Ce mercredi sort le numéro 1178 de Charlie Hebdo (tiré à un, puis trois puis cinq millions d'exemplaires, certains ayant déjà réservé leur journal) à la Une duquel on retrouve une nouvelle caricature de Mahomet. Après la tragédie de la semaine passée, le journal satirique est en position "d'intouchable". Plus grand monde n'aurait l'audace de se démarquer en faisant remarquer que celle-ci arrive "à un moment inopportun" en "rajoutant de l'huile sur le feu" et que la liberté devrait faire place "à la responsabilité". Et encore moins que Charlie Hebdo est un journal "beauf raciste" qui a perdu l'esprit de ses débuts. Ironie du sort, c'est en publiant des caricatures avec à la Une Mahomet dans un fauteuil roulant poussé par un juif orthodoxe sous le titre "Intouchables 2" que le journal avait du subir un tir croisé d'une très grande, trop grande majorité de la classe médiatico-politique.
En effet, dans un contexte dit "sensible", le journal avait publié ces dessins alors que le "monde musulman" était traversé par des tensions à la suite d'un film américain de série Z ("Innocence of Muslims") sur la vie de Mahomet d'une qualité que chacun est libre de jugé.
Retour sur l'agitation politique de la mi-septembre 2012, alors que quelques mois, en novembre 2011, les locaux de Charlie avaient été incendié à la suite d'une attaque au coktail molotov, à la suite de la publication d'un numéro spécial, surnommé "Charia Hebdo".
2 Novembre 2011
Les locaux de Charlie Hebdo victimes d'une attaque d'intégristes
18 Septembre 2012
L'annonce des nouvelles caricatures du prophète Mahomet
"On ne craint rien, on est en France. [...] Le seul risque, c'est de passer au tribunale car on aurait offensé quelqu'un. C'est exactement le seul risque que je crains." Charb
19 Septembre 2012
Laurent Fabius (Ministre des Affaires Etrangères) s'interroge sur la pertinence de mettre "de l'huile sur le feu" sur France Info
"C’est pour ses valeurs et sa liberté que la France a été attaquée aujourd’hui. Français unis contre la barbarie. "
Tweet de Laurent Fabius du 7 Janvier 2015
"Le contexte mondial ne sera jamais favorable à rigoler de l'islam radical ou des religions en général, donc si on tient compte du contexte, on parle plus de rien, jamais". Charb
Où Manuel Valls (Ministre de l'Intérieur) appelle chacun à faire preuve de "responsabilités"
"La seule réponse à la barbarie, c'est ce cri universel de la France, ce cri de liberté. "
Tweet de Manuel Valls du 7 Janvier 2015
Manuel Valls, Premier ministre, sortant du Conseil des Ministres le Mercredi 14 Janvier 2015, avec le numéro 1178 de Charlie Hebdo avec à en couverture une caricature de Mahomet faite par Luz. Capture d'écran de BFMTV .
Où Charb trouve que Ayrault devrait "soutenir la liberté de la presse et de la République"
"Anonymes et dirigeants du monde entier réunis pour défendre la liberté, exceptionnel moment de communion républicaine #JeSuisCharlie "
Tweet du 11 Janvier 2015 de Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre.
Le difficile numéro d'équilibriste de Jean-Marc Ayrault
Quelques prises de positions...unanimes contre Charlie.
Où Besancenot trouve que ce n'est pas très "opportun"
Où NKM parle de "provocation qui ne justifie pas mort d'homme"
Où Wauquiez évoque de la "retenue"
Où Hortefeux trouve que "c'est une provocation inutile"
Où Le Pen fille trouve que "quand ça touche les catholiques, ça n'émeut pas beaucoup la classe politique"
Aux Etats-Unis, le porte-parole de la Maison Blanche souhaitait, lors d'une conférence de presse que ces caricatures "ne soient pas diffusées".
Décembre 2013
Où Charb défend son journal face aux accusations de racisme, comme celles de Pascal Boniface qui évoque un journal devenu "beauf' raciste"
"Rendre responsables massacre ceux qui critiquaient Charlie est odieux contraire à union nationale.Liberte d expression est pas un monopole "
Tweet de Pascal Boniface du 10 Janvier 2015.
14 Janvier 2015: Daesh consitue une dictature en Syrie et en Irak et multiplie les cyber-attaques, Boko Haram multiplie les massacres et le "monde occidental" redoute de nouvelles attaques sur son sol. Autant dire que le contexte pourtant sacro-saint n'est désormais plus un problème. En espérant que ce ne soit pas des postures de circonstances, on verra bien ce qu'il se passera dans les prochains mois.
Parce que nombreux dirons:"Oui je suis pour la liberté d'expression MAIS...". Et voilà, c'est ce putain de MAIS qui pose une barrière invisible, une limite posée qu'il faudrait dès lors ne pas franchir. Sans tout mélanger: le racisme, le négationnisme, l'homophobie utilisent le bouclier de cette dite liberté pour se répandre, et elles font du mal surtout à la liberté. Or, en France, hormis en Alsace-Moselle, il n'y a plus de délit de blasphème.
Alors oui au blasphème et surtout merci de ne pas donner de contexte à l'humour, à la caricature. Parce que poser des limites temporelles à l'humour, c'est faire le jeu de ceux qui veulent nous faire perdre notre liberté, c'est faire le jeu de ceux qui veulent faire du mal à notre République.