POITIERS - Les étudiants ont envahi l'Inspection académique jeudi soir
Après les matraques, les plaintes
A la suite des incidents qui ont émaillé la manifestation de jeudi, des membres de la Coordination du mouvement de Poitiers ont l'intention de porter plainte contre la Brigade anti-criminalité de Poitiers. Des étudiants motivés qui poursuivront leurs action ce week-end et la semaine prochaine.
LA Coordination du mouvement étudiant a tenu, hier après-midi, une nouvelle réunion à la fac de Lettres et Langues sur le campus de Poitiers. A l'ordre du jour: le bilan des opérations de la veille.
Et la veille, la manifestation a tourné court. A proximité du rectorat, certains étudiants membres du service d'ordre, appelés "nez rouges", ont reçu quelques coups de matraques (lire notre édition de vendredi). A la suite de ces incidents, les étudiants victime ont annoncé, à la réunion, qu'ils avaient l'intention de porter plainte "pour coups et blessures volontaires et menaces" contre la Brigade anti-criminalité (BAC) de Poitiers. Selon les dernières informations, ces plaintes devraient être déposées lundi matin.
Bonnes relations
A travers un communiqué, la Coordiantion, a tenu à préciser: "De ces faits, la coordination condamne les agissements de la BAC, tout en déplorant l'image néfaste qu'elle a donné de la Polide de Poitiers qui s'est distinguée depuis le début du mouvement par le dialogue et le pacifisme. Les membres de la coordination violentés et menacés porteront plainte tout en espérant la continuité des bonnes relations avec les forces de l'ordre."
Hier matin, trois étudiants ont rencontré pendant une heure et demie Patrick Courtade. "La discussion a été transparente et de bon niveau, dans un esprit d'écoute, précise le patron de la police. Ils sont contents de leur modèle poitevin par rapport à d'autres villes où les choses se sont ternies. Ils ont la même volonté que nous: que tout se poursuive de la meilleure façon possible. On va d'ailleurs se revoir lundi pour parler de la problématique de la circulation en prévision de la manifestation de mardi."
Et maintenant?
Si l'intervention musclée des forces de l'ordre a quelque peu troublé les étudiants, principalement ceux du service d'ordre, la motivation reste la même. "Je suis le premier étonné de voir que le mouvement reste aussi fort. Notre premier succès est d'avoir su instaurer le débat entre nous. Nous avons mis en place une démocratie participative sachant tirer des leçons de l'histoire et des grands mouvements sociaux", précise Jules Aimé.
Ce week-end, les étudiants vont distribuer des tracts pour mobiliser avant la grande manifestation de mardi. Le blocus se poursuit jusqu'à mardi au moins, date de la prochaine assemblée générale. A moins que la rencontre entre Dominique De Villepin et les représentants étudiants, initialement prévue ce matin, ne permettent de sortir de la crise. On en sait jamais.
Samy Magnant
L'Inspection académique envahie jeudi soir
Environ 150 étudiants ont envahi et occupé l'inspection académique, à Poitiers, dans la nuit de jeudi à vendredi. Un lieu symbolique pour protester contre la diminution de postes aux concours de l'enseignement. Entrés dans les lieux vers 23h30, ils se sont dirigés vers le dernier étage. vers 00h30, une quarantaine de gendarmes et de policiers ont délogé les occupants dans le calme. Aucune arrestation a signalé du côté de la police.
Michèle Contal, secrétaire générale de l'Inspection académique, précise "qu'ils ont mis du désordre, mais il n'y a pas de casse". Une plainte pourrait être déposée pour effraction.
Une appartée de PPP
Et pendant le blocus de l'Université, la démocratie étudiante s'est poursuivie sous des formes plus institutionnelles. Mais les élections du CROUS du Mardi 21 Mars semblent avoir fait les frais de cette période...agitée.
UNIVERSITE
POITIERS - Les élections du Crous validées malgré les incidents qui ont perturbé la journée du vote de mardi dernier
Vols d'urnes et de listes
Mardi dernier, les étudiants poitevins étaient appelés à voter pour les oeuvres universitaires. Sept étudiants sont déclarés élus, mais des responsables étudiants crient au scandale après les vols d'urne et de listes d'émargement qui ont eu lieu durant la journée.
UNE course-poursuite en voiture, une attaque à la boule puante, une bousculade dans le sas de la faculté des Sciences de Poitiers pour sauver des listes d'émargement, une urne volée puis retrouvée dans une poubelle: la journée de mardi dernier est une longue liste d'incidents qui ont perturbé les élections des représentants étudiants aux oeuvres universitaires. "Un véritable comportement mafieux", selon Gilles Raby, le doyen de la faculté dont les locaux ont été le lieu d'un des incidents.
