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Spirit of the 1970's

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Articles, Photographies de Ludovic Bonneaud.
Sur une idée originale de Alexandre Lafréchoux.
"Je m'intéresse au passé
car c'est là que j'aurais aimé vivre."
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Les Dossiers D'antan...

19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 14:56
Jacques Chaban-Delmas : Le IVeme Premier Ministre de la Veme République
Le Progrès pour tous dans une France moderne:
les bases de La Nouvelle Société!

1969_09_17.jpgLa Une de Sud Ouest, Mercredi 17 Septembre 1969.

Logo du site de l'Assemblée nationale

POLITIQUE GÉNÉRALE
DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT ET DÉBAT SUR CETTE DÉCLARATION
1ère séance du 16 septembre 1969

(Compte rendu intégral des débats - Assemblée nationale)



M. le président (Achille Pérétti, note de PPP).

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur sa politique générale et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République. du groupe des républicains indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Progrès et démocratie moderne.)


M. Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre.

Mesdames, messieurs, comment s'adresser aux Français sans évoquer le rôle que la France peut aspirer à jouer dans le monde? Le général de Gaulle l'a clairement défini : assurer l'indépendance nationale, condition du combat pour la paix du monde et pour la solidarité entre tous les peuples.

Mais il serait illusoire d'affirmer, en ces domaines majeurs, une telle continuité pleine d'exigences, si nous ne dotions pas la France des moyens de réaliser nos raisonnables ambitions.

Or, j'affirme qu'aujourd'hui, plus encore qu'hier, l'action internationale de la France ne saurait être efficace si l'évolution de son économie ne lui permettait pas d'accéder au rang de véritable puissance industrielle.

Depuis vingt ans passés, de multiples efforts ont été faits dans ce sens. La France industrielle a commencé à devenir une réalité. Mais l'ouverture toujours plus large des frontières, la compétition plus vive qui en découle, nous commandent des changements profonds d'objectifs, de structures, de moyens et même, et peut-être surtout, de mentalité.

Je ne m'attarderai pas à rappeler et à justifier l'ajustement monétaire, non plus que les mesures d'assainissement économique. Je me bornerai à souligner qu'il s'agissait de fonder l'action de demain sur des bases solides.


Pour cela, il faut redresser la conjoncture fort et vite, sans compromettre le niveau de vie, c'est-à-dire en demandant davantage aux mieux pourvus et en commençant à améliorer le sort des plus défavorisés.


Quant au taux choisi, il est celui qui restaure le rapport réel de compétitivité, sans nous donner d'avantages artificiels qui auraient compromis la coopération internationale, et notamment européenne.

Ces mesures d'assainissement étaient certes indispensables. Mais elles laissent entiers les problèmes de fond.

Ces problèmes, nous devons les examiner lucidement, sans avoir peur ni des mots ni des faits. Telle est en tout cas la détermination du Gouvernement, qui a choisi, ainsi que je l'ai dit à plusieurs reprises, de considérer les citoyens comme des adultes et qui est convaincu que seule, la vérité permet d'obtenir une adhésion raisonnée aux objectifs nationaux et de mobiliser les efforts de tous pour les atteindre.

Cet assentiment de la nation à l'action gouvernementale pour l'assainissement entrepris comme pour le redressement dont je vais maintenant traiter, il nous faut d'abord le recevoir du Parlement. C'est le sens qu'aura le vote que je vous demande au nom du Gouvernement.

Le malaise que notre mutation accélérée suscite tient, pour une large part, au fait multiple que nous vivons dans une société bloquée. Mais l'espoir. qui peut mobiliser la nation, il nous faut le clarifier, si nous voulons conquérir un avenir qui en vaille la peine.

De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels, au demeurant liés les uns aux autres de la façon la plus étroite : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l'Etat, enfin l'archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales.

Notre économie est encore fragile. Une preuve en est que nous ne pouvons accéder au plein emploi sans tomber dans l'inflation. C'est cette tendance à l'inflation qui nous menace en permanence d'avoir à subir la récession ou la dépendance.

Pourquoi cette fragilité ? Avant tout, à cause de l'insuffisance de notre industrie.

Le rapport, récemment publié, du comité du développement industriel est à cet égard éloquent : d'abord, la part de l'industrie dans notre production est trop réduite ; ensuite, alors que les industries du passé sont hypertrophiées, que la rentabilité immédiate des industries de pointe est souvent faible, l'insuffisance est patente en ce qui concerne l'essentiel, c'est à dire les industries tournées vers le présent. Bien plus ce retard s'accroît puisque, depuis plusieurs années, l'industrie n'est pour rien dans l'augmentation nette du nombre des emplois.

Or la faiblesse de notre base industrielle handicape tout notre développement économique.

Sur le plan extérieur, elle est à l'origine de ce que la composition de nos exportations n'est pas celle d'un pays entièrement développé.

Sur le plan intérieur, elle freine l'indispensable mutation agricole, encourage la prolifération des services, alourdit les charges de la vie collective et, en définitive, retentit directement sur notre niveau de vie.

Serions-nous donc inaptes au développement industriel ?

