Photo d'Emmanuel Macron avec ses conseillers à l'Assemblée Nationale, Janvier 2015. Photo prise sur le compte facebook de Stéphane Séjourne;
Ironie de l'histoire. En 2006, c'est l'utilisation de l'article 49-3, par Dominique de Villepin, pour faire passer le contrat première embauche (CPE), qui va précipiter Stéphane Séjourné dans le combat politique. Pendant deux mois, il sera l'un des leaders étudiants du mouvement social à Poitiers, jusqu'à l'abrogation du texte.
Neuf ans plus tard, mardi dernier, c'est lui, dans les coulisses du pouvoir, qui est chargé de faire le compte des députés susceptibles de voter la loi Macron. « On avait une majorité, entre 3 et 6 voix d'avance (*) », assure-t-il. Trop risqué pour soumettre la loi au vote, estime-t-on à Matignon et l'Élysée. Le 49-3 est de retour.
"Emmanuel Macron sait s'entourer, il écoute nos avis"
En 2005, Stéphane Séjourné a 20 ans. Il s'inscrit en première année d'AES à la fac de Poitiers. Il débarque de Buenos Aires: « Mes parents étaient expatriés, on a vécu dans plusieurs pays. J'ai vite aimé Poitiers. J'y ai trouvé ma place. » Il se fait rapidement des potes au Parti socialiste, où il militait déjà en Argentine.
Quand la contestation contre le CPE débute, il est en première ligne. La dialectique micro ne fait pas peur à ce beau gosse, l'action sur le terrain non plus. Les étudiants votent le blocus. C'est parti pour deux mois d'action militante échevelée: manifs géantes, actions originales, débat politique. Les jeunes socialistes sont dans tous les coups. Et ça marche.
Mais pas question de franchir ensuite le pas vers une carrière qui semble promise. Les consignes des « grands » du Parti socialiste sont claires: « Terminez vos études et obtenez des diplômes. » Stéphane Séjourné va boucler les siennes en 2011, avec deux masters de droit en poche. Il monte à Paris pour un stage à la mairie de Paris, « dans le service des marchés publics », bosse ensuite plusieurs mois à la Fédération de l'agroalimentaire, « responsable des affaires publiques ».
"Valeurs intactes"
En parallèle, il milite au PS parisien. La victoire à la présidentielle de 2012 crée un appel d'air dans les cabinets ministériels. Il trouve une place au conseil régional d'Île de France, au cabinet du président Jean-Paul Huchon. Deux ans plus tard, Emmanuel Macron, le nouveau ministre de l'Economie, construit son cabinet. On lui fait signe. Stéphane Séjourné est recruté, comme conseiller parlementaire. Son passé militant a-t-il joué? « Je ne l'ai pas forcément vendu à l'entretien d'embauche, sourit-il. Mais je crois que ça a compté. Le ministre a voulu s'entourer de gens aux profils différents mais complémentaires. Il écoute l'avis de tout le monde. »
A Bercy, Stéphane Séjourné est chargé d'aplanir le terrain parlementaire. La fameuse loi Macron, il la connaît par coeur. Il sera derrière le ministre pendant les 200 heures du débat en commission avec les députés, pour la négociation d'un millier d'amendements. Jusqu'au 49-3. « Cette séquence politique n'a rien à voir avec celle de 2006, explique-t-il. A l'époque, il s'agissait d'une loi qui ôtait des droits aux jeunes. La loi Macron en crée. Elle ouvre l'accès à des professions jusqu'ici réglementées, au permis de conduire, elle érige des droits réels. »
La loi poursuit son chemin parlementaire. « On va au Sénat pour trois semaines. » Avant un retour à l'assemblée nationale au printemps. Entre les deux, Stéphane Séjourné aura soufflé la trentième bougie de son anniversaire, mais pas la flamme militante. « Mes valeurs de gauche sont intactes », assure-t-il.
(*) NDLR. : Le cabinet du ministre a demandé à relire les citations de Stéphane Séjourné avant parution. Elles n'ont pas été modifiées.
••• "On était la bande des Camba"
Stéphane, Jules, Maxance, Guillaume, Arthur. En 2006, ils étaient dans tous les coups du mouvement anti-CPE à Poitiers, « on était dans le bain 24/24h », rappelle Jules Aimé, aujourd'hui prof d'histoire et élu municipal à Poitiers. Des jeunes socialistes, « tendance Strauss-Kahn, mais surtout dans la mouvance de Cambadélis », précise Jules Aimé. « On était la bande des Camba, on voulait faire de la politique sur le terrain, pas dans les salons. Genre Nanterre plutôt que style Voltaire. Dans l'action, on n'avait rien à envier aux gauchistes. »
Le groupe de l'époque est toujours soudé. « On s'appelle souvent, assure Jules Aimé. Mardi, pendant la séquence 49-3, on s'est échangé des sms avec Stéphane. » Ils ont respecté les consignes de l'époque. Ils ont tous un boulot. Tous un engagement politique. Et tous le respect de la discipline du parti. Pas de frondeur dans les rangs.
Centre Presse, Dimanche 22 Février 2015.
PS: attention, il ne faut pas confondre Stéphane Séjourné ici présenté et son homonyme Stéphane Séjourne, champion de France du cri du cochon.