UN SONDAGE CENTRE-PRESSE - SOFRES
LA POLITIQUE ET LA MORALE
Les Français se font de la classe politique - c'est-à-dire de leurs dirigeants et de leurs élus - une idée tellement pessimiste, tellement désobligeante (et d'ailleurs tellement injuste) que c'est un véritable problème que révèle ce sondage inédit de la SOFRES. La première réponse va en effet causer un choc: il y a plus de Français pour croire la classe politique corrompue qu'il n'y en a pour la croire honête: 38% contre 32%. Certes la marge est étroite, mais cela paraît bien secondaire. L'essentiel c'est qu'une majorité de citoyens - très nette chez les jeunes, les artisans, les commerçants, les employés, les cadres moyens, les ouvriers et à gauche - est sincèrement persuadée de la compromission de ceux qui votent les lois ou qui dirigent les partis politiques. Les circonstances - l'affaire de Broglie par exemple - expliquent, peut-être partiellement ce sombre diagnostic. Il n'empêche que les Français ont donc conservé leur vieux fond de sceptiscisme et de méfiance à l'égard des professionnels de la politique. C'est au moins alarmant.
Qu'ils jugent ensuite que les affaires - c'est-à-dire les industriels, les financiers, les milieux d'argent - exercent une influence plus grande (59%) que modeste (18%) sur la vie politique paraît presque anodin. Il est vrai qu'en régime libéral, par la force des choses, dirigeants économiques et dirigeants politiques exercent les uns sur les autres - car les influences sont symétriques - un certain pouvoir. Personne ne le nie et, à gauche beaucoup s'en indignent ouvertement.
Qu'à côté de cela, les Français estiment en somme que dans l'affaire de Broglie, pour l'instant, police, justice et presse n'ont pas démérité est peut-être consolant: sur ce sujet précis, les Français ne se montrent donc pas manichéens; en ce qui concerne la justice, ils attendent sagement de voir la suite des évènements; en ce qui concerne la police et surtout les journalistes, ils les trouvent plutôt efficaces, et quand ils n'ont pas d'avis, ils préfèrent se taire. Réactions sommes toutes fort mesurées.
Mais qui ne doit pas donner le change: car beaucoup de Français (42% contre 14%) pensent aussi que les écoutes téléphoniques politiques conitnuent à exister, et qu'élus, journalistes ou hauts fonctionnaires en sont victimes. Alors Valéru Giscard d'Estaing pourra observer avec satisfaction que son cas est disjoint, que les Français le créditent largement d'efforts sincères pour moraliser la vie publique.
Il reste qu'en France, les citoyens ont au fond le sentiment que dès que l'on s'approche de la classe politique, le jeu devient biaisé; que les Français ont trop souvent l'impression qu'entre dirigeants on s'épie et on s'achète. Même si dans la réalité les "bavures" sont moins fréquentes et moins importantes qu'ils ne le croient - heureusement - le fait est là: en 1977 la politique reste aux yeux de beaucoup, une activité où l'on ss salit les mains. Et ce sceptiscisme populaire est sûrement un signe de fragilité de la démocratie de notre pays.
Alain DUHAMEL
Le mot de la fin pour Bernard Tapie, le 1er Juin 1994 sur France 2(soit 27 jours avant de la levée de son immunité parlementaire), qui aura fait du bien ni à la politique, ni à la morale, ni à quoi que ce soit au final...