UNION POLITIQUE
Eviter un "quatrième Reich"
"La CEE est un géant économique, un nain diplomatique et une larve militaire", constatait le ministre belge des affaires étrangères, Mark Eyskens, au début de la crise du Golfe. A Maastricht, les Douze vont tenter de se forger un rôle politique à la mesure de leur poids dans l'économie mondiale.
Après s'être mis d'accord pour réaliser un marché unique sans frontières permettant, dès le 1er janvier 1993, la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et des hommes, ils se préparent à coordonner leurs diplomaties et à jeter les bases d'une défense européenne, en utilisant l'U.E.O. (Union de l'Europe Occidentale).
Ce sommet ne donnera pas naissance du jour au lendemain à une "politique étrangère et de sécurité commune". Dans le meilleur des cas, il s'engagera sur un objectif et un calendrier. Les vraies décisions seront prises dans quelques années. Mais l'impulsion sera - ou ne sera pas - donnée.
Si la C.E.E. a pour origine le rêve d'Etats unis d'Europe, c'est la réalité de l'histoire - l'unification allemande et l'effondrement du communisme en Europe de l'Est - qui a incité les chefs d'Etat et de gouvernement à ouvrir des négociations sur l'union politique, au printemps 1990. Le chancelier Helmut Kohl a reconnu lui-même que ses partenaires avaient ressenti le besoin de resserrer les rangs et de "coiffer" son pays au sein d'une Union européenne afin d'éviter à l'Allemagne réunifiée la tentation de faire cavalier seul et de constituer un "quatrième Reich" à tendance hégémonique.
En allant dans le sens de la diplomatie commune et de l'armée européenne, les Douze cherchent aussi à faire contrepoids à la puissance américaine. Mais ils devront surmonter beaucoup d'obstacle avant de pouvoir parler d'une seule voix. Leurs intérêts sont parfois divergents et leurs zones d'influence différentes.
Selon le projet de traité, le conseil des ministres de la Communauté définirait à l'unanimité - chaque pays gardant une possibilité de veto - les problèmes à traiter en commun. La mise en oeuvre de cette politique serait ensuite décidée à la majorité. On ferait ainsi passer au niveau communautaire ce qui a toujours été du ressort national ou inter-gouvernemental. Une mutation fondamentale.
La Nouvelle République, Vendredi 6 Décembre 1991.
Et histoire de se mettre à l'heure de Berlin, l'hymne de la République Fédérale d'Allemagne.