Fabien Buffeteau, vice-président étudiant de l'université, Sylvain Vaucher et Julien Vialard, élus au Conseil de l'université, sont encore sous le choc des évènements rapportés par leurs camarades lors de cette journée de vote.
"Nous avons des signalements de personnes, le numéro de la plaque d'immatriculation de la voiture avec laquelle ces personnes se sont échappées", annonce Fabien Buffeteau. Les étudiants demandent des poursuites pénales et administratives contre les étudiants qui, selon eux, ont été vus en train de s'emparer des listes d'émargement en sciences et à la cité universitaire Rabelais, et ont pris la fuite avec l'urne qui était installée au lycée Camille-Guérin (pour le vote des étudiants en classe prépa). Ils demandent que l'université prenne des sanctions disciplinaires pour trouble à l'ordre public, qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction de s'inscrire dans une université. "Voler une urne, c'est grave!", s'indigne Fabien pour qui ce genre de comportement est du jamais vu à Poitiers. Consterné, Julien, un des porte-parole du mouvement étudiant qui se montre respectueux du vote de chacun, qualifie ces évènements de "bombe nucléaire": "ils pourissent notre combat. Nous n'avons aucun intérêt à bloquer les élections. Ce qui nous intéresse, c'est de bloquer les cours."
Plainte déposée
Selon les témoignages regroupés par Fabien, Sylvain et Julien, ces incidents sont les faits d'étudiants connus pour leur engagement en totale contradiction avec ces gestes. Catherine Miaux, la directrice du Crous, a décidé de porter plainte contre X pour tentative de vol de l'urne. Elle reconnaît qu'une petite bousculade a eu lieu avec un vaguemestre qui tenait le bureau de vote, mais affirme que le groupe d'individus qui est intervenu au bureau de vote de la faculté des Sciences n'était pas connu de son personnel.
Recours contre les élections
Joint au téléphone, un des étudiants incriminés nie totalement avoir participé à ces actions. Il affirme avoir prévenu que des incidents se produiraient car "nous ne sommes pas dans une situation de sérénité. Certaines assemblées générales du mouvement étudiant ont même voté le fait de créer des incidents dans les bureaux de vote".
Au final, "les urnes n'ont pas été bourrées, la sincérité du vote n'a pas été changée", se félicite Fabien. L'une dérobée au lycée Camille-Guérin vers midi a été rapidement retrouvée dans une poubelle à proximité avec un nombre d'enveloppes identique à celui de jeunes qui avaient déjà voté. Les élus ne souhaitent pas que les élections soient annulés et reprogrammées. "Cela coûte déjà très cher au Crous à organiser. le Crous a d'autres priorités, il gère les logements, les bourses et les restos U, il a d'autres choses à faire", reconnaît Sylvain.
L'Unef, organisation syndicale qui avait appelé au boycott des éléctions aux oeuvres universitaires, a annoncé son intention de déposer des recours contre ces élections.
Valérie Bridard
Sept élus
Officiellement, les élections, validées par le recteur hier matin, ont élu 3 jeunes de la liste Bouge ton Crous, 2 de l'Uni, 2 de l'Unef, avec un taux de participation de 8,3%, un peu moins élevé qu'il y a deux ans. A chaque fois, ces élections sont un enjeu pour les organisations étudiantes qui trouvent ressources financières et légitimité.
EDUCATION
POITIERS
Parents d'élèves
La PEEP veut de l'ordre
Dans un communiqué, Philippe Mahou, président de la PEEP de Poitiers, s'inquiète de voir les lycéens dans la rue et le mouvement contre le CPE se radicaliser. Au nom de l'association de parents, il dénonce le blocage des établissements scolaires, "inadmissible et nuisible au bon déroulement de l'année scolaire".
Le 14 mars, il a contacté les proviseurs des lycées de la ville pour leur demander "de mettre tout en oeuvre pour que les cours soient assurés et pour qu'il n'yait pas d'intrusion intempestive dans leurs établissements". Aujourd'hui, constatant que la situation se dégrade il en appelle au recteur et au préfet pour que l'ordre soit rétabli.
Les parents de la PEEP ne se positionnent pas pour ou contre le CPE et l'actuel mouvement social mais affirment être "très inquiets du chômage qui les touche". "Le nombre extrêmement important d'élèves et d'étudiants qui sortent du système scoalire sans formation ou avec une formation inadaptée à la réalité du monde du travail est insupportable". Les parents demandent une meilleure politique d'orientation des jeunes.
