau a accueilli une nouvelle fois l'assemblée générale des étudiants poitevins. Les 2878 votants ont choisi la reprise de cours à près de 52%. C'est la fin d'un mouvement de mobilisation sociale, sans précédent.
"AUJOURD'HUI, c'est le moment de prendre ses responsabilités. S'il y a eu retrait du CPE, il n'y en aura pas d'autre [loi Fillon et sur l'égalité des chances]. Il ne faut plus de blocage du tout!" Ainsi s'exprime un étudiant au micro du stade Rébeilleau. Il est contre le blocus de l'université et contrairement à ce qui se passait jusque là aux assemblées générales, cette fois, il fait partie de la majorité. En une heure et demie, une vingtaine d'orateurs se sucèdent. Les porte-parole de la coordination étudiante ont vainement tenté de remobiliser les troupes. "L'heure est grave", affirme Pierre. "Trois des quatre revendications ont été oubliées par les médias. Si on arrête aujourd'hui, on aura fait ça pour rien!"
Mangez des nouilles!
Les autres aspects de la loi sur l'égalité des chances, l'apprentissage à 14 ans, le projet du ministre de l'Intérieur pour éviter les blocus à l'avenir, les lois anti-sociales, rien n'y a fait. "On sait ce que c'est de bouffer des nouilles tous les jours, pas les hommes politiques", souligne Julien. Ironie du soirt, e jour où les étudiants décident de reprendre les cours, Angèle, étudiante en sport vient d'apprendre qu'elle a été recalée au Capeps d'éducation physique. "Sur les 400 candidats de Poitiers, 17 sont pris à l'oral." Venu d'Angoulême depuis le matin, Johan Rougier est venu pour comprendre ce qui se passe: "Ma fille en troisième année de droit est destabilisée, très angoissée par ce qui se passe. Le CPE c'est une idiotie mais de là à laisser les étudiants bloquer les facs et les voir redoubler l'an prochain. C'est grave et irresonsable", souligne le papa inquiet. Au sortir du stade Rébeilleau, dans le calme, chacun vote en montrant sa carte d'étudiant. Sur les 2878 votants, 49 s'abstiennent, 130 étaient pour le blocus partiel, 1210 pour le blocus total et 1489 contre tout blocus. Sur les marches de l'amphi J, Stéphane prend le mégaphone entouré de caméras et d'appareils photo. Les larmes aux yeux, il salue "l'aventure humaine" qui se termine, et propose que les étudiants qui ne désarment pas portent des brassards indiquant qu'ils restent "mobilisés". L'heure est donc au ménage: il faut ranger les palettes et tout ce qui bloquait les portes. Et les étudiants poitevins de reprendre en coeur sur l'air de la Marseillaise: "Allons jeunesse de Poitiers, le jour de lutte est arrivée. Entendez-vous ce fameux ministres surgir avec leurs réformes...Aux armes, étudiants, marchez, chantez, manifestez votre mécontentement".
Valérie Bridard
MANIFESTATION - Malgré le vote en leur défaveur, la coordination étudiante a tenu à défilé de la fac à la place Leclerc
C'est la lutte finale?
La coordination étudiante de Poitiers a montré qu'elle restait mobilisée. Mais on a bien senti que le mouvement touchait à sa fin.
CA chantait un peu moins hier dans les rangs des étudiants. Le moral était en berne. Il faut dire que ceux qui défilaient avaient quelques minutes auparavant voté pour le blocus de l'université. La démocratie leur a donné tort. La majorité a voté contre.
Peu importe, les bloqueurs décident de "faire une action". La dernière? Peut-être pas. Mais une chose est certaine, la mobilisation est moindre. Il est 16h quand les étudiants se rassemblent derrière le camion du syndicat Sud. Ils sont moins de 300. On chante mais le coeur n'y est pas. Très vite, on comprend qu'il n'y aura pas d'action coup de poing. Ils suivent sagement les deux voitures de police.
Peu nombreux
Au Pont-Neuf, quelques-uns tentent un sit-in au carrefour. Mais Stéphane, un des leaders du mouvement leur demande de se lever. "On a rendez-vous à 17h avec l'intersyndicale". Les manifestants, plutôt calmes, arrivent sur la place Leclerc dix minutes avant le rendez-vous. Et c'est la deuxième claque de la journée. Personne! La place est vide. Les étudiants sont à peine réconfortés lorsqu'ils entendent les sonos des camions de FO et de la CGT. Tous les leaders syndicaux du département sont là.
La coordination décide malgré tout de faire une action. Direction le rectorat. Pas d'occupation. Un cordon de gendarmes mobiles est en place. Lucides, les étudiants décident de ne rien tenter. Ils sont trop peu nombreux. "Il faut continuer à s'informer, il y aura une mobilisation pendant les vacances", lance Gaëtan au mégaphone. 18 h: la petite manif retourne vers la place Leclerc, qui parait d'un seul coup trop grande.
Bruno Delion
Centre Presse, Mercredi 12 Avril 2006.
Sujet sur Poitiers à partir de 10 minutes.
France 2, 20H, David Pujadas, Mardi 11 Avril 2006.