LE DEBAT SUR LA PEINE DE MORT
M. Aurillac propose la création d'un bagne près du Pôle Sud
Si la peine de mort est abolie, il faudra lui trouver une peine de remplacement. Le député parisien Pierre Bas (R.P.R.), qui a déposé en mai dernier, avec dix élus de la majorité (12 autres viennent de s'y joindre), une proposition de loi visant à supprimer la peine capitale de l'arsenal judiciaire, a pensé à ce problème.
"Si on ne crée pas de peine de remplacement, et si on applique seulement la réclusion criminelle à perpétuité, telle qu'elle existe aujourd'hui on confond les crimes les plus graves antérieurement punis de mort, avec d'autres crimes. Une telle situation peut conduire à un abaissement général de l'échelle des peines, et à un affaiblissement regrettable de la justice pénale", explique M. Bas qui a donc rédigé une seconde proposition de loi. Celle-ci prévoit de substituer à la peine de mort "une peine d'internement perpétuel" qui ne serait susceptible d'aucune réduction, ni d'aucune modification ou aménagement pendant une durée très longue fixée à vingt années."
Changer l'homme
Il s'agit donc, selon le député parisien de remplacer la peine de mort par un emprisonnement de vingt ans non susceptible de réduction. C'était d'aileurs ce que proposait le comité d'études sur la violence. M. Bas estime que le condamné, après voingt ans de détention est souvent devenu un autre homme que le meurtrier jugé en Assises.
"Quinze ou vingt ans suffisent à mon avis à supprimer les instincts agressifs, a dit M. Bas, et s'il s'agit d'un homme pervers, ce n'est pas la prison qui pourra l'amender, mais seul l'hôpital psychiatrique peut le soigner. Quantà remplacer la peine de mort par une peine d'internement à vie, ce serait faire mourir à petit feu les condamnés et ce serait très dangereux notamment pour le personnel de l'administration pénitentiaire, qui devrait alors garder des individus transformés en véritables bêtes fauves n'ayant pas d'espoir de salut."
Un bagne moderne
M. Michel Aurillac député du R.P.R. de l'Indre qui est lui aussi favorable à l'abolition a pensé à une autre solution pour repmlacer la peine de mort: une détention criminelle à perpétuité assortie de la transportation pénale, le condamné à perpétuité serait aussi envoyé "en un lieu inhabité situé dans les terres australes de la République, au nord du 60e parallèle".
M. Aurillac suggère que ces sortes de bagnes modernes soient situés à l'île de St-Paul, à l'île d'Amsterdam ou dans les deux archipels Crozet ou Kerguelen, ces territoires qui ne sont pas habités ont un climat analogue à celui de la Norvège. On peut, paraît-il, y pratiquer l'élevage et la culture maraîchère. Les condamnés au régime de la transportation pénale devraient rester au moins quinze ans dans ces îles au bout du monde. Le texte du député de l'Indre est présenté sous forme d'un amendement à la proposition de la loi de M. Bas sur l'abolition.
Ces textes ont-ils une chance d'être discutés à l'Assemblée au printemps? M. Pierre Bas a rappelé que le garde des Sceaux, M. Alain Peyrefitte, avait promis, le 24 octobre dernier, lors du vote du budget de la Justice, qu'il ne s'opposerait pas à la discussion suivie d'un vote, des textes sur l'abolition lors de la prochaine session. Or, récemment, le ministre de la Justice a parlé d'un simple débat d'orientation qui, lui, ne serait pas suivi d'un vote des députés.
M. Philippe Seguin, député des Vosges, cosignataire du texte de M. Bas sur l'abolition, déclarait à ce propos "le débat d'orienation est un leurre, un moyen d'empâcher la véritable discussion et le vote du texte."
La Nouvelle République, Février 1979.