Hollande, Mitterrand: deux époques, mais une situation aussi délicate à 30 ans d'intervalle
"Ceux qui pourront le plus feront le plus" F.Mitterrand
François Mitterrand a évité de parler de "rigueur" ou "d'austérité"
PARIS - Évitant le débat sur la "rigueur" et "l'austérité", termes qu'il s'est gardé d'employer, le président François Mitterrand a présenté mercredi aux Français "la deuxième phase" de son action économique et sociale qui fera appel à plus d'investissements et de justice sociale.
Le bilan d'une année de responsabilité de gestion de la gauche, dressé par le président principalement pendant son exposé liminaire de 45 mn, retient un satisfecit sur la croissance, plus élevée, que chez les partenaires de la France, et met en valeur l'acquis des nationalisations qui autorise maintenant une politique industrielle plus volontariste.
M. Mitterrand a bien sûr souligné les multiples progrès sociaux intervenus depuis mai 1981 - redistribution, emploi, transferts, nouveaux droits des travailleurs, décentralisation, libertés...-mais sans laisser planer de doutes sur sa ferme intention de demander au gouvernement de poursuivre plus avant une politique de justice sociale.
Globalement, le président s'est montré satisfait de la gestion gouvernementale dont il a affirmé "assumer l'essentiel de la responsabilité".
Par contre, M. Mitterrand a été plus discret sur certains éléments de conjoncture économique - situation du franc, détérioration de la balance commerciale, inflation...- imputant ces mauvais résultats à l'aggravation de la crise mondiale, à l'héritage ("un délabrement plus grave que nous ne le craignons de l'économie française") et au temps nécessaire aux réformes.
Il a insisté sur la priorité qu'il convenait maintenant de donner aux investissements du secteur public - 25 milliards seront consacrés dans le budget 1983 aux entreprises nationales - pour en faire le moteur de la croissance. La part de la recherche sera prépondérante tandis que les grands équilibres seront respectés avec en particulier le seuil du déficit budgétaire toujours fixé à 3% du produit intérieur brut.
Quand au france, il doit rester au sein du système monétaire international, sans qu'aucune allusion ait été faire à un éventuel réajustement de parité.
Sur le plan social, si le président a réfuté toute idée d'une politique des revenus, il a laissé entendre que le gouvernement et les partenaires sociaux s'attacheraient prochainement à définir une politique de la répartition. D'où la suggestion d'une rencontre, soit en juillet, soit en septembre, de l'ensemble de ces partenaires pour examiner les problèmes cruciaux qui se posent au pays.
M. Mitterrand s'est engagé dans le débat sur la Sécurité Sociale en préconisant une maîtrise des dépenses, un effort d'économie et, pour la première fois, il a clairement laissé entendre aux fonctionnaires qui bénéficient de la garantie d'emploi qu'ils seront amenés à cotiser à l'UNEDIC.
Son appel à la solidarité qui doit "jouer à plein", vise bien, au risque de déplaire à une partie de l'électorat de gauche, l'ensemble des Français avec un critère nettement énoncé: "Ceux qui pourront le plus feront le plus".
Centre Presse, Jeudi 10 Juin 1982.