Une vie? Non, seulement une décennie!A l'entrée de Poitiers-Saint-Benoît rue Delaunay, Dimanche 14 Mars 2010.
En effet, ce Lundi 20 Mars 2000 correspond mon émigration en direction de Poitiers, en provenance de Rochefort-sur-Mer. Ce matin là, il faisait beau. Il ouvrait une nouvelle phase de ma vie. Je posais mes bagages à Poitiers dans un foyer à Beaulieu, quittant pour de bon l'Hôpital de Rochefort. Le lendemain, j'allais découvrir mon nouveau collège, France Bloch Sérazin, et terminer ma classe de 4eme, la pire de mon existence, courte alors.
Poitiers a changé, sans pour autant se révolutionner, sa métamorphose étant à venir. Poitiers représentait pour moi un mythe: LA capitale régionale, dont j'entendais parler uniquement à la télé régionale. C'était une ville insignifiante pour moi, un ailleurs qui allait devenir mien en quelque sorte. Et depuis, j'ai appris à apprécier cette ville, à développer des liens d'amitié, à vivre tout simplement. J'étais gros, boutonneux, j'avais les rails sur les dents, au final, une personne inutile par excellence. Et puis, à l'aide de cette ville, de ses habitant(e)s, je me suis peu à peu métamorphosé. J'ai vécu toutes mes premières expériences ici: j'ai découvert la liberté, la vie en apparte, seul et bienheureux, j'ai assuré d'année en année ma scolarité, j'ai eu comme tout à chacun des hauts et des bas: Brevet, Bac Licence, Master.
Je me souviens que ce 20 mars 2000, à Poitiers dans mon foyer, j'étais "le nouveau", comme le lendemain j'allais l'être au collège,avant devenir quelqu'un par la suite.
Je me souviens que la première fois dont j'ai entendu parler du maire de Poitiers, c'était en mars 2001, avec cette formule inoubliable: "c'est Santrot de surprises". Je me souviens d'avoir découvert le phénomène de "Loft Story" au cours du printemps 2001 marquant les débuts de la télé-réalité en France. Je me souviens que le 11 septembre 2001, je l'ai vécu à Poitiers. Je me souviens qu'en décembre 2001, j'ai acheté mon premier kit euros pour 100 Francs, que je n'ai toujours pas ouvert depuis.
Je me souviens qu'en février 2002, j'ai fait mes derniers achats en Francs.Je me souviens qu'en avril 2002, j'ai fait mes premières manifs tout en vivant ma première immense désillusion politique: la séquence anti Le Pen; j'ai appris à battre le pavé, et peu de temps après, j'ai poussé la porte de la Maison Socialiste. Je me souviens que j'ai vécu la désillusion du Mondial 2002 au foyer. Je me souviens que dans ce même laps de temps, j'ai eu ma révélation Seventies, qui ne m'a jamais quitté, et par ailleurs, j'ai découvert ma passion pour l'Histoire, la grande mais aussi la Petite.
Je me souviens de ces journées ennivrantes de mars et de mai 2003 ou j'ai manifesté: contre la guerre en Irak et contre la réforme des retraites. Je me souviens de ces journées chaudes d'août 2003 qui étaient rythmé par l'affolement quotidien du thermomètre et du compteur morbide des cadavres des anciens. Je me souviens qu'en septembre 2003, j'ai rencontré pour la première fois Ségolène Royal, alors simple candidate aux régionales de Charentes-Poitou.
Je me souviens que le 1er janvier 2004, je faisait mon premier réveillon du Nouvel An à Poitiers, et aussi d'une séquence gros pâté pour débuter l'An nouveau. Je me souviens de ce 28 mars 2004, de ce second tour de régionales qui voyait la France se couvrir de régions roses. Je me souviens du joli mois de juin, ou j'affontais l'épreuve du bac, qu'au final je parvenais à décrocher, en évitant de compter mes heures de travail chez moi, sans la contrainte des parents. Je me souviens de l'été 2004 comme étant le premier que j'ai entièrement vécu à Poitiers, et où j'ai vu à quoi ressembler Poitiers ou cours de l'été, vidé de sa jeunesse, mais aussi découvert les charmes du panorama du 6eme étage du parking Carnot. Je me souviens de ce jour de septembre 2004, au début du crépuscule de l'été, comme étant le pire de ma scolarité universitaire: ce fut le jour de mon inscription à l'université.