Certainement pas ! Dans l'ensemble, nous ne travaillons pas moins que les autres et, dans certains domaines, nous travaillons aussi bien et parfois mieux.

Mais nous supportons aujourd'hui le poids d'un long passé. (Exclamations sur les bancs de la fédération de la gauche démocrate et socialiste.) Jusqu'à la dernière guerre mondiale, nous avons cru pouvoir nous soustraire, dans une large mesure, à l'effort d'industrialisation. L'équilibre de notre balance des paiements était assuré par les revenus des avoirs dont nous disposions à l'extérieur. Grâce à cette situation, nous avons pu développer de multiples protections, d'abord vis-à-vis de l'étranger et aussi sur le plan interne. D'où la multiplication, dans notre société, de garanties de toute nature qui, à court terme, assuraient la sécurité, mais qui n'en étaient pas moins des obstacles au développement industriel.

Aujourd'hui, nous avons à faire face à une situation bien différente. Les facilités de l'avant-guerre ont disparu, nous sommes confrontés quotidiennement à la nécessité d'assurer par notre travail l'équilibre de nos paiements. Or nous avons des appétits de consommation qui sont ceux d'une société très développée, sans posséder la base industrielle d'une telle société : d'où, comme je l'ai dit, la tendance permanente chez nous à l'inflation. Le remède est évidemment de développer notre base industrielle.

Mais ici l'économie rejoint le politique et le social. En effet, le fonctionnement défectueux de l'Etat et l'archaïsme de nos structures sociales sont autant d'obstacles au développement économique qui nous est nécessaire.

Tentaculaire, et en même temps inefficace : voilà, nous le savons tous, ce qu'est en passe de devenir l'Etat, et cela en dépit de l'existence d'un corps de fonctionnaires, très généralement compétents et parfois remarquables.

Tentaculaire, car, par l'extension indéfinie de ses responsabilités, il a peu à peu mis en tutelle la société française tout entière.

Cette évolution ne se serait point produite si, dans ses profondeurs, notre société ne l'avait réclamée. Or c'est bien ce qui s'est passé. Le renouveau de la France après la Libération, s'il a mobilisé les énergies, a aussi consolidé une vieille tradition colbertiste et jacobine, faisant de l'Etat une nouvelle providence. Il n'est presque aucune profession, il n'est aucune catégorie sociale qui n'ait, depuis vingt-cinq ans, réclamé ou exigé de lui protection, subventions, détaxation ou réglementation.

Mais, si l'Etat ainsi sollicité a constamment étendu son emprise, son efficacité ne s'est pas accrue car souvent les modalités de ses interventions ne lui permettent pas d'atteindre ses buts.

Est-il besoin de citer des exemples ?

Nos collectivités locales étouffent sous le poids de la tutelle. Nos entreprises publiques, passées sous la coupe des bureaux des ministères, ont perdu la maîtrise de leurs décisions essentielles : investissements, prix, salaires. Les entreprises privées elles-mêmes sont accablées par une réglementation proliférante.

Le résultat de tout cela ? C'est d'abord le gonflement des masses budgétaires. C'est ensuite, pour les partenaires de l'Etat, un encouragement à la passivité et à l'irresponsabilité.

Et si encore toutes nos interventions, qu'il s'agisse de prélèvements fiscaux ou des subventions publiques, atteignaient leur but !

Mais il s'en faut de beaucoup.

Notre système fiscal est ressenti comme étant à bien des égards affecté par l'inégalité et faussé par la fraude.

La fiscalité est en outre le domaine d'élection du perfectionnisme administratif et, permettez-moi de le dire, parlementaire. A force de vouloir, par des subtilités sans nombre, rendre l'impôt plus juste ou plus efficace, on l'a rendu souvent inintelligible, ce qui le prédispose à être inefficace et injuste.

S'agit-il des subventions ?

Parmi les subventions économiques, la majeure part, et de loin, va non pas à des activités d'avenir, ni à des opérations de reconversion, mais au soutien d'activités devenues non rentables.

Quant aux subventions sociales, leur distribution est dominée par une conception étroitement juridique de l'égalité qui aboutit à l'absence d'équité. Sous prétexte de ne pas faire de différence entre les bénéficiaires, on fournit des aides identiques à ceux qui en ont le plus grand besoin, à ceux qui en ont modérément besoin et aussi à ceux qui n'en ont pas besoin du tout. Résultat : les buts initiaux ne sont pas atteints.

Notre politique agricole, notre politique des entreprises nationales, notre politique des transferts sociaux offrent les exemples les plus manifestes. Bien entendu, ce n'est pas par hasard qu'elles se sont introduites, depuis des dizaines d'années, dans le fonctionnement de l'Etat. Pour une large part, elles sont le reflet de structures sociales, voire mentales, encore archaïques ou trop conservatrices.

Nous sommes encore un pays de castes. Des écarts excessifs de revenus, une mobilité sociale insuffisante maintiennent des cloisons anachroniques entre les groupes sociaux. Des préjugés aussi : par exemple dans une certaine catégorie de la population ouvrière, à l'encontre des métiers techniques ou manuels.

