[ 19/02/10 - 18H41 - actualisé à 18:43:00 ]
Officiellement, il n'y a "pas de risque de pénurie", comme l'a affirmé vendredi la ministre de l'Economie Christine Lagarde. Mais des tensions pourraient apparaître dans l'Ouest de la France ou le Rhône-Alpes.
En plein chassé-croisé sur les routes françaises, la grève qui sévit dans les six raffineries de Total depuis mercredi menace l'approvisionnement de certaines stations-services. Officiellement, il n'y a "pas de risque de pénurie", a affirmé vendredi la ministre de l'Economie Christine Lagarde. De même, selon l'Union française des industries pétrolières (Ufip), "il y a entre 10 et 20 jours de consommation de produits finis dans les dépôts". "Les cuves sont pleines", ajoute-t-on chez Total. Bref, de quoi tenir pendant cette période de gros départs en vacances.
Mais selon Eric Sellini, délégué syndical central CGT, "à moins que la direction n'ait des solutions secrètes, comme l'approvisionnement à partir de l'étranger, il pourrait y avoir un début de pénurie dès aujourd'hui". Par rapport au mouvement de 2005, durant lequel les salariés du pétrolier français protestaient contre le lundi de Pentecôte travaillé, une nouveauté s'est imposée, précise-t-il : cette fois-ci, sept dépôts sur les 31 que compte le groupe en France sont en grève. Autrement dit, ils ne sont pas livrés et ne livrent pas. La France compte 160 dépôts, y compris ceux des concurrents de Total.
Les salariés du groupe protestent contre la fermeture programmée de la raffinerie des Flandres, près de Dunkerque, qui représente 800 emplois directs, dont 400 internes. Le pétrolier s'apprêtait à l'annoncer le 1er février, mais a dû faire machine arrière à la demande de l'Elysée. Un comité central d'entreprise (CCE) est prévu le 29 mars, après les élections régionales. La CGT demande la tenue de tables rondes "sur l'avenir du raffinage et l'indépendance énergétique du pays" et sur "Dunkerque pour la pérennité du site des Flandres et du bassin d'emploi dunkerquois".
Face à l'intensification du mouvement, et après un entretien entre son patron Christophe de Margerie et le ministre de l'Industrie Christian Estrosi, qui l'a invité à "rassurer très rapidement les salariés de ses raffineries", Total a rappelé vendredi qu'il ne procéderait "bien entendu" à "aucun licenciement". Lors du CCE, le groupe veut évoquer les modalités concrètes d'évolution du site, qui pourrait être transformé en dépôt, et l'idée d'une participation au projet de terminal méthanier d'EDF dans la région. Il perd 100 millions d'euros par mois dans le raffinage.
Avec 53 millions de tonnes par an, les raffineries de Total, qui fournissent aussi les réseaux Leclerc et Carrefour, représentent 54 % des capacités de production en France. Le deuxième raffineur français, Esso, filiale du groupe américain Exxon Mobil, représente près de 20 % des capacités. Or les salariés de ses deux raffineries, situées à Port Jérôme (Seine-Maritime) et à Fos sur Mer (Bouches-du-Rhône), ont eux aussi appelé à la grève vendredi par solidarité pour leurs collègues de Total. Le mouvement pourrait commencer dès aujourd'hui.
Selon les experts, des difficultés pourraient apparaître dans les zones les moins desservies, comme l'Ouest de la France ou Rhône-Alpes. "Il n'est pas impossible qu'une ou deux stations isolées aient un problème quelconque dès aujourd'hui ", reconnaît un spécialiste. Le pire serait alors une couverture médiatique disproportionnée qui déclenche un mouvement de panique. "Le principal risque, c'est celui de panique des automobilistes, que tout le monde se précipite vers les stations-service et les assèche", reconnaît Jean-Louis Schilansky, président de l'Ufip.