LE DEPUTE-MAIRE : "PEUT-ETRE UN REFERENDUM SUR LE BUDGET, L'AN PROCHAIN"
M. Santrot, élu par la population pour administrer la ville, au mieux des intérêts de la collectivité, la municipalité a-t-elle véritablement les moyens et les éléments pour assumer les moyens de sa mission?
Nous avons les moyens et les éléments pour assumer la direction de l'urbanisme de la ville, cependant il y a une somme de choses qui ont fait que tous les éléments entre nos mains sont souvent contredits par d'autres éléments que nous n'avons pas.
"Ainsi, la planification et les décisions de grands équipements et de l'urbanisme sont effectivement du ressort de la municipalité mais, une fois la programmation faite, dans le cadre actuel toute une partie de la réalisation est liée à l'Etat, par le biais des subventions.
"La réalisation ne peut donc se faire que si l'Etat suit les propositions de la Collectivité locale.
"D'autre part, la Collectivité locale a des pouvoirs par l'intermédiaire du Plan d'Occupation des Sols et des règlements administratifs du Secteur Sauvegardé, mais ceux-ci se heurtent aux envies des promoteurs privés.
"Nous n'avons pas, en effet, les moyens financiers de nous mettre en concurrence avec les promoteurs possibles, aussi bien pour l'achat des terrains qu'au niveau de la destination économique des locaux."
Voyez-vous des solutions politiques ou financières permettant à la collectivité locale de maîtriser efficacement l'urbanisme?
-"Il y a au moins une solution qui pourrait s'envisager pour les achats de terrains, ce serait une loi foncière qui nous donnerait les moyens financiers de faire jouer nos prérogatives.
"En théorie, par l'instauration de Zone d'Intervention Foncière, la Collectivité locale peut disposer d'un droit de préemption lui donnant la priorité sur les promoteurs privés, mais financièrement nous n'avons pas actuellement les moyens de faire jouer ce droit.
"C'est d'ailleurs ce qui nous fait hésiter à mettre en place dans Poitiers, une Zone d'Intervention Foncière, que l'on souhaite pourtant, car compte tenu du nombre de transactions qui s'opèrent actuellement, nous ne pourrions faire face à nos obligations d'achat, même si nous étions intéressés.
"Le Parti Socialiste réclame depuis longtemps, par le terme de "municipalisation des sols" une loi foncière qui permette aux municipalités, dans certains cas, de taxer les plus-values foncières, de sorte que l'on puisse premièrement peser sur le coût des terrains et deuxièmement, avoir les possibilités financières correspondant aux possibilités administratives et juridiques données par les textes.
"Mais ceci n'est pas valable pour les fonds de commerce.
"Vivant en système d'économie libérale, la liberté d'achat et d'ouverture d'un fonds de commerce est totale.
"Nous n'avons aucun moyen légal d'intervenir dans une transaction commerciale, sinon par le biais complexe d'une régie.
"Par exemple, on aurait pu tenter de sauver "La Paix" en agrandissant le Théâtre municipal sur place.
"Il aurait fallu acheter le Café du Théâtre et son fonds, puis le café de la Paix, et son fonds...une opération rigoureusement impensable!
Au nom d'une gestion démocratique, la municipalité a déjà suscité la constitution de diverses commissions extra-municipales, mais êtes-vous persuadé de recueillir ainsi l'expression de la base?
- " Les commissions extra-municipales et les comités de quartier nous donnent une image des souhaits de la population. Nous ne prétendons qu'ils sont à eux-seuls représentatifs de toutes les aspirations.
"Beaucoup de choses nous reviennent aussi dans les pages blanches du bulletin municipal, c'est un moyen supplémentaire.
"La formule n'est pas parfaite, mais je pense que l'information passe relativement mieux que par le passé.
"Beaucoup de petites demandes peuvent ainsi être satisfaites toutefois quand elles ne sont pas contraires à l'intérêt général".
Envisageriez-vous la possibilité d'un référendum et à quel propos?
-"Je ne suis pas du tout hostile à un référendum; le cas échéant on en fera.
"Mais son usage est délicat car il peut être dévié de son caractère démocratique s'il n'y a pas une participation massive.
"Des problèmes d'urbanisme ou de choix budgétaire peuvent justifier un référendum.
"L'an prochain, nous allons avoir une gestion de budget informalisée où les propositions budgétaires vont rentrer beaucoup plus vite et vont être exploitées beaucoup plus vite que manuellement aujourd'hui.
"Il n'est pas exclu qu'on puisse faire un référendum sur le budget 1980 en disant: avec dix pour cent d'augmentation des impôts, nous faisons ça et ça; avec quinze pour cent nous faisons ça et ça dans telles conditions. Qu'en pensez-vous? Donez-nous une réponse..."
Quelles priorités concevez-vous, dans la réforme des collectivités locales?
-"Ce qui est important, et qui n'a pas été fait dans un premier temps, c'est que, en même temps que des prérogatives supplémentaires aux collectivités locales, la réforme prévoit des financements correspondants et surtout des financements supplémentaires.
"C'est ce que demandent les élus locaux, car toutes les villes sont arrivées à des taux d'imposition qui deviennent à la limite, intenables!
"Par exemple, l'an dernier, Poitiers était la ville de la région, et même de nombreuses régions, à avoir le moins augmenté les impôts locaux.
"La réforme, en modifiant le reversement du V.R.T.S. par la dotation globale de fonctionnement, a pénalisé ceux qui, ces trois dernières années, n'ont pas beaucoup augmenté leur impôts.
"En francs constant, c'est-à-dire compte tenu de la dotation de l'an dernier, uniquement majorée de dix pour cent, pour maintenir la réalité des prix, nous perdons cette années 150 millions de centimes.
"La deuxième partie de la réforme, dont je viens d'avoir le projet, est intéressante au niveau de la clarification des situations, entre les responsabilités de l'Etat et des collectivités locales, que ce soit au niveau de la police, la justice, l'enseignement ou l'aide sociale".
"Mais avant de me prononcer, je veux savoir à quoi cela correspond financièrement, il n'est pas évidement que les collectivités y gagnent".
La Nouvelle République, Mercredi 24 Janvier 1979.