J'ajoute que ce conservatisme des structures sociales entretient l'extrémisme des idéologies. On préfère trop souvent se battre pour des mots, même s'ils recouvrent des échecs dramatiques, plutôt que pour des réalités. C'est pourquoi nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu'en faisant semblant de faire des révolutions. (Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République, du groupe des républicains indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Progrès et démocratie moderne.) La société française n'est pas encore parvenue à évoluer autrement que par crises majeures.

Enfin, comme Tocqueville l'a montré, et ceci reste toujours vrai, il existe un rapport profond entre l'omnipotence de l'Etat et la faiblesse de la vie collective dans notre pays. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)


Les groupes sociaux et les groupes professionnels sont, par rapport à l'étranger, peu organisés et insuffisamment représentés. Ceci ne vise aucune organisation en particulier mais les concerne toutes, qu'il s'agisse des salariés, des agriculteurs, des travailleurs indépendants, des employeurs: le pourcentage des travailleurs syndiqués est particulièrement faible. Tout récemment encore, le malentendu sur l'assurance-maladie des non-salariés n'a été rendu possible que par l'insuffisance d'autorité des organisations professionnelles. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)


La conséquence de cet état de choses est que chaque catégorie sociale ou professionnelle, ou plutôt ses représentants, faute de se sentir assez assurés pour pouvoir négocier directement de façon responsable, se réfugient dans la revendication vis-à-vis de l'Etat, en la compliquant souvent d'une surenchère plus ou moins voilée. A un dialogue social véritable, se substitue ainsi trop souvent un appel à la providence de l'Etat, qui ne fait que renforcer encore son emprise sur la vie collective, tout en faisant peser un poids trop lourd sur l'économie tout entière.

Ce tableau a été volontairement brossé en couleurs sombres. Je le crois nécessaire, comme je crois aussi que les Français sont aujourd'hui en état de le considérer et d'en tirer les leçons. C'est aussi parce que j'ai la conviction que nous entrons dans une époque nouvelle, où de grands changements sont possibles, et qu'en accord avec le Président de la République, avec le Gouvernement tout entier et, je l'espère, avec votre appui et votre soutien, j'ai la volonté d'entreprendre ces grands changements.

On me dira qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance des forces de résistance au changement.

Je le sais bien. Il y a un conservateur en chacun de nous, et ceci est vrai dans chacune des tendances de l'opinion, y compris celles qui se réclament de la révolution. (Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République. du groupe des républicains indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Progrès et démocratie moderne.) Je le sais d'autant mieux que je le comprends.

Depuis vingt ans, la France, après avoir longtemps retardé les échéances et les mutations, s'est trouvée obligée de les affronter toutes à la fois: explosion démographique, bouleversement technologique, décolonisation, urbanisation, et maintenant compétition internationale pleine et entière.

Comment chacun de nous n'aurait-il pas, sur tel ou tel point, un réflexe de conservation ? Réflexe d'autant plus justifié que nous avons, en effet, bien des choses excellentes à conserver. Car nous sommes un vieux peuple, et nous avons beaucoup accumulé.

Et pourtant. je suis certain que nous devons aujourd'hui nous engager à fond dans la voie du changement.

Il y a à cela deux raisons principales:

-La première est que, si nous ne le faisions pas, nous nous exposerions à un avenir qui ne serait guère souriant.

D'une part, nous risquerions de " décrocher " durablement par rapport aux grands pays voisins qui, par suite de circonstances diverses, ont commencé plus tôt que nous la révolution du développement économique et qui sont bien décidés à la poursuivre. Et il n'y a pas loin du retard économique à la subordination politique.

D'autre part, notre existence en tant que nation serait elle-même menacée. Nous sommes, en effet, une société fragile, encore déchirée par de vieilles divisions et, faute de pouvoir maintenir notre équilibre dans la routine et la stagnation, nous devons le trouver dans l'innovation et le développement.

-La seconde raison, la raison positive, c'est que la conquête, d'un avenir meilleur pour tous justifie à elle seule tous les efforts, tous les changements.

Il y a peu de moments dans l'existence d'un peuple où il puisse autrement qu'en rêve se dire: "Quelle est la société dans laquelle je veux vivre"? et aussi construire effectivement cette société.

J'ai le sentiment que nous abordons un de ces moments. Nous commençons en effet à nous affranchir de la pénurie et de la pauvreté. qui ont pesé sur nous depuis des millénaires.

Le nouveau levain de jeunesse, de création, d'invention qui secoue notre vieille société peut faire lever la pâte de formes nouvelles et plus riches de démocratie et de participation, dans tous les organismes sociaux comme dans un Etat assoupli, décentralisé, désacralisé. Nous pouvons donc entreprendre de construire une nouvelle société.

Cette nouvelle société à laquelle nous aspirons, il serait vain de prétendre en fixer à l'avance tous les contours. Il faut laisser à l'avenir ce qui n'appartient qu'à lui et c'est la spontanéité du corps social qui en décidera.

Mais il est permis, il est même nécessaire d'en esquisser dès à présent les grands traits.

Cette nouvelle société, quant à moi, je la vois comme une société prospère, jeune, généreuse et libérée.