Centre Presse, Samedi 25 Mars 2006.
SYNDICATS
Les syndicats de salariés appellent demain à une manifestation
Fronde syndicale anti-CPE
Le moins que l'on puisse dire, c'est que syndicats et gouvernement ne sont pas sur la même longueur d'onde concernant les contrats CNE-CPE. Demain mardi, nouvelle journée d'action aux côtés des étudiants et lycéens. La grande manifestation demandera le retrait pur et simple du CPE avant de négocier quoi que ce soit.
MARDI sera une journée exceptionnelle à en croire les représentants de l'intersyndicale public-privé (CGT, CFTC, CFE-CGC, CFDT-Sgen, FO, FSU, Unsa et Sud) réunie vendredi dernier dans les locaux de la FSU à Poitiers. L'itinéraire de la manifestation dans la capitale régionale ressemble à celui d'une grande randonnée pédestre: départ du stade Paul-Rébeilleau, à partir de 14h puis avenue du Faubourg du Pont-Neuf, boulevard Anatole-France, boulevard sous Blossac, boulevard Solférino, boulevard du Grand-Cerf, boulevard Solférino, boulevard de Verdun, place Aristide-Briand, rue Victor-Hugo, pour finir par un meeting sur la place du Maréchal-Leclerc. Plusieurs kilomètres en perspective pour une revendication unique: le retrait du CPE.
Unique ou presque, car si le contrat première embauche cristallise les passions, les manifetsants ont aussi dans le collimateur le contrat nouvelle embauche, la loi Fillon, la réduction des nombres de postes au Capes et des contre-propositions à faire. "Comment enseigner aux jeunes dont l'avenir est fait de précarité", se demande Myriam Lieby de la FSU, syndicat d'enseignants.
"La colonne vertébrale du mouvement, ce sont les étudiants et lycéens. Les adultes que nous sommes avons le devoir et la responsabilité d'organiser la riposte en respectant leur indépendance et leur propre organisation", précise Alain Barrault, secrétaire général du syndicat FO Vienne qui espère rassembler mardi autant de personnes qu'en mai 2003 au moment du temps fort des manifestations contre la réforme des retraites. Face à la remise en cause du droit du travail à travers ces deux contrats, FO est la seule centrale à brandir la menace de la grève générale.
L'épreuve de force a donc commencé dans un contexte de tension de plus en plus forte sur le terrain entre les jeunes et les forces de l'ordre. Les syndicats condamnent les violences d'où qu'elles vienent et en particulier policières. Le mouvement étudiant poitevin est jugé citoyen et démocratique par les militants syndicaux. "La jeunesse est beaucoup plus adulte et responsable qu'on veut bien le croire", affirme Alain Barrault. Les jeunes dans la rue ont des parents et des grands parents qui ont connu la précarité. "Au coude à coude, ce sera le déferlement de la jeunesse et des salariés de ce pays", promet Christophe Massé de la CGT.
Valérie Bridard
Centre Presse, Lundi 27 Mars 2006.
SOCIETE
L'intersyndicale prête pour une grève générale "interpro"
L'intersyndicale a rappelé son analyse sur la situation dans la perspective d'une grève unitaire le 28 mars.
La colonne vertébrale du mouvement social, ce sont les étudiants et les lycéens. Sans eux, nous n'avons pas la capacité de faire reculer le Premier ministre. Les propos d'Alain Barreau, secréataire départemental de FO, ne laissent aucune place à l'ambiguïté. Ce syndicat (mais les autres aussi) soutient, sans réserve, le mouvement des jeunes: "Nous avons le devoir et la responsabilité, dit-il, d'organiser la risposte nécessaire auprès d'eux. Ils ont eu le mérite de créer les conditions..."
Lors d'une conférence de presse intersyndicale tenue, hier, dans les locaux de la FSU, avenue du Parc d'artillerie à Poitiers, chaque cellule syndicale s'est exprimée sur cette crise sociale qui va bien au-delà du retrait du CPE-CNE. Le mardi noir annoncé pourrait bien être une sale journée pour le gouvernement Villepin si celui-ci ne donne pas des signes d'apaisement. Dans le département de la Vienne, on parle de blocus jamais encore vu, d'une mobilisation exceptionnelle si le Premier ministre ne recule pas.
