France : quelques succès, beaucoup d'échecs...
Face à la richesse et à la diversité du cinéma américain, la production française fait figure de parent pauvre et seuls quelques titres émergent d'une importante production nationale, en grande partie encombrée par une avalanche de films pornographiques tournés à toute vitesse et pour de petits budgets, destinés à alimenter les salles classées "X". Au chapitre des réussites: le dernier film de François Truffaut avec Charles Denner, L'Homme qui aimait les femmes, une oeuvre tendre et parfois amère; Un Taxi Mauve d'Yves Boisset avec Charlotte Rampling, Fred Astaire, Philippe Noiret et Peter Ustinov d'après le roman de Michel Déonet situé en Irlande; La Communion solennelle de René Feret, très ambitieuse chronique d'une famille de 1890 à nos jours, et Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer qui raconte la recherche, par un commandant d'escorteur d'escadre, d'un ancien compagnon d'Indochine dont il a trahi l'amitié lors des évènements d'Algérie.
A noter aussi Nous irons tous au paradis d'Yves Robert dans lequel ce dernier retrouve ses interprètes de Un éléphant ça trompe énormément (Jean Rochefort, Victor Lanoux, Guy Bedos, Claude Brasseur et Danièle Delorme) et Mort d'un pourri de Georges Lautner, avec Alain Delon et Mireille Darc, dont le cadre est celui de l'affairisme politique. Après une succession d'échecs, dont Le Gang de Jacques Deray et Armaguédon d'Alain Jessua, sortis tous les deux en 1977, Alain Delon témoigne soudain d'une réelle ambition en s'attaquant à une histoire de corruption qui n'aurait pas déplu à Francesco Risi.
Providence d'Alain Resnais, justement récompensé par une pluie de Césars, est sans aucun doute l'un des meilleurs films français de l'année. L'auteur de l'année dernière à Marienbad y juxtapose le réel et l'imaginaire en décrivant les obsessions et les réminiscences d'un écrivain au bord de la mort. L'admirable photographie de Ricardo Aronovich va de pair avec une distribution qui réunit John Gielgud, Dirk Bogarde, Ellen Bustyn et David Warner. Réussite également pour Le Juge Fayard dit Le Shérif, d'Yves Boisset, avec Patrick Dewaere, dont le scénario se réfère à l'histoire authentique du juge Renaud, abattu par le milieu lyonnais dont il menaçait l'impunité. Grand admirateur du cinéma américain, Yves Boisset combine ici l'efficacité du film policier hollywoodien à l'ambition du cinéma politique italien. Cette même perfection technique se retrouve dans La Menace d'Alain Corneau, joué par Yves Montand, Marie Dubois et Carole Laure. Conçu comme un véritable suspens psychologique, La Menace confirme, après Police Python 357, le talent d'Alain Corneau, l'une des rares révélations du nouveau cinéma français.
Ces indéniables réussites ne masquent malheureusement pas la médiocrité de la production moyenne française qui, de Drôle de zèbres, le premier film de Guy Lux, à René La Canne de Francis Girod, en passant par L'Animal de Claude Zidi (le dernier film de Jean-Paul Belmondo), se complait dans le conformisme. L'Imprécateur de Jean-Louis Bertucelli a été comme A Chacun son enfer d'André Cayatte, avec Annie Girardot, et Nuit d'or de Serge Moati, un tragique échec.
Face à la médiocrité du cinéma traditionnel, les ambitions d'auteurs plus intellectuels se sont révélées toutes aussi vaines, ni Le Camion de Marguerite Duras, ni Le Diable probablement de Robert Bresson, n'annoncent l'arrivée d'un cinéma de qualité, mais public. Enfermer le cinéma dans un ghetto intellectuel est tout aussi redoutable pour le cinéma français que de flatter les goûts les plus idiots de la masse. Alors que les trois premiers trimestres de l'année 1977 avaient marqué la désaffection du public vis-à-vis du cinéma français en général, le dernier trimestre a vu l'apparition de deux grands succès peu prévisibles: La Vie devant soi de Moshe Mizrahi, d'après le prix Goncourt d'Emile Ajar, qui permet à Simone Signoret, dans le rôle de Madame Rosa, l'une des grandes performances de sa carrière, et surtout Diabolo Menthe de la débutante Diane Kurys. En décrivant l'atmosphère de l'année 1963, Diane Kurys a réussi un coup de maître, couronné tout à la fois par le prix Louis Dulluc et par un triomphe commercial (plus de 500000 entrées en six semaines à Paris).
Patrick Brion, Le cinéma en 1977, in Panorama Mondial des Evènements 1977, publié en 1978.