Une société prospère, parce que chacune des fins essentielles de notre vie collective suppose que nous disposions de grandes possibilités matérielles : parce que c'est la prospérité qui permet de faire passer le droit dans les faits et le rêve dans la réalité. Une société prospère, c'est-à-dire une société dans laquelle chacun des gestes qui concourent à la production soit plus efficace, parce qu'il incorpore plus de savoir et s'inscrit dans une organisation plus réfléchie et prend appui sur une plus grande quantité de capital accumulé.


Mais si la prospérité conditionne tout, elle n'est pas tout. L'exemple de pays plus avancés que nous dans la voie du développement économique le montre. La prospérité est nécessaire pour édifier une société meilleure : elle n'est pas suffisante, à beaucoup près, aux yeux de ceux qui ne manquent pas d'ambitions humaines.

Les mots qui les ont désignées, ces ambitions - liberté, égalité, fraternité - ont perdu, il est vrai, une partie de leur poids, d'abord parce qu'ils sont anciens, ensuite, peut-être, parce qu'ils sont abstraits. Mais c'est à nous qu'il appartient de leur donner un sens nouveau, une réalité nouvelle et concrète, que seul rend possible le développement économique.

Une société libérée, celle dont nous rêvons, est une société qui, au lieu de brider les imaginations, leur offre des possibilités concrètes de s'exercer et de se déployer.

C'est pourquoi notre société nouvelle aura tout d'abord le visage de la jeunesse. La vague démographique des vingt-cinq dernières années nous offre une chance unique de rajeunissement. En outre, l'éclosion des talents est souvent plus précoce aujourd'hui qu'il y a un siècle.

Comment refuserions-nous, au nom de principes caducs et en nous accrochant à des structures périmées, d'offrir à notre jeunesse une participation pleine et entière à la construction de l'avenir, de son avenir ?

Mais cette société ne sera vraiment la sienne, et du coup pleinement la nôtre, que, si elle est plus généreuse.

C'est sous l'égide de la générosité que je vous propose de placer notre action. Nous devons aller au-delà d'un égalitarisme de façade qui conduit à des transferts importants sans faire disparaître pour autant les véritables pauvretés morales et matérielles. Nous devons, par une solidarité renforcée, lutter contre toutes les formes d'inégalité des chances.

Nous devons aussi apprendre à mieux respecter la dignité de chacun, admettre les différences et les particularités, rendre vie aux communautés de base de notre société, humaniser les rapports entre administrations et administrés, en un mot transformer la vie quotidienne de chacun. Enfin - et c'est là l'essentiel - nous devons reprendre l'habitude de la fraternité, en remplaçant mépris et indifférence par compréhension et respect.


Rien de tout cela ne sera possible sans un vaste effort d'imagination et d'organisation dans tous les domaines, visant à la fois l'éducation permanente et le libre accès à l'information, la transformation des rapports sociaux et l'amélioration des conditions et de l'intérêt du travail, l'aménagement des villes et la diffusion de la culture et des loisirs. Quelle exaltante entreprise !


Bien entendu, ce n'est pas en un jour que nous atteindrons de tels objectifs. Ce n'est pas en un jour non plus que nous définirons les étapes et que nous fixerons les moyens.

Cela ne pourra être fait qu'après une consultation approfondie de l'ensemble des partenaires économiques et sociaux, et cette consultation s'engage en ce moment même avec la préparation du VIe Plan.

Comme vous le savez, les commissions spécialisées se réunissent à partir de ce mois-ci et c'est au printemps prochain qu'aura lieu le débat sur les grandes options. C'est dans ce cadre et à cette échéance que nous arrêterons de façon cohérente et complète l'ensemble de nos objectifs à moyen terme et comment les atteindre.

Le VIe Plan sera donc l'instrument économique indispensable à la satisfaction de nos ambitions sociales.

Mais dès à présent - car il faut agir vite - voici les orientations fondamentales et les premières mesures que je soumets à votre approbation.

Elles visent une meilleure formation et une meilleure information du citoyen, une redéfinition du rôle de l'Etat, le développement de notre compétitivité, enfin, un rajeunissement des structures sociales.


Le Gouvernement considère la politique de formation et d'enseignement comme prioritaire. Lorsque vous examinerez le projet de budget pour 1970, vous constaterez que les crédits de l'éducation nationale augmentent deux fois plus vite que l'ensemble des dépenses budgétaires.


Le Gouvernement continuera, avec les adaptations nécessaires, d'appliquer la loi d'orientation que le Parlement a votée. L'année universitaire 1969-1970 verra donc la mise en place de nouvelles universités et l'application du principe d'autonomie.

Par ailleurs, l'information scolaire et professionnelle sera développée au profit des enseignants, des parents, des élèves et des étudiants. Elle devra permettre une meilleure orientation des jeunes et faciliter, par voie de conséquence, le processus de démocratisation.

Sans oublier, pour autant, la finalité culturelle de l'éducation, le Gouvernement multipliera la possibilité d'insertion professionnelle des jeunes, notamment par la priorité donnée à l'enseignement technique et professionnel à tous les niveaux ; formation professionnelle accélérée à seize ans, brevets d'enseignement professionnel à dix-huit ans, baccalauréats techniques, diplômes des instituts universitaires de technologie, diversification des enseignements universitaires.

