"LIBERATION": un faire-part comme dernier numéro
Le numéro spécial consacrant la fin du quotidien "Libération" en tant que "Libé des copains" est paru hier, conformément aux décisions prises samedi lors de l'assemblée générale qui a vu Serge July, directeur du journal, gagner le droit de composer une nouvelle équipe rédactionnelle.
La "une", grise et à demi encadrée de noir, a un aspect "faire-part" qui laisse augurer de ce qui va suivre: c'est bien à des funérailles que convient onze des seize pages du numéro.
"Libération: je t'aime, moi non plus": tel est le titre. Et dans les pages intérieures, la polémique. Serge July voit en 1978 l'année charnière "qui marque la fin d'une époque dans la société française, avec les élections, la fin du programme commun, la fin du gauchisme", et il explique: "Les temps ont changé (...). Si "Libération" veut échapper au destin des journaux d'opinion, il doit devenir aussi un formidable producteur d'information (...). Nous avions le choix entre la mort par dégradation, par déchirement, et la mort nette, sans bavures, la mort pour renaître".
"La funeste imitation qui compte reparaître"
Un autre membre de l'équipe, Jean-Paul Cruse, n'hésite pas à appeler à la révolte: "Voici que revient le temps des loups, des cochons et des chiens, écrit-il. C'est un vote de la honte, conçu dans le chantage et dans la manipulation"...
Et il conclut: "Aucun journaliste honête ne peut désormais venir, de l'extérieur, s'agglomérer à la funeste imitation, dirigée par des jaunes, qui prétend reparaître".
Deux pages du numéro spécial enfin ont été attribuées aux "fabricants" du journal, dont une écrasante majorité s'est abstenue lors de l'assemblée générale. Tour à tour maquettistes, monteurs et clavistes font état de leur "mal aux tripes" ou de leur amertume, voire de leur "haine" devant l'annonce de licenciement, comme une claviste qui précise sous sa signature qu'elle est "choquée, boulversée et enceinte".
Samedi prochain, une "super-numéro spécial" de 100 pages, "les années Libé", sera mis en vente.
La Nouvelle République, Mardi 24 Février 1981.
Serge July et la fin de la première version de "Libération"
Antenne 2,20h, Patrick Lecocq Dimanche 22 Février 1981.