LEMONDE.FR | 22.08.08 | 18h03 • Mis à jour le 22.08.08 | 18h18En 1980, aux Jeux de Moscou, le perchiste polonais Wladyslaw Kozakiewicz, champion olympique, adressa un bras d'honneur au public et aux dirigeants soviétiques.(Photo AFP/STAFF) Dans les mois et les semaines qui ont précédé l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, les autorités chinoises et olympiques craignaient que des athlètes se servent du moment des Jeux pour faire passer un message politique, et en l'occurrence pour critiquer les politiques chinoises. A deux jours du terme de l'olympiade pékinoise, aucun sportif ne s'est manifesté, si ce n'est l'haltérophile polonais Szymon Kolecki qui s'est rasé la tête en solidarité avec les moines tibétains.
Les frontières des Jeux olympiques n'ont pas toujours été aussi imperméables aux problèmes extérieurs. Retour sur quelques moments marquants où les athlètes ont invité la politique aux Jeux.
L'ALLEMAND LUTZ LONG AUX CÔTÉS DE JESSE OWENS - BERLIN 1936
Lors du concours du saut en longueur des Jeux de Berlin, l'Allemand Carl "Lutz" Long fait preuve d'une grande sportivité à l'égard de son concurrent américain Jesse Owens. Non seulement il prodigue à l'athlète noir des conseils qui lui permettront de remporter le titre olympique, mais il serre la main d'Owens après sa victoire sans se soucier de la réaction d'Adolf Hitler, présent dans le stade. Long, lui, finit second. Jesse Owens dira plus tard : "Il lui a fallu beaucoup de courage pour devenir mon ami sous les yeux d'Hitler. Vous pouvez faire fondre toutes les médailles et les coupes que j'ai. Cela ne vaudra pas l'amitié 24 carats que j'ai ressentie pour Long à ce moment-là."
HONGRIE - UNION SOVIÉTIQUE, WATER-POLO - MELBOURNE 1956
Avant les Jeux olympiques de Melbourne en 1956, de nombreuses voix s'élèvent pour empêcher l'Union soviétique de participer aux JO alors qu'elle vient juste de violemment intervenir à Budapest pour réprimer la révolution hongroise. En vain. Les athlètes hongrois présents en Australie comptent bien y faire entendre leur voix. Lors d'une rencontre de water-polo entre la Hongrie et l'Union soviétique, les choses dégénèrent : un joueur soviétique administre un coup de coude à un Hongrois et lui ouvre l'arcade sourcillière. Une bagarre générale éclate alors et les spectateurs présents conspuent l'équipe soviétique. La Hongrie s'impose 4 buts à 0. Le lendemain, les journaux américains, friands d'hyperboles, parlent d'une "piscine rouge sang".
LES POINGS DE TOMMIE SMITH ET JOHN CARLOS - MEXICO 1968
Pendant longtemps, les athlètes noirs américains ont pensé boycotter les Jeux de Mexico en 1968. Ç'aurait été une mauvaise affaire pour les Etats-Unis qui avaient bien besoin des médailles de leurs sportifs noirs en athlétisme pour battre les Soviétiques au classement des médailles. Mais les Afro-Américains n'ont jamais réussi à se mettre d'accord. Résultat, c'est une action individuelle qui marquera les esprits au milieu du stade olympique. Sur le podium du 200 m, au moment où retentit l'hymne américain, Tommie Smith (1er) et John Carlos (3e), sans chaussures, baissent leur tête et dressent leur poing ganté de noir pour protester contre la ségrégation raciale encore en vigueur aux Etats-Unis.
LE BRAS D'HONNEUR DE WLADYSLAW KOZAKIEWICZ - MOSCOU 1980
Après son saut à la perche à 5 m 78 qui lui assurait l'or olympique, le Polonais Wladyslaw Kozakiewicz adressa un bras d'honneur au public moscovite qui n'avait cessé de le conspuer tout au long du concours, afin de le perturber dans son duel avec le Soviétique Konstantin Volkov. Le geste était également destiné aux dirigeants soviétiques. En Pologne, le perchiste fut largement soutenu pour avoir défié "l'ennemi" soviétique. L'ambassadeur d'URSS en Pologne demanda à ce que la médaille d'or de Kozakiewicz lui soit retirée car le geste avait été vécu comme une insulte au peuple soviétique. Le gouvernement polonais répondit que le geste de l'athlète n'était que la conséquence d'un spasme musculaire.
TULU ET MEYER MAIN DANS LA MAIN - BARCELONE 1992
Les Jeux de Barcelone marquent le retour dans le concert olympique de l'Afrique du Sud, bannie des Jeux depuis 1960 pour sa politique d'apartheid. Lors du 10 000 m féminin, l'Ethiopienne Derarta Tulu et la Sud-Africaine blanche Elana Meyer luttent pour la victoire. Tulu s'impose dans le dernier tour et devient ainsi la première femme d'Afrique noire à devenir championne olympique.
A l'arrivée, elle attend Elana Meyer qui finit deuxième et les deux athlètes réalisent, main dans la main, un tour d'honneur du stade olympique de Barcelone.
LE REFUS D'UN JUDOKA IRANIEN DE COMBATTRE UN ISRAÉLIEN - ATHÈNES 2004
Le judoka iranien Arash Miresmaeili, double champion du monde, faisait partie des favoris à Athènes pour le titre olympique des 66 kg. Mais l'athlète fut au-dessus de son poids au moment de la pesée et ne put participer. La véritable raison de son absence était son refus de combattre au premier tour contre un judoka israélien, Ehuds Vaks. L'Iranien déclare : "Je suis en forme, mais je refuse de combattre contre un Israélien par sympathie pour les souffrances du peuple palestinien, et cette élimination ne me bouleverse pas." Un forfait salué par le régime iranien qui demande à ses athlètes de "s'abstenir de concourir face à des athlètes du régime sioniste".
En récompense, Arash Miresmaeili se vit remettre une prime. Aucune sanction ne fut prise.
UN PODIUM RUSSO-GÉORGIEN - PÉKIN 2008 Alors que la Géorgie et la Russie sont entrées en conflit à propos de l'Ossétie du Sud, le podium du tir au pistolet féminin à 10 m va rassembler des athlètes des deux pays. La Géorgienne Nino Salukvadze remporte la médaille d'or, alors que la Russe Natalia Paderina gagne l'argent.
Au moment de la cérémonie de remise des récompenses, les deux tireuses posent ensemble pour les photographes. La Géorgienne passe son bras autour de la Russe qui l'embrasse sur la joue.