Mais il ne suffit pas de former des hommes; il faut aussi les informer, complètement, c'est-à-dire contradictoirement.


Ceci concerne d'abord l'O. R. T. F. qui doit conserver son caractère de service public, garant de la qualité de l'ensemble des programmes. Mais, pour qu'il puisse répondre pleinement à sa vocation, son autonomie doit être assurée, une compétition véritable doit être organisée en son sein, et il doit être ouvert à tous.

D'abord l'autonomie.

Dès ma prise de fonctions, Je me suis porté personnellement garant de l'indépendance de l'Office et ses dirigeants ne m'ont saisi, depuis, d'aucune infraction au respect de cette indépendance.


C'est également pour renforcer cette autonomie que des textes préciseront dans les semaines à venir les droits et obligations réciproques de l'Office et de l'Etat en matière financière. Le régime fiscal de droit commun sera applicable à l'Office dès 1970 et celui-ci recouvrera progressivement, et dans un délai déterminé, la pleine responsabilité de l'emploi des ressources dont il peut disposer.

Dans le même esprit, sur le plan du personnel, l'Office sera doté d'un comité d'entreprise et le rôle des commissions paritaires sera développé.

Il faut aussi qu'une large décentralisation améliore le fonctionnement de l'Office et permette qu'une véritable compétition soit organisée en son sein, grâce, notamment, à l'existence de deux chaînes et, plus tard, d'une troisième. J'ai demandé aux responsables de l'Office de créer deux unités autonomes d'information correspondant aux deux chaînes existantes.

Le directeur de chacune de ces deux unités d'information choisira, librement, les journalistes de son équipe et utilisera sous sa seule autorité les moyens mis à sa disposition.


Afin de garantir leur indépendance, ces directeurs seront nommés pour une durée déterminée selon les normes de la profession et ne seront révocables que pour faute professionnelle grave, après avis du conseil d'administration.


Il s'agit ainsi de mettre progressivement en place une organisation responsable, dans laquelle la qualité des productions et l'objectivité de l'infomation trouveront leur meilleure garantie dans le talent, la liberté, l'émulation et la conscience professionnelle des journalistes. (Applaudissements sur les bancs de I'union des démocrates pour la République et républicains indépendants et du groupe Progrès et démocratie moderne. Mouvements divers sur les bancs de la fédération de la gauche démocrate et socialiste.)


Enfin, il faut que l'Office soit ouvert également à tous. A cette fin, j'ai demandé de prévoir des modalités et des temps d'antenne pour que puissent s'exprimer régulièrement toutes les formations politiques et les organisations socio-professionnelles nationales.


Voilà pour ce qui sera accompli dès à présent dans le cadre du statut existant.

Par ailleurs, je vais confier à une commission restreinte, en nombre mais pas en qualité, et qui procédera à de larges consultations, mandat d'étudier les modifications à apporter au statut de l'Office. Le rapport de cette commission sera rendu public. Je ferai ensuite au Parlement les propositions nécessaires.

Voilà pour l'O.R.T.F..

Mais l'information n'est pas seulement l'affaire de l'Office. En particulier, les études et les rapports de toute nature qu'effectue l'administration à l'intention du Gouvernement sont devenus aujourd'hui une source d'information irremplaçable sur les questions qui intéressent tous les citoyens. C'est pourquoi ces rapports et ces études seront désormais publiés et les instructions nécessaires ont été données.

J'ai dit qu'il nous fallait redéfinir le rôle de l'Etat. Il doit désormais mieux faire son métier, mais s'en tenir là et ne pas chercher à faire aussi celui des autres.

Pour cela. il devra donner ou restituer aux collectivités locales, aux université, aux entreprises nationalisées, une autonomie véritable et. par suite, une responsabilité effective.

Pour les collectivités locales, il faut aller dans le sens de la décentralisation et une consultation de l'ensemble des associations représentatives va être engagée à cet effet.

Pour les universités, la loi d'orientation a fixé les principes; je n'y reviens pas.

Pour les entreprises publiques, il s'agit d'en faire de vraies entreprises. en leur restituant la maîtrise de leurs décisions, ce qui implique que la responsabilité de leurs dirigeants soit effectivement sanctionnable. (Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates poser la République. du groupe des républicains indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Progrès et démocratie moderne.)

Le Gouvernement vous présentera dans les prochaines semaines un nouveau projet de convention de la S.N.C.F. conforme à ces principes. Dans le même esprit, un contrat est en cours d'élaboration avec Electricité et Gaz de France, et les études préalables à une révision prochaine des relations entre l'Etat, les collectivités locales intéressées et la Régie autonome des transports parisiens ont été engagées. La contractualisation des rapports entre l'Etat et les entreprises publiques sera progressivement généralisée.

En second lieu, nous cesserons de considérer comme intangibles les missions et l'organisation des administrations, telles qu'elles se perpétuent d'année en année à travers un budget qu'on ne peut plus modifier que par addition. (Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République, des républicains indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Progrès et démocratie moderne.)

