Mais la municipalité de Poitiers est-elle vraiment l'autorité compétente pour répondre des paroles et des actes de la police nationale, vu qu'a priori, la police municipale n'est plus en action au-delà de minuit?
Retour de la polémique des bars à Poitiers plus de trois ans après la fermeture administrative du Cluricaume!
Devant le Minima Café (Ex Barrio Loco) Grand Rue, Poitiers, 8 Avril 2011, vers 08H40. Un bar carrément déconseillé aux fans de Justin Bieber n'est pas forcément mauvais...
Lettre ouverte à Monsieur Alain Claeys, maire de Poitiers.
Poitiers, la ville où il ne fait pas bon avoir un commerce qui réussit.
En ces temps de crise où le chômage augmente et où nombreux commerces du centre de Poitiers baissent le rideau, on serait tenté de croire qu’il est une chance de posséder un commerce qui attire du monde. Et bien ce n’est pas si simple : quand cela arrive, la police lui promet quasiment l’enfer…
Résumons. 1h05 du matin, dans la nuit de vendredi à samedi. A minima Café, Grand’rue. La soirée bat son plein. Une quarantaine de personnes stationne devant le bar. Personne n’est en état d’ivresse, personne ne tient son verre à la main, personne ne se bat, l’ambiance est bon enfant. A ce moment-là, sans la moindre aménité, un policier débarque dans le bar et vient me reprocher la seule présence de personnes dans la rue, aux abords de mon établissement. Il me prévient que je serai convoqué ultérieurement au commissariat pour “tapage”. Voilà pour les faits.
Venons-en à la question du droit. Si la police me fait le reproche de ne pas pouvoir empêcher le monde de venir dans mon établissement, c’est donc qu’elle considère qu’en tant que patron de bar je suis dépositaire de l’autorité publique. Selon le droit français, Cass.crim. 25 mai 2004 (Bull.crim. n° 136 p.519) : “La qualité de dépositaire ou agent de l’autorité publique ou de citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, au sens de l’art. 31 de la loi du 29 juillet 1881, n’est reconnue qu’à celui qui accomplit une mission d’intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique.” Bref, j’aurais à en croire la police une autorité identique à la vôtre, à celle du préfet ou des forces de l’ordre ! Dans la mesure où évidemment rien de tel n’est écrit dans le droit français, comment, je veux dire sur quelles bases légale et juridique, me sanctionner de ne pas l’exercer ? Et pourquoi alors la police, dépositaire de l’autorité publique, ne l’exerce-t-elle pas en pareil cas ? Pourquoi le policier m’a-t-il dit “je ne suis pas là pour assurer l’ordre public, mais pour vous sanctionner de ne pas le faire” ? La situation est ubuesque : la police me sanctionne de ne pas exercer un pouvoir que je n’ai pas, quand elle n’exerce elle-même pas l’autorité dont elle a la charge ! On pourrait croire que le rôle de la police est aussi de protéger un commerçant qui serait débordé par l’affluence ; eh bien il faut croire qu’un bar jouit d’un statut spécial, à part, et qu’il est le seul commerce censé assurer l’ordre public devant son établissement par ses propres moyens, alors que des moyens, il n’en a aucun, vu que personne ne commet de délit à refuser d’obéir à mon injonction de circuler… Juridiquement, tout cela ne tient pas. D’ailleurs, un arrêt de la Cours d’Appel d’Aix en Provence, (17 juin 1996, Oxxx, Juris-Data n° 045238) l’a confirmé dans le cas d’un tapage provoqué devant une boulangerie par des clients : il ne peut être accusé de complicité de tapage nocturne dès lors que les bruits provoqués par les clients sont extérieurs à son établissement. Et la Cour d’Appel de Bordeaux (10 octobre 1991, Maingot/ Bertin, Juris-Data n°1991-046482) l’écrit aussi dans son arrêt : les débordements des jeunes clients se produisant à l’extérieur de l’établissement ne peuvent être imputables à l’exploitant.
C’est qu’au fond le problème n’est pas un problème de droit, mais une simple question de morale. Le problème, à bien l’écouter, c’est l’existence même des lieux de vie nocturne. Le policier ne s’est pas gêné pour me dire qu’il allait “s’occuper de mon bastringue”, oubliant sans doute qu’un bar est un commerce légal, réglementé, et que le minima Café a toutes les autorisations d’exercer son activité. Ne sachant sans doute pas trop quoi répondre aux observations que je lui formulais, le policier a fini par lâcher cette formule définitive : “Si ce bar n’existait pas, il n’y aurait eu personne devant”… Pas possible ! Rendez-vous compte, Monsieur le maire : si vos parents ne vous avaient pas conçu, vous ne seriez pas maire de Poitiers… Preuve en est que c’est l’existence même des bars que ce policier conteste. Ce qui s’apparente à un déni de réalité. La France étant encore un Etat de Droit et non une dictature policière, je vous pose la question, Monsieur le maire : l’objectif de votre éventuelle prochaine mandature est-il d’interdire les bars sur la commune de Poitiers ? Si tel était le cas, je crains pour la réputation de Poitiers auprès des étudiants qui à coup sûr iront séjourner sous des cieux plus cléments…
Je vous remercie de l’attention que vous aurez portée à cette lettre.
Guillaume Lagandré, patron du A minima Café.
Pris sur la page Facebook du A minima Café, le 20 Mai 2013.