LE FAIT DU JOUR
Etudiants et salariés
de nouveau dans les rues cet après-midi
La nouvelle manifestation des anti-CPE démarrera à 14h30 du stade Rebeilleau à Poitiers. Des milliers d'étudiants, de lycéens, de salariés y sont attendus.
Mardi dernier, les anti-CPE étaient au bas mot 20.000 dans les rues de Poitiers. Un chiffre colossal à l'échelle de la ville. Jamais atteint par la passé. Ni en mai 1968, ni en décembre 1995 lors du mouvement contre le plan Juppé. Seule la libérationde la cité intervenue en septembre 1944 - et c'était là un jour de joie - avait peut-être jeté dans les rues un nombre de Poitevins aussi impressionnant.
"Manifester autant sur le CPE que sur la réaction du président de la République"
Mais cet après-midi, combien seront-ils? A l'orée de la cinquième journée de manifestation anti-CPE qui démarrera cet après-midi à 14h30 du stade Rebeilleau, pas un étudiant, pas un syndicaliste ne se risque à faire un pronostic.
Mobilisés depuis douze semaines, les étudiants de la coordination affichent une confiance à toute épreuve. "On n'observe aucune faiblesse parmi nos troupes", jure Stéphane Séjourné, de la coordination. D'autres, investis dans le blocus de leur université depuis le 13 février, répètent qu'après autant de temps, ils n'ont plus rien à perdre. "C'est trop tard pour lâcher. On ira jusqu'au bout."
Pourtant, le spectre de l'essoufflement plane bel et bien sur le campus. Julien Vialard, l'un des leaders de la coordination poitevine, l'a reconnu jeudi dernier lors de la dernière AG en date qui a réuni au stade Rebeilleau un petit millier d'étudiants, moitié moins que d'habitude. Mais depuis, est venur l'intervention télévisée du président de la République vendredi soir. De nature à remobiliser certains.
"Beaucoup de gens sont écoeurés par l'intervention du président Chirac. Ca va être chaud", observe Laurent Caron, le secrétaire départemental de la CFDT. Alain Barrault, secrétaire départemental de FO confirme: "Nous sommes sollicités par des entreprises qui ne sont pas encore sorties et qui veulent manifester autant sur le CPE que sur la réaction du président de la République qui promulgue une loi refoulée par 3 millions de personnes dans les rues du pays."
Un sentiment qui inquiète Alain Barrault. Le syndicaliste redoute "la dérive progressive de la situation qui risque de quitter le terrain social et syndical pour arriver sur le terrain purement politique. Nous craignons que des actions beaucoup lus tranchées vienent éventuellement troubler l'ordre public. Et le gouvernement en portera la responsabilité." Laurent Caron ne cache pas qu'il "craint la casse". D'ailleurs en prévision d'éventules débordements, le patron de la CFDT confie avoir renforcé le service d'ordre de son syndicat. D'avantage de syndicalistes en chasubles aux armes de la CFDT mais aussi des militants anonymes placés au coeur du cortège prêts à intervenir si nécessaire.
J.-J. A.
Possible blocus de Poitiers mercredi
La coordination étudiante a adopté hier le principe du blocus de Poitiers pour mercredi matin, si le CPE n'est pas d'ici là purement et simplement retiré. Les étudiants annoncent qu'ils prendront position à différents points de la ville afin de rendre impossible l'entrée dans la capitale régionale ce matin-là.
La Nouvelle République, Mardi 4 Avril 2006.
SOCIAL
MANIFESTATION ANTI-CPE -Comme mardi dernier, des milliers de manifestants sont encore attendus cet après-midi à Poitiers
Toujours déterminés
Malgré la promulgation de la loi sur l'égalité des chances, les lycéens, étudiants et salariés seront certainement nombreux à défiler aujourd'hui.
COMBIEN de manifestants défileront-ils aujourd'hui dans les rues de Poitiers? "Ce n'est pas le problème puisqu'il paraît que ce n'est pas la rue qui gouverne", lance Alain Barreau, secrétaire départemental de FO. Reste que lycéens, étudiants et syndicats de salariés ont battu le rappel. Des délégations de toute la Vienne devraient être présentes dans le cortège cet après-midi.