Nous appliquerons donc systématiquement les méthodes modernes de rationalisation des choix budgétaires. Ceci se traduira dans les deux ans qui viennent par la présentation au Parlement d'un budget fonctionnel.

Ces méthodes, qui feront apparaître les doubles emplois et les missions inutiles, entraîneront sans doute la suppression d'un certain nombre de services, directions ou organismes extérieurs. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Mais, sans attendre ces conclusions, je prescris aux ministres de me présenter dans les trois mois un plan de réorganisation de leur administration centrale visant à la suppression de directions ou services dont la nécessité a cessé d'exister. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Pas plus tard que demain sera proposée au conseil des ministres la suppression, pour des raisons de simplification et d'économie, d'un secrétariat général de ministère.


Plusieurs voix sur les bancs du groupe communiste. Quel ministère ?


M. le Premier ministre.

Le ministère de l'intérieur.

Simultanément, pour mieux utiliser les personnels de l'Etat, nous les rendrons plus mobiles, géographiquement et administrativement, notamment pour faire face à des pénuries momentanées. Dès 1970, tout ou partie de la promotion sortante de l'école nationale d'administration, et notamment tous les élèves nommés dans les grands Corps, seront affectés pour un an aux ministères de l'éducation nationale, de la santé publique et de la sécurité sociale, et enfin du travail et de l'emploi. (Applaudissements sur divers bancs de l'union des démocrates pour la République et des républicains indépendants.)

Dans le même esprit, pour accroître la souplesse de l'administration, seront constituées, sous mon égide, des équipes administratives douées d'une grande mobilité et susceptibles d'être affectées rapidement à des tâches urgentes ou à des missions nouvelles, sans pour autant accroître définitivement les moyens des administrations concernées.

C'est cette remise en cause des fonctions et de l'organisation de l'Etat qui nous permettra de réaliser des économies à la fois réelles et définitives.

J'ai pris l'engagement, et je le confirme devant vous, de contenir la progression des dépenses budgétaires à un taux inférieur à celui de la croissance de la production nationale.

Comme vous pourrez le constater, cet engagement sera tenu dès le budget de 1970. Il constitue à mes yeux le plus sûr moyen d'obliger les administrations à rechercher en permanence le meilleur emploi de leurs ressources. Pour l'année qui vient, il est vrai, compte tenu des courts délais dont nous disposions, nous avons été contraints de tailler dans certaines dépenses dont l'utilité est pourtant hors de doute, notamment des dépenses d'équipement, simplement parce qu'elles sont pratiquement les seules que l'on ait pu moduler dans les quelques semaines qui nous ont été imparties. Nous n'avons donc pas fait ce que nous aurions voulu. Mais, dès le budget suivant, les contraintes que je viens d'indiquer, en matière de réexamen approfondi des missions de l'administration, commenceront à produire leurs effets, c'est-à-dire à libérer des moyens en faveur des équipements collectifs inséparables à la fois du développement économique et de l'action sociale.

Notre troisième grand objectif est l'amélioration de la compétitivité nationale.

Pour cela, d'une part, nous développerons les bases humaines, matérielles et financières de l'économie: d'autre part, dans chaque secteur, nous mettrons en oeuvre des politiques visant à la rénovation des structures et à la modernisation des mécanismes.

En ce qui concerne les bases du développement, et tout d'abord l'emploi et la formation professionnelle, le Gouvernement accélèrera la mise en oeuvre d'une politique dynamique au service de la promotion des travailleurs.


En premier lieu, l'effort financier en faveur de la formation professionnelle va être notablement accru ; les ressources budgétaires affectées à cette politique seront majorées de 20 p. 100 en 1970 ; une taxe de formation professionnelle rénovant l'apprentissage est destinée à financer, compte tenu de l'apport propre de l'Etat, le développement des actions d'entretien et d'actualisation des connaissances, étape très importante de l'éducation permanente, elle-même essentielle pour l'avenir.


Par ailleurs, des dispositions particulières seront mises en oeuvre en vue du recyclage et du réemploi des travailleurs de plus de cinquante ans, qui constituent près de 50 p. 100 des demandeurs d'emploi qui subsistent.

Nous avons libéré par anticipation une fraction du contingent: nous envisageons de poursuivre cette politique pour la fraction suivante. Le Parlement sera saisi, pour en statuer à sa session de printemps, d'une nouvelle loi ramenant la durée du service militaire à douze mois.

(Applaudissements sur de nombreux bancs de l'Union des démocrates pour la République, des républicains indépendants et du groupe Progrès et démocratie moderne.)


Par de telles mesures, et, s'il le fallait, par des mesures complémentaires, à condition qu'elles ne désorganisent pas l'instruction militaire, nous augmenterons le potentiel de main-d'oeuvre jeune et qualifiée.

Un effort intense visera, notamment à l'université, à former des cadres de gestion des entreprises dont le défaut se fait cruellement sentir.

En ce qui concerne maintenant les bases matérielles, trois cents kilomètres d'autoroutes au moins seront mis en chantier en 1970, soit plus du double de cette année. De nouvelles modalités de financement permettront d'atteindre ce rythme élevé de développement de notre réseau.