Je me souviens du 1er janvier 2005 car ce fut ma pire cuite de la décennie. Je me souviens du 1er mai 2005: je posais mes valises Place du Marché, et que peu de temps après, la Médiathèque devenait ma seconde maison.
Je me souviens des mois de février mars avril 2006 marqué la fièvre étudiante: le peuple de Poitiers a battu le pavé pour lutter contre le CPE, et qu'en ayant participé au blocus des facultés, j'ai apporté une modeste contribution à l'histoire de ce beau mouvement social. Je me souviens dans cette période de débats enflammés et d'une interminable coord' nationale à l'amphi J, qui se clotura un dimanche à 5heures du mat'. Je me souviens qu'en mars 2006, j'ai touché un caténaire avec ma tête en voulant prendre une photo et e il n'y avait pas de jus ce jour là. Je me souviens du Mondial 2006, où Poitiers a communié avec les Bleus: la joie dans la gagne, la tristesse dans la défaite finale.
Je me souviens qu'en mai 2007 tout ne fut pas noir: je parvenais à décrocher ma Licence d'Histoire. Je me souviens d'avoir vécu au cours de l'été de cette même année les pires moments de ma vie poitevine. Je me souviens qu'à l'automne 2007, je me suis pris de passion pour le PB86, le nouveau symbole de la ville, après avoir ouvert PourquoiPasPoitiers, ayant entre temps appris à me servir d'un ordinateur. Je me souviens que la fin de l'année 2007, le mouvement anti LRU version I finissait par capoter.
Je me souviens qu'en février 2008, j'ai assisté au dernier conseil municipal de l'ère Santrot. Je me souviens qu'en mai 2008, après d'immenses efforts, je finissais mon mémoire de 1ere année de Master. Je me souviens que le 9 juillet 2008, je rejoignais la masse des détenteurs du petit papier rose: à moi la liberté automobilistique. Je me souviens que le 5 novembre 2008, j'ai vu à Poitiers l'élection de Barack Obama au terme d'une interminable nuit d'espérance.
Je me souviens qu'au début 2009, les rues de Poitiers étaient noires de monde à deux reprises, et que j'ai passé plus de temps à immortaliser ces instants de colère qu'à simplement manifester. Je me souviens que le 20 juin 2009, j'ai vibré plus que jamais pour Poitiers, le PB 86 s'imposant à Bercy dans la finale de Pro B face Limoges. Je me souviens qu'au cours de l'été 2009, j'ai achevé mon mémoire, qui évidemment, concerné un sujet local: "Une ville emportée par la Vague Rose: les élections municipales de Poitiers en 1977". Je me souviens qu'en septembre 2009, je décrochai mon Master. Je me souviens que le 10 Octobre 2009, Poitiers vivait l'une des plus sombres journées de la décennie.
Je me souviens que pour la première fois depuis 6 ans, je n'ai pas fait le réveillon du Nouvel An 2010 à Poitiers.Je me souviens que Poitiers a vécu son hiver le plus enneigé depuis des années au début de l'an 2010. Je me souviens qu'en l'espace de 10 ans, j'ai rencontré des gens qui ont marqué ma vie, forgé ma personnalité, et fait de moi ce que je suis aujourd'hui.
Parce qu'il est des jours qui vous ont marqué plus que d'autres, ces quelques dates ont rythmé cette décade qui est la mienne, ainsi que celle des gamin(e)s né(e)s ce jour là. Evidemment, j'oublie des choses, mais 10 ans c'est tellement long à raconter que je ne peux que tenter de synthétiser. 10 ans, plus de 3650 jours. Des centaines de rencontres, et toutes celles et tout ceux qui m'ont cotoyé au cours de cette décennie, me reconnaitront peut-être. J'espère ne pas les oublier, bien que je ne puisse toutes et tous les mentionner. A tout jamais, Poitiers m'aura marqué, en positif: Poitiers, une ville à taille humaine où il fait bon vivre.
Lundi 20 Mars 2000, débutait ma 3e vie. Je t'aime Poitiers.
Modeste bonus vidéo, qui correspond à l'article: Billy Joel, My Life, 1978.