"BEAULIEU VILLE NOUVELLE"
La PREMIERE Z.A.C. de POITIERS
"Beaulieu, ville nouvelle" vous connaissez?
Pour l'instant, ce n'est qu'un corps d'immeubles en chantier qui, planté au milieu d'un désert de caillou et d'herbes folles, n'est pas sans évoquer la naissance d'une station d'altitude ou les prémices de l'aménagement de la côte Languedoc-Roussillon.
L'été prochain, pourtant, les premiers locataires emménageront et, au début des années "80", entre Touffenet et le campus universitaire, entre la rocade "Est" et la voie de déviation des routes de Limoges et de Chauvigny, Poitiers devrait compter un nouveau quartier de 2.500 logements et quelques 10.000 âmes.
Telle est, du moins, l'ambition globale de la zone d'aménagement concerté de Beaulieu qui ne mérite pas seulement la dénomination de "ville nouvelle" pour l'importance de ses proportions.
En fait, tout dans sa conception, dans son expression architecturale est appelé à différencier la Z.A.C. des autres quartiers anciens ou modernes, de notre ville.
A quelques conventions près, ses aménageurs et ses promoteurs ont résolument misé sur la création et l'innovation, celles qui imposent une réflexion critique et engagent un pari psychologique et sociologique (avec les risques d'erreurs que cela comporte).
Sans être révolutionnaires, au niveau du district urbain et de l'aménageur, l'Office public d'H.L.M. de la ville de Poitiers, les choix sont nets et démarqués des réalisations antérieures; un plan-masse malléable; les logements individuels et collectifs en nombre égal; pas de hauteur d'immeubles supérieures à 21 mètres, soit un maximum de six étages, une formule tout électrique accompagnée d'un effort d'isolation; l'individualisation du chauffage dans les logements des offices publics.
On pourrait également citer les équipements publics, centre de la petite enfance, maison du citoyen, les zones d'activités économiques, commerces et services.
Une variété de paysages urbains et de conceptions de l'habitat
Plus suggestive quant aux lignes et aux formes, mais aux effets bien concrets sur l'acclimatisation de la population, c'est certainement la conception de l'aménagement architectural qui tranche le plus avec ce à quoi les Poitevins sont habitués...on fini par s'habituer.
Contrairement à l'ensemble monolithique de la Z.U.P. des Couronneries (à quelques rares exceptions près), la Z.A.C. de Beaulieu comportera à peu près autant de paysages et de conceptions différents de l'habitat, que de tranches.
La première tranche, on le sait, est issue d'un consensus de consultations et de concours à plusieurs niveaux mais il ne s'agira pas pour autant d'une "tranche témoin" sur laquelle seront calquées les autres réalisations de la zone.
L'organisme aménageur a, dans ses dossiers, des plans d'une tout autre inspiration qu'il entend mettre en oeuvre dans les prochains mois en différents points de la Z.A.C.
Cela concerne dans plusieurs cas des opérations expérimentales, des tentatives de plus ou moins grande volée, résultant de recherches au niveau régional, mais également national.
Sortant du sentier des dotations régionales, les aménageurs ont directement traité avec le ministère de l'Equipement pour certaines opérations originales.
C'est ainsi, qu'avec des crédits d'Etat, ils ont accepté de tenter une expérience communautaire, dans le cadre d'un plan d'architecture nouvelle.
Retenu par concours, ce projet à séduit le jury par le fait qu'il s'attaque aux grands maux des collectifs et cités nouvelles: l'isolement et l'individualisme;
72 des 318 logements de l'opération seront concernés par des "surfaces d'activités partagées", lieux de rencontres des locataires d'un étage, qui se substituant aux simples paliers, offriront un cadre et des installations propres à favoriser les contacts et les échanges entre familles.
Mais le succès d'une telle formule ne réside pas seulement dans les structures, il tient aussi à l'esprit dans lequel elles sont utilisées, voire même admises.
Pour cela, une sélection sera faite, basée sur le volontariat et sur l'étude des demandes, avec le concours d'un psychologue.
Premiers habitants l'été prochain
Une autre opération issue du concours "Innovation" organisé par l'Equipement, devrait débuter dans 5 ou 6 mois et portera sur 150 logements en petits collectifs.
Baptisée "Maisons et Jardins", elle privilégiera les terrasses individuelles pratiquement insérées dans les logements en "nids d'abeilles".
En ce qui concerne les logements individuels, une tranche d'environ 200 pavillons sera mise en chantier cet été, sur l'idée de l'un des lauréats du "Jeu de construction", encore une initiative du ministère de l'Equipement.
La direction régionale de cette administration n'est pas en reste puisque, elle aussi, a organisé un concours régional de maisons individuelles et à partir des types retenus, 200 pavillons seront édifiés à la Z.A.C.
Pour sa part, la première tranche, actuellement en chantier et dont les premiers logements seront livrés l'été prochain, comporte:
- 320 logements locatifs (H.L.M. et L.L.M.) en petits immeubles contigus et de hauteurs variées (conf. notre photo de maquette).
- 200 logements individuels dont 50 en locatif et le reste en accession à la propriété (H.L.M., P.I.C. et P.S.I.) ou vente directe.
- 1550m² de bureaux essentiellement en galerie, au rez-de-chaussée des immeubles.
Pour la poursuite du programme financé en 1975 et marquant un sensible retard, à la première tranche se greffe une tranche "1 bis" de 294 logements dont 11 en pavillons.
Ainsi, tranche après tranche, opération par opération, souvent simultanées, la "ville nouvelle" de Beaulieu prendra corps au fil des prochaines années.
D'oeuvre d'imagination, la Z.A.C. deviendra cadre de vie et c'est seulement sous cet aspect que l'on pourra véritablement mesurer ses réussites et ses échecs.
Y. THIOLLET
La Nouvelle République, Mars 1976.
Illustrations (les 3 dernières) : Centre Presse, été 1976.