(Im)mortelle Saint-Valentin
La statistique est formelle. Vous êtes certain qu'en sept années, dans le meilleur des cas, la Saint-Valentin tombera un samedi soir. Soit un soir de journée de Ligue 1. Et ce 14 Février 2004 a été un cas d'école. Pour certains, cette probabilité est plus terrible encore. L'année dernière, la Saint-Valentin a eu lieu un vendredi, et il y avait un match décalé avec leur équipe! Avec un peu de malchance pour la Saint-Valentin 2005, qui tombera un dimanche, leur équipe sera encore victime de la chaîne cryptée qui aura contraint leur club à jouer un jour plus tard! Heureusement que l'UEFA veille. Pas de champion's league prévue pour les Saint-Valentin 2007 et 2008, ni de tour UEFA pour cette foutue Saint-Valentin 2009. A moins d'être provisoirement célibataire ou en passe de vouloir le redevenir. Le 14 Février 2004 a été pour cette année un black saturday. Comme on dit dans le jargon, c'est votre classico. Le genre de derby que vous ne gagnerez jamais. Et cette année encore il a fallu céder à cette campagne de l'amour. Ni votre carte d'abonné à votre Club fétiche, ni vos forfaits aux réseaux câblés n'ont fait le poids. La passion et le triomphe de l'information sportive numérisée ont été priés d'aller voir aux vestiaires. Ce Samedi 14 Février 2004 a été consacré à votre Chérie. Restaurant, fleurs et cadeaux. C'est beau l'amour. Le combat était perdu d'avance. Même votre quotidien sportif préféré s'était mis contre vous en diffusant une campagne publicitaire exhibant une jeune femme toute la semaine précédant la 24ème journée du Championnat. Une ménagère de moins de 23 ans montrant ses dessous et disant: "C'est qui ce Valentin?". Elle était placée entre les pages de L1 et L2. Aguicheuse, attrayante, bref, installée à ce carrefour stratégique pour frapper votre mémoire et accessoirement votre imagination. En revanche, silence radio du côté des magazines de filles. Pas de joueurs présentant son maillot en lycra et disant "Pensez à lui le 14 Février!". Après ça, on vous dira que les filles aiment le foot depuis le 12 Juillet 1998. C'est à voir (...) L'élue de votre coeur, elle, avait préparé son coup pour vous faire craquer s'extasiant sur les à côtés de votre passion toute la semaine annonçant ce D-DAY. Et en y mêlant, bien entendu, le ridicule et l'ironie."Ah ce YAPI-YAPO. Son patronyme me fait penser aux deux petits héros d'un dessin animé de mon enfance". Et nous n'étions que lundi. Mardi, c'était plus sérieux. "Ils sont assez attentifs à leur corps tes footeux. La créatine, c'est bon pour les cheveux?". Sur le coup vous avez cru vivre avec une fausse brune. Parce que confondre créatine avec kératine, c'est quand même énorme. Mercredi, c'était la rivalité OM-PSG qui y passait. "Christanval, quel défenseur central!". Pour faire monter la pression, vous veniez d'avoir droit à la contraction des noms de Christanval - joueur de l'OM - et de Cristobal - ancien joueur du PSG. (...) Quoi qu'il en soit, vous avez été parfait ce Samedi 14 Février 2004. La soirée a été un délice. Indéniablement vous avez marqué des points. Cette courte mise au vert a été du meilleur effet. Quoi de mieux qu'une petite pause entre amoureux pour préparer le retour de la champion's league? Finalement, cette tradition a du bon. Immortelle Saint-Valentin. A 22H06, vous avez reçu un SMS indiquant la victoire de votre équipe. Discret et modeste, vous n'avez rien dit. Ce n'est pas le soir de la Saint-Valentin qu'on peut se permettre de prendre le risque d'être choix de l'entraîneur.
JEAN-FRANCOIS BORNE
SO FOOT, N°10, MARS 2004
PS: Merci à SCT pour sa précieuse contribution.