Alors que Paris dans la liesse fêtait sa Libération, l'horreur se déroulait dans un petit village de Touraine...
Demain lundi, pour les cérémonies du 70e anniversaire du massacre de Maillé, vous recevrez la visite du secrétaire d'État aux Anciens Combattants, Kader Arif. Il était temps, non ?
« Il a fallu attendre 60 ans pour qu'un ministre se déplace à Maillé, c'était en 2005. Puis, en 2008, Nicolas Sarkozy est venu inaugurer la Maison du Souvenir, comme il me l'avait promis pendant la campagne de l'élection présidentielle. Je suis satisfait de la présence de Kader Arif, mais je regrette d'avoir à me démener autant pour faire venir des personnalités… »
Comment expliquez-vous cela ?
« D'abord, le 25 août, les ministres, les préfets, les élus, sont encore en vacances. Mais surtout, c'est la date anniversaire de la Libération de Paris qui focalise toutes les attentions. Par ailleurs, à l'inverse d'Oradour, qui fait exception dans les villes martyres, hormis les monuments, il ne subsiste aucun signe matériel visible du massacre de Maillé. Le village a été rapidement reconstruit. Et les habitants observent une forme de repli, un silence… »
Il a aussi fallu attendre 62 ans pour qu'une Maison du Souvenir voie le jour…
« C'est parce que je ne suis pas originaire de Maillé que j'ai pu mener à bien ce projet de Maison du Souvenir. Mes prédécesseurs, qui étaient des survivants du massacre, n'auraient pas pu le faire. Moi, je n'ai pas le poids de la souffrance qu'ont encore des habitants, ici. Certes, je suis très proche des survivants, mais cette histoire n'est pas ma vie. »
Vous sentez-vous à part comme maire ?
« Oui, car être maire d'un village martyr, c'est une charge très forte. Mais autant les soucis avec la ligne LGV m'usent, autant travailler sur la mémoire avec la Maison ou l'Association du souvenir, avec tous ces gens de très grande qualité, c'est impressionnant, mais c'est enthousiasmant… »
Lundi, pour les cérémonies, des personnalités allemandes seront présentes. Comment cela est-il perçu au village ?
« Les choses ont évolué peu à peu. Nous avons la chance d'avoir des survivants qui acceptent de travailler avec des Allemands, des universitaires, des commissaires, des hommes de loi. L'ancien procureur Ulrich Maass, qui était patron d'une unité spécialisée dans la traque des criminels de guerre nazis, viendra à titre personnel. Son ancienne interprète viendra aussi à titre privé. Et des encadrants de nos échanges de jeunes adultes que nous menons depuis cinq ans. Ça me touche beaucoup. »
Cela n'aurait pas été envisageable il y a encore vingt ou trente ans ?
« Quand je me suis installé à Maillé en 1994, j'ai invité des amis allemands de longue date. J'en ai informé le maire, et d'autres habitants, dont des survivants. On m'a dit que c'était mieux si mes amis ne garaient pas leur voiture dans le bourg et s'ils évitaient de parler allemand dans le village… »
point de vue
Se souvenir
L'émotion va envahir Maillé demain lundi, jour du 70e anniversaire d'une date funeste pour le village. Le 25 août 1944, les nazis tuaient 124 personnes. Les soldats de la Waffen SS iront au bout de l'horreur, massacrant hommes, femmes et enfants. Des canons vont pilonner le village détruisant 52 des 60 maisons. Puis, Maillé s'est reconstruit à la Libération. Les traces du drame ont été effacées sans que la plaie ne puisse se refermer. Pour Serge Martin, rescapé de l'horreur, qui a vu partir son père, sa mère, son frère et ses deux petites sœurs. Pour tous les rescapés du massacre. Pour les familles des disparus. Le devoir de mémoire doit se poursuivre.
Depuis 2008, et la venue du président Nicolas Sarkozy pour inaugurer la Maison du Souvenir, Maillé est sorti de son relatif oubli. Le pire est devenu plus réel aux yeux de tous. Demain, le pire sera de nouveau évoqué. Pour ne jamais oublier.
repères
7.000 visiteurs par an à la Maison du Souvenir
Sept mille visiteurs par an, depuis 2006, dont la moitié de scolaires : la fréquentation de la Maison du Souvenir de Maillé, est en constante augmentation. « Mais, précise le maire de Maillé, même si le devoir de mémoire fait partie à jamais de l'histoire du village, on ne ressasse pas sans cesse le passé. A Maillé, comme dans toute autre commune, on vit dans le présent et on prépare l'avenir. La Maison du Souvenir n'est pas un musée. Nous allons faire refaire la salle de la Mémoire et la salle des conflits contemporains. Cette Maisons'adresse surtout aux générations futures qui la visitent. Pour qu'on n'oublie jamais ce qui s'est passé ici, et que plus jamais, cela ne se reproduise ailleurs. »