Pour les syndicats, le premier pas en arrière, avant même d'entamer la moindre négociation, est le retrait du contrat premier embauche (CPE). Rien ne pourra se construire sans cette condition sine qua non. La FSU parle "d'exemplarité de mouvement" et espère un "mardi pas comme les autres". La CFDT confesse sa "satisfaction" de la mobilisation, reconnaît une "vraie solidarité avec les jeunes". Le représentant du CFE-CGC s'interoge, lui, sur cette situation: "Pourquoi en sommes-nous là?" Parce que, analyse-t-il, "il y a une absence de concertation et de dialogue. C'est un constat d'échec."
La CFTC dénonce, elle, l'attaque "sournoise" du code du travail. Et défend le mouvement des étudiants à "150%". L'UNSA, qui s'inscrit dans l'intersyndicale locale et nationale, rappelle le retrait du CPE avant toute discussion, note que Villepin "joue la montre après avoir tenté le pourissement qui n'a pas marché". "La population, ajoute le syndicat, a mesuré le coup bas porté à la jeunesse avec le contrat premier embauche". L'UNSA annonce pour mardi une "journée exceptionnelle avec une mobilisation très forte". Quant au SGEN-CFDT, sa représentante a souligné "l'accélérateur de la prise de conscience politique par la crise".
Enfin la CGT, comme tous les autres syndicats, a condamné "toutes les formes de violences policières" qui ont été commises à l'encontre des manifestants.
Après la manifestation de jeudi, au moins cinq étudiants devraient porter plainte lundi, certains pour coups et blessures, d'autres pour menaces. Presque tous font partie des "nez rouges", les organisateurs des manifestations, dont le rôle ets d'encadrer les participants pour éviter es débordements. Parmi eux, Romain Pathé. "J'étais en tête de cortège, en première ligne devant les gendarmes et la BAC (brigade anti-criminalité). Je disais aux manifestants de ne pas pousser, mais ils l'ont quand même fait. Sous l'effet du mouvement, j'ai franchi la ligne des gendarmes. Les policiers m'ont donné plusieurs coups de matraque. J'étais à terre, ils m'ont encore donné des coups de tonfa. Ils savaient très bien qui ils tapaient. Il y a 3 ou 4 personnes sur qui ils se sont acharnés. Je leur ai demandé s'ils étaient conscients qu'ils outrepassaient leurs droits, ils m'ont répondu oui. Ils voulaient casser de l'étudiant."
Les filles étaient placées en tête de manifestation pour freiner les ardeurs policières. La précaution n'a pas été suffisante pour Clémence Riffault, autre "nez rouge", qui a "reçu des coups de matraque. Je me suis fait aussi tirer les cheveux". "En tout, une dizaine de personnes se sont fait taper dessus, dont 7 "nez rouges"", s'indigne Gaetan Caillat, lui aussi organisateur, qui recense les bleus. Même tombé à terre, il a été "frappé. En plus, on avait tous les mains levées pour montrer qu'on étéait non-violent. Et qu'on n'a pas donné un seul coup en réplique."
Après cet épisode, les étudiants ont chargé deux personnes du mouvement de dialoguer à leur place, par peur de s'énerver. L'une d'entre elles, Julien Vialard a également été pris à parti et souhaite porter plainte (pour menace).
Les étudiants se sont donc donné rendez-vous pour porter une action en justice au motif "que les policiers ont enfreint le code de déontologie de la police et le code pénal". Tous tiennent à préciser que l'attitude de la gendarmerie et de la police a été correcte, et mettent uniquement en cause la BAC.
Mardi, nouvelle manif
Hier matin, Patrick Courtade, le directeur départemental de la sécurité publique, a reçu quelques étudiants pour faire le point sur les incidents de jeudi soir. "Je les ai écoutés et j'ai répété que je faisais un débriefing de mon côté, en interne, pour voir ce qui s'était passé. Pour le reste, on va essayer de continuer à oeuvrer pour que ça se passe bien entre nous." C'est ainsi que dès lundi, le patron des policiers poitevins et les étudiants sont convenus de se retrouver "pour parler de mardi", où une nouvelle grande manifestation anti-CPE est annoncée.
Toujours dans le même registre, l'inspection d'académie a porté plainte contre les étudiants qui ont investi les lieux dans la nuit de jeudi pour "intrusion avec effraction". Vendredi matin, la secrétaire génrélae recensait les dégâts. "Quand des bâtiments sont occupés par 150 jeunes cela laisse des traces, mais il n'y a pas eu de gros dégâts: des chaises bougées, des extincteurs déplacés."
Agnès NOËL
La Nouvelle République, Samedi 25 Mars 2006.