La progression des investissements consacrés au téléphone dépassera 40 p. 100 en 1970.


(Exclamations sur les bancs de la fédération de la gauche démocrate et socialiste.)


M. Arthur Notebart.

C'est la journée des étrennes !


M. le Premier ministre.

Cet effort sera poursuivi au cours des années suivantes. Il rendra possible une baisse importante des prix d'installation. Il sera accompagné d'un assouplissement des structures de notre administration des postes et télécommunications. Ainsi, en 1973, nous ferons plus que doubler le trafic qui a été écoulé en 1968.

En matière de logement, notre politique visera d'abord à faire baisser les coûts. notamment par l'augmentation de l'offre de terrains à bâtir, par le regroupement et la rénovation des professions liées au bâtiment et par une mise en concurrence plus active des producteurs. Elle cherchera ensuite à redistribuer l'aide de I'Etat en faveur des catégories sociales les plus défavorisées. Elle se fixera enfin pour but d'adapter la production de logements aux besoins exprimés, en répartissant mieux les programmes de construction sur l'ensemble du territoire, en favorisant le régime de l'accession à la propriété et la construction de maisons individuelles.

(Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République et du groupe des républicains indépendants.)

La politique d'aménagement du territoire sera poursuivie vigoureusement. Elle consiste d'abord à orienter des implantations nouvelles vers les régions industrielles ou agricoles à convertir : les aides prévues à cet effet seront maintenues et versées rapidement. Elle tend, en second lieu à établir, notamment par le développement des métropoles régionales, un meilleur équilibre entre la région parisienne et le reste de la France. Il y va de l'intérêt évident de l'une et de l'autre.

Les bases financières de notre développement seront elles-mêmes affermies et assainies : globalement, par la compression des dépenses publiques, l'équilibre du budget et les mesures d'encouragement à l'épargne ; par la diversification des titres de placement. permettant une gestion plus souple des sociétés et offrant plus de commodités aux épargnants pour accéder au marché financier auquel les entreprises doivent pouvoir faire largement appel : par l'égalisation des conditions de concurrence entre les divers établissements financiers et les divers circuits de collecte de l'épargne - ceci permettra d'accélérer le décloisonnement et la rationalisation du système bancaire, clef du développement industriel -, les mesures déjà prises pour le crédit agricole constituent l'amorce de cette politique ; enfin, par le renforcement de l'information due aux actionnaires par les conseils d'administration dont la moyenne d'âge fréquemment très élevée constitue trop souvent un frein au dynamisme de l'entreprise, ce qui pose un vrai problème.

Sur des bases ainsi renforcées, nous devrons rajeunir, dans chaque secteur, les structures et les mécanismes.

En ce qui concerne l'agriculture, dans le cadre d'une politique agricole commune dont nous voulons l'achèvement rapide, nos objectifs sont les suivants :

Favoriser le développement d'une agriculture de compétition ayant toutes les chances et capable de supporter toutes les charges d'une activité industrielle normale;

Pour l'agriculture de caractère social, favoriser une politique de transferts passant plus par l'aide aux personnes que par le soutien des produits

(Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République, des républicains indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Progrès et démocratie moderne) ;

Faciliter, notamment par le développement de la coopération et des groupements d'intérêt économique, et sans formalisme juridique, le passage du maximum d'exploitations vers l'agriculture compétitive, par la mise en commun des efforts et la transformation des produits ;

Enfin, défendre à Bruxelles un infléchissement de la politique commune dans le sens d'une profonde réorientation des productions excédentaires vers les productions déficitaires.

S'agissant du développement industriel, il faut hisser au niveau mondial quelques groupes puissants et promouvoir au niveau national le plus possible d'entreprises moyennes dynamiques. L'Etat doit stimuler cette restructuration ; il doit aussi faciliter à l'ensemble des entreprises l'exercice de leurs deux missions essentielles : innover et exporter.

Des aides existent déjà dans ces divers domaines ; elles seront simplifiées et rendues plus sélectives, le ministère du développement industriel et scientifique jouant désormais, parmi les ministères concernés par les problèmes industriels, le rôle de chef de file.

Les mécanismes de financement et de restructuration seront complétés et même transformés par la création de l'Institut de développement industriel, organisme léger destiné à prendre des participations temporaires en fonds propres, dont la présidence sera confiée à une personnalité venant du secteur privé, dont la gestion sera assurée suivant les modalités du droit privé, et qui ne sera ni une banque d'Etat, ni un hospice pour entreprises menacées.

(Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrate pour la République et du groupe des républicains indépendants.)

Le Gouvernement définira avec les professions des objectifs d'exportation par branches, qui seront inclus dans les contrats de programme. Concourra à ces objectifs l'ensemble des mesures prises depuis des années dans le domaine du crédit et de la fiscalité, et dont les préoccupations conjoncturelles ou le perfectionnisme administratif ne devront en aucun cas paralyser la mise en oeuvre.

