Documentaire de 2014 réalisé par David Korn-Brzoza.
Depuis plus de 30 ans, l'histoire de Jean-Marie Loret, l'homme qui se disait fils d'Adolf Hitler, rejaillit au gré des révélations, investigations et autres témoignages. Ce mois-ci, un documentaire réalisé par David Korn-Brzoza et diffusé par la RTBF cette semaine (et sur France 5 le 14 décembre) refait un point complet sur ce mystère jamais élucidé et y apporte des éléments (presque) décisifs. "Au début, j’ai refusé de réaliser ce film, explique le réalisateur. Pour le Français que je suis, cette annonce m’a fait froid dans le dos. Mais, petit à petit, j’ai remarqué que les preuves concordaient et qu’il y avait suffisamment de matière pour raconter cette histoire. J’ai alors décidé d’enquêter !" Le documentaire est bien documenté et évite tout sensationnalisme.
1916 : début de l'histoire à Fournes-en-Weppes
Les troupes allemandes envahissent la Belgique et sont dans le Nord de la France. Le caporal Adolf Hitler a alors 29 ans. Il est un simple soldat de l'armée allemande. Régulièrement, au cours de ses permissions, il se rend à Fournes-en-Weppes (à 15km de Lille). Là, il aurait rencontré Charlotte Lobjoie, une fille de ferme, avec qui il aurait entretenu une relation pendant plusieurs mois.
Il quitte le secteur quelques mois plus tard en 1917. Charlotte, qui n'a que 18 ans, accouche en mars 1918. Jean-Marie est rapidement confié à une famille. Il va y vivre une enfance difficile, souvent maltraité, insulté : "Fils de boche". Il ne connaît ni sa mère, ni son père.
1942 : des Allemands s'intéressent à lui
Adopté, Jean s'appelle désormais Jean-Marie Loret. Il affirme que ses parents adoptifs ne cessaient de lui répéter : "Ne cherche jamais à savoir qui est ton père". En 1942, sa vie va commencer à basculer. Il affirme avoir été convoqué à l'hôtel Lutetia, siège des services de renseignements allemands. Il y subit un interrogatoire sur ses origines, son enfance. Un officier allemand lui donne alors l'adresse de sa mère. Il la rencontre. Elle refuse de lui dire qui est son père avant de lui faire une incroyable révélation juste avant de mourir : "Ton père s'appelle Adolf Hitler".
La deuxième guerre mondiale est terminée depuis 2 ans. Hitler est mort. Cette annonce est un choc pour Jean-Marie Loret. L'homme qui vit désormais en Picardie va consacrer une bonne partie du reste de sa vie à vérifier cette révélation.
1975 : il révèle son secret à ses enfants
En 1975, Jean-Marie Loret décide de réunir ses 9 enfants. Il leur avoue ce qu'il a gardé secret jusque-là : Hitler est leur grand-père. "Imaginez qu’on vous annonce que vous êtes la petite-fille du diable en personne, du plus grand bourreau de l’Histoire… Vivre cela, ce n’est pas descriptible, c’est violent, c’est très dur à accepter", raconte Elisabeth dans le documentaire.
Jean-Marie Loret est convaincu d'être le fils d'Hitler et il va se mettre en quête de preuves de ces dires avec l'aide d'un historien allemand : Werner Maser. Ce dernier accumule des éléments qui tendent à prouver que l'histoire racontée par ce Français est vraie. Le documentaire les reprend un à un en montrant tout de même qu'ils sont fragiles :
- La ressemblance physique est indéniable. Mais aucune ressemblance physique ne prouve un lien de filiation. Il a aussi le même groupe sanguin qu'Hitler (ce qui ne prouve rien non plus)
- Le rendez-vous à l'hôtel Lutetia avec des officiers allemands. Jean-Marie Loret dit y voir été pris en photo. Mais elle n'a pas été retrouvée dans les archives. Impossible donc de prouver que ce rendez-vous a bien eu lieu.
- La famille adoptive de Jean-Marie Loret aurait acheté grâce à mystérieuse aide allemande un immeuble à Francfort, revendu 5 ans plus tard. Investissement classique de bourgeois de l'époque ou façon pour Hitler d'aider la famille qui élève son fils ?
- Un portrait réalisé par Hitler de Charlotte Lobjoie (et retrouvé dans son grenier) aurait été authentifié. Mais là encore aucune preuve formelle qu'Hitler a peint ce tableau, ni que la femme représentée est Charlotte Lobjoie... Même s'il y a une ressemblance...
- Des témoignages recueillis par l'historien chez les proches d'Hitler tendraient à montrer que le dictateur allemand avait ordonné en 1940 qu'on enquête sur une femme qu'il avait rencontré en France pendant la 1ère guerre mondiale. Des témoignages impossibles à vérifier aujourd'hui.
1977 : "Je suis le fils d'Hitler"
L'historien Werner Maser estime, en 1977, avoir suffisamment d'éléments pour révéler le scoop au monde entier. Les médias s'emparent de l'affaire. Et Jean-Marie Loret, 59 ans, devient presque une "bête de foire". Mais très vite, certains journalistes se font moqueurs ou dénoncent une supercherie, pointant la fragilité des arguments avancés. Jean-Marie Loret, de son côté, continue à chercher des preuves. Il en fait un livre qui sort dans l'indifférence en 1984. En 1985, la mort stoppe sa quête mais pas le mystère qui devient un fardeau pour ses enfants, en quête d'identité.
C'est incontestablement le vrai "plus" de ce documentaire. Philippe Loret et sa soeur Elisabeth, deux des 9 enfants de Jean-Marie Loret y apportent leur témoignage mais surtout se soumettent à un test ADN. Pensant grâce à cela, en finir avec un mystère qui "plombe" leur vie, est pesant, difficile à porter. Sont-ils oui ou non les petits fils du dictateur ?
Problème : l'ADN d'Adolf Hitler n'existe pas. Mais en retrouvant dans son arbre généalogique, des membres de sa famille, on peut comparer leurs ADN à ceux de Philippe et Béatrice. En Autriche, deux hommes, lointains cousins autrichiens d'Hitler ont accepté la démarche. Le documentaire filme ses tests ADN et en donnent les résultats. Possède-t-il le même chromosome "Y" que les membres de la famille Hitler ?
Vous pourrez découvrir les résultats en regardant ce passionnant documentaire sur France 5 le dimanche 14 décembre à 22h25. On peut simplement dire que cet élément fait clairement avancer "l'enquête" sans la boucler définitivement.
Et si tout était faux ?
Au-delà de ces "résultats", le documentaire pose de toute façon aussi la question inverse : si Jean-Marie Loret n'est pas le fils d'Hitler, qui a menti ? Sa mère qui a voulu se donner de l'importance ou devenir quelqu'un ? Jean-Marie Loret lui-même pour se venger de son enfance douloureuse d'"enfant de boche" ou toucher un éventuel héritage ? Personne ? Charlotte Lobjoie ne savait peut-être pas elle-même qui était le père de son enfant... Un siècle plus tard, le mystère continue...
Il y a 2 ans déjà...
L'histoire de Jean-Marie Loret avait été ressortie il y a plus de deux ans par le journal Le Point mais sans éléments vraiment nouveaux. A cette occasion, France 3 avait exhumé des archives les images de Jean-Marie Loret.
Reportage de France 3 Nord-Pas-de-Calais, 2012.