A force d'en entendre parler, de l'imaginer comme étant quelque chose de forcément "exotique", dans le sens "éloigné de nos frontières", et non pas seulement comme "territoires ensoleillés", cela a fini par arriver, en France, sur le littoral aquitain.
Soulac-sur-Mer, petite commune balnéaire de Gironde en est la première victime. Un immeuble construit sur le front de mer dans les années 1960 vit en 2014 ses derniers jours. Celui-ci, par arrêté municipal, a été vidé de ses derniers habitants. Relogés autre part dans la commune, ils ont perdu leur bien, celui qui pour certains était l'oeuvre de toute une vie.
Dans les années 1960, la mer était loin. Très loin. A 200m. C'était une amie que l'on pouvait admirer sans crainte quotidiennement. Elle se rapprochait légèrement mais point de crainte. Et puis, au crépuscule des années 1990, les choses se sont accélérées. Au début de février 2014, il ne reste pas plus de 17m entre la résidence et le cadavre de la dune. L'érosion a fait son oeuvre , sous l'effet conjugué du vent, de la montée des eaux.
Les habitants du Signal sont devenus des réfugiés. Mais derrière cet immeuble, il y a une ville, d'autres habitations, des commerces qui se trouvent à leur tour menacés. A chaque grande marée, c'est un bout du territoire de la France qui se trouve rongé. L'homme a beau mettre en ouvre des moyens techniques pour freiner le désastre (des tonnes de sables déversés, installation de gros rochers,...), rien y fait: l'oeuvre des Eléments est plus forte que tout.
Ce que nous montre l'exceptionnel épisode climatique que nous vivons en cet hiver 2014, c'est qu'il va nous falloir à terme totalement repenser notre modus vivendi de bord de mer. Politiquement risqué, financièrement difficile, il reste peu de temps entre maîtriser la reconstruction, ou fuir et constater les dégâts à l'occasion du prochain assaut de l'océan.
Tout ceci ne concerne que fort peu de personnes pour le moment. Mais il y a tout juste 15 ans de cela, qui pensait, qui pouvait prévoir une telle évolution de la situation? Qui pouvait prédire avant les tempêtes de 1999 que moins de deux décennies plus tard, il faudrait déplacer des personnes car leur milieu naturel ne leur permet désormais plus d'y résider en toute sécurité? Qu'il faudrait commencer à penser à se reculer car l'océan viendrait frapper à leur porte?
La terrible histoire du Signal doit servir d'avertissement. La loi Littoral de 1986 doit être renforcée. Car la fameuse "bande des 100 mètres" en déça de laquelle il ne pouvait y avoir de nouvelles constructions est désormais dépassée. Il faut désormais oublier la logique économique pour entrer dans une logique environnementale et donner priorité à la sécurité des humains.
Complément du 21 Novembre 2014. Confirmation de mon propos avec le BRGM dans un article de Le Monde, qui indique que jamais la côte n'avait autant reculer depuis 1958, jusqu'à 40m par endroits.
Capture d'écran de Google Street View, avec ici la résidence du Signal en Décembre 2009, soit avant la tempête Xynthia de Février 2010.
La résidence le Signal, le 23 Janvier 2014, avant les grandes marées du début février. On peut voir tout le sable rajouté avant la fin du mois pour renforcer la protection de l'immeuble. En vain, tout est parti. En quelques jours, les travaux de sécurisation ont coûté plus de 65.000€. De nouvelles grandes marées sont attendues pour le mois de mars. Cliché pris sur Sudouest.fr
Un sujet sur l'érosion des plages françaises, et en particulier à Soulac
(à partir de 24'50")
France 2, Jeudi 25 Août 2011.
La course contre les éléments à Soulac-sur-Mer
(Janvier 2014)