Une femme sur 7 victime de viol. 130 millions de femmes mutilées, excisées. Une sur trois victime de violence... Et les coups qui démarrent souvent à la première grossesse... À l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, les chiffres sont glaçants.
Chaque année depuis quinze ans, la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes nous force à regarder le monde à travers les yeux d'une femme. Impossible de ne pas ressentir ce sentiment d'effroi, d'insécurité face à des chiffres intolérables et pourtant toujours d'actualité. En passant en revue les données de l'Unicef, de l'ONU, de la Banque Mondiale et de l'OMS, nous avons dressé un bilan alarmant des violences que subissent les femmes toujours considérées esclaves dans certaines régions du globe. Même lorsque la loi les protège, elles restent les principales victimes des coups et des viols.
L'Organisation mondiale de la Santé a rappelé la semaine dernière dans la revue médicale The Lancet que près de 35% des femmes et filles sont exposées à une forme de violence physique et/ou sexuelle au cours de leur vie. Dans certains pays comme l'Ouganda ou les Samoa, ce sont près de sept femmes sur dix qui ont été victimes d'abus, d'après l'ONU Femmes.
Près de 216 000 femmes, âgées de 18 à 75 ans, sont soumises à la violence physique et/ou sexuelle de leur ancien et actuel conjoint, qu'il soit mari, concubin, pacsé, petit-ami… La majorité reste muette, pour protéger leurs enfants, leur réputation ou leur vie, par crainte des représailles. Souvent, ces hommes violents possèdent également une emprise psychologique très forte qui plonge leur victime, isolée, dans un climat de peur permanent. Seules 16% d'entre elles déposent plainte, selon les chiffres du gouvernement.
Les violences conjugales s'attisent ou débutent particulièrement au moment où le couple attend un enfant. Le conjoint violent ne supporte généralement ni la perspective d'une troisième personne dans le foyer ni le fait que la femme devienne le centre des attentions de l'entourage. Celle-ci, dans un état vulnérable, est moins apte à se défendre. Une situation précaire qui peut pousser certaines femmes à renoncer à leur grossesse. En tout, 23% des demandes d’IVG étaient directement liées à des violences (viols, violence conjugales, violences familiales). Selon Emmanuelle Piet, médecin de protection maternelle et infantile, présidente du collectif féministe contre le viol, « ces femmes avaient trois fois plus de chances d'accoucher prématurément que la moyenne, une grande proportion d'entre elles (7%) ont accouché à la maison, pas par choix mais par contrainte, un tiers d'entre elles ont reçu des coups sur le ventre et 82% ont subi des violences sexuelles ».
En dehors des conséquences psychologiques et sociales, les violences faites aux femmes coûtent 3,6 milliards d'euros en France, en termes d'aides sociales, de soins et surtout de perte de capacité de production, selon l'évaluation du ministère des Affaires sociales et des Droits des femmes. Pour Caroline de Haas, la fondatrice de l'association Osez le féminisme, la volonté politique d'éradiquer ce fléau reste tiède. A l'inverse, les campagnes de sensibilisation réalisées pour la sécurité routière ont été efficaces. « 12 millions d'euros par an rien que pour la communication, on a formé les gendarmes, on a sensibilisé dans les écoles. Résultat : on est passé de 20 000 à 4000 morts par an ».
Selon la Banque mondiale, le risque de violence conjugale et de viol est plus fort pour les femmes de 15 à 44 ans que le risque de cancer, d'accidents de la route, de guerre et du paludisme réunis. D'après ses calculs, si l'on ajoute les tentatives de viols, ce sont près de 20% des femmes qui risquent de subir un viol ou une tentative d'agression sexuelle dans le monde. En France, cela concerne 86 000 femmes âgées de 18 à 75 ans, chaque année.
Loin du cliché de l'agresseur qui saute sur une fille en jupe tard dans la nuit, l'énorme majorité des agressions sexuelles sont réalisées par une personne connue de la victime : parent, ami, connaissance, ou ancien petit-ami. Dans 38 % des cas, le violeur s'avère être le conjoint. Suite aux viols ou tentatives de viol qu’elles ont subies, seules 10 % des victimes ont porté plainte.
Dans le monde, 720 millions de femmes aujourd’hui mariées l’ont été enfant, soit avant leurs 18 ans, dont 250 millions avant l’âge de 15 ans, selon l'Unicef. Le phénomène des unions précoces touche surtout les continent asiatique et africain. Le Niger compte le plus de femmes mariées avant leurs 18 ans (77%) et le Bangladesh, de mariées de moins de 15 ans. L’Inde, elle, totalise à elle seule un tiers de ces enfants. Moins nombreux, les garçons n'échappent pas au mariage forcé, auquel 156 millions d'entre eux ont été contraints.
D’ici 2015, quelque 1,2 milliard de petites filles pourraient être mariées de force si des actions ne sont pas entreprises, affirme l’ONG Girls Not Brides. Les filles qui se marient avant l’âge de 18 ans ont plus de chances de vivre dans un climat de violence que les autres. Leurs études, si elles ne sont pas déjà arrêtées, seront raccourcies, et les risques de violences conjugales, grossessse précoce et mortalité maternelle, décuplés. Les grossesses et accouchements difficiles sont la deuxième cause de décès des jeunes filles de 15 à 19 ans dans le monde d'après l'OMS. On compte pas moins de 3 millions d'avortements non encadrés dans cette population chaque année.
Le Figaro Madame.