Dès 13h, les tribunes du stade Rébeilleau, à Poitiers, accueilleront l'assemblée générale lycéenne et étudiante à laquelle participeront les syndicats de salariés. Dans la foulée, les principaux partis de gauche - PS, PC, Verts, Alternatifs, MRC (Chevènement), la LCR (Besancenot) - signeront une charte anti-CPE. La manifestation en tant que telle partira ensuite à 14 h, toujours de Rébeilleau. L'itinéraire, rocade, Pénétrante, les boulevards extérieurs jusqu'à la Porte-de-Paris, puis direction la gare avant la dissolution du cortège à la préfecture.
Désormais, les anti-CPE comptent passer à la vitesse supérieure. Dans un tract distribué largement hier en ville, ils appellent "en l'absence de déclaration gouvernementale [ce soir] annonçant le retrait du CPE/CNE [...] à se mobiliser massivement à 8 h, Porte-de-Paris, avec blocus." Deux autres points de rendez-vous sont fixés, dès 6h45, place Leclerc et à l'amphi J, sur le campus. Et dans la foulée, les anti-CPE annoncent un blocus de la ville tous les jours jusqu'au retrait du texte par le gouvernement!
Mathias Aggoun
Les étudiants écrivent à la police
A la suite des incidents de vendredi soir entre forces de l'ordre et étudiants, ces derniers ont adressé une lettre au patron poitevin de la police. Ils y rappellent que toutes leurs actions ont jusqu'ici été pacifiques alors qu'ils ont déjà noté "le dérapage d'un policier de la BAC [ndlr: brigade anti-criminalité] pendant une manifestation", celui-ci ayant, selon les étudiants "le coup de matraque un peu "facile"". Au sujet des incidents de vendredi, les étudiants rappellent qu'ils ont eu des blessés dans leurs rangs avant d'ajouter: "Nous avons pour nous l'art. 9 du code de déontologie de la police qui dispose, en synthèse, que le policer ne doit faire qu'un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre. A nos yeux, certains de vos hommes ont violé ce texte auxquels ils sont soumis, ce qui va nous permettre d'engager des poursuites."
CPE - Réaction du député socialiste
Claeys : "On ne louvoie pas avec la jeunesse"
PAS de manifestation aujourd'hui pour Alain Claeys. A l'heure où le cortège s'ébranlera, le député socialiste de la Vienne sera à l'Assemblée nationale. "Pour une réunion de groupe au cours de laquelle sera finalisée la proposition de loi que va déposer le PS et qui comportera un article unique qui réclamera l'abrogation pure et simple du CPE." La seule façon, selon lui, "d'apporter de l'apaisement, car on ne peut pas attendre des semaines" alors que la déclaration de Jacques Chirac "a rajouté une tension supplémentaire". Il faut "arrêter les contorsions" et éviter "de louvoyer avec la jeunesse" car celle-ci "attend un langage clair". Une seule solution: "Faire un geste fort dans l'intérêt de l'Etat et non louvoyer pour des convenances personnels". Bref, abroger.
Mitterrand en 1984
Un responsable politique peut faire un pas en arrière, estime Alain Claeys: "Ce n'est pas la rue qui gouverne, mais on peut, quand la situation l'exige, tenir compte de la réaction des citoyens. En 1984, quand un million de personnes défilait contre le projet de loi sur l'école libre, François Mitterrand avait retiré celui-ci..."
Selon lui, le conflit du CPE relève une crise plus profonde: "L'ascenceur social ne fonctionne plus. Aujourd'hui, parents et grands-parents craignent que leurs enfants soient plus malheureux qu'eux. Surtout ceux qui sortent de la formation initiale en situation d'échec." Pour eux, Alain Claeys propose...un CFE: "Un contrat formation emploi qui permettrait d'embaucher un jeune moyennant une formation au sein de l'entreprise dont le coût serait pris en charge par l'Etat." Le député rencontrera syndicats de salariés et étudiants sur ce sujet ce matin.
Centre Presse, Mardi 4 Avril 2006.