En matière de recherche, le budget de 1970 marque une pause. Cela devra permettre de prendre les décisions d'assainissement et de faire les choix nécessaires. Mais l'effort du VIème Plan devra consister à porter progressivement à 3 p. 100 le pourcentage de notre production intérieure brute consacré à la recherche. Une importance particulière sera donnée à la recherche-développement et, de façon générale, à tout ce qui peut rapprocher la recherche de l'industrie pour rentabiliser cette dernière. L'aide aux techniques de pointe devra se concentrer sur les programmes ayant le plus de chances de nous ouvrir des marchés importants. Le Gouvernement s'attachera par ailleurs à favoriser la mobilité des chercheurs.


Le capital productif, y compris le capital touristique, devant être mieux utilisé, le Gouvernement favorisera, notamment par des incitations fiscales, les entreprises qui, grâce à un aménagement rationnel des congés, et en accord avec leur personnel, cesseront de fermer leurs portes un mois par an et assureront ainsi le plein emploi d'équipements coûteux.


(Applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République et du groupe des républicains indépendants.)

Pour associer pleinement les cadres au développement des sociétés et les y intéresser, les dispositions législatives nécessaires vous seront proposées en vue de leur permettre d'acquérir des actions de leur entreprise, selon des mécanismes comparables à celui des stock-options employé avec succès dans les pays anglo-saxons.

L'évolution de notre société industrielle, loin d'amorcer un déclin de l'artisanat, confirme qu'il peut être un élément essentiel de dynamisme économique. Le VIème Plan comportera un ensemble de mesures visant à permettre aux entreprises artisanales de jouer pleinement leur rôle en matière de formation des hommes, de création d'emplois, de production de biens et de fourniture de services.

Comme je l'ai indiqué, notre dernier grand objectif sera le rajeunissement des structures sociales. Il implique la transformation des relations professionnelles, la revalorisation de la condition ouvrière, une redéfinition de la solidarité.

J'ai déjà dit l'importance que le Gouvernement attache à la transformation des relations professionnelles.

A cette fin, il propose d'abord au patronat et aux syndicats de coopérer avec l'Etat pour les tâches d'intérêt commun. C'est ainsi que peut être envisagée une gestion tripartite des services de l'emploi et de la formation professionnelle.

En second lieu, afin de moderniser et de rendre plus efficaces les accords collectifs entre le patronat et les syndicats, le Gouvernement se propose d'étudier avec les intéressés la rénovation du cadre et des modalités des conventions collectives. Les objectifs visés sont la mise en place d'un mécanisme souple de fixation des salaires réels, engageant de façon réciproque la responsabilité des parties à tous les échelons de la négociation et pour la durée des conventions.

Par ailleurs, la reconnaissance pleine et entière du fait syndical est l'un des fondements de la participation. Le Gouvernement veillera à l'application de la législation sur la section syndicale et mettra en place des chambres sociales auprès des tribunaux de grande instance pour le règlement des conflits collectifs. Dans le même esprit, il favorisera le développement de l'intéressement et le bon fonctionnement des comités d'entreprise.

Dans les entreprises nationales, de nouvelles procédures de détermination des salaires seront étudiées en liaison avec les organisations syndicales et pourront être appliquées dès l'année 1970. Elles permettront d'intéresser les travailleurs du secteur public à la fois aux fruits de l'expansion nationale et au progrès spécifique de chaque entreprise. Ainsi pourront être discutés et conclus par entreprise des contrats de progrès pluriannuels portant notamment sur l'amélioration des conditions de travail ainsi que sur les modalités destinées à assurer le bon fonctionnement et la continuité du service public.

Enfin, le Gouvernement s'attachera, dans l'esprit même de la concertation permanente, à améliorer les conditions de participation des fonctionnaires à la solution des problèmes qui les concernent, notamment par les voies du conseil supérieur de la fonction publique et des comités techniques paritaires.

Nous devrons, en second lieu, mettre en oeuvre une politique active de revalorisation de la condition ouvrière.


La mensualisation constitue un élément essentiel pour la transformation de cette condition.


En vue de faciliter la négociation entre les partenaires sociaux et de faire avancer l'application de cette mesure, le Gouvernement demandera à quatre personnalités de tirer les enseignements des expériences menées à bien dans ce domaine et d'indiquer les conditions primordiales de la réussite.


L'amélioration de la condition ouvrière passe aussi par une réduction de la durée hebdomadaire du travail, de préférence à un nouvel allongement des congés annuels, et à condition de ne pas porter atteinte à la production. Une étude d'ensemble sera menée dans la préparation du VIè plan, en tenant compte des conditions sociales, économiques et financières elles-mêmes liées à la diversité des données régionales et professionnelles.


Nous devons enfin assurer une solidarité plus active envers les plus défavorisés.

Le Gouvernement s'attachera, par priorité, à la revalorisation des bas salaires ; d'une part, adoption concertée d'un nouveau régime pour le S.M.I.G. -, d'autre part, programme pluriannuel en faveur des petites catégories de la fonction publique.

Le VIè Plan, de son côté, comportera une programmation des cotisations et des prestations sociales, conformément aux dispositions de la loi du 31 juillet 1968. A cette occasion, et en vue du débat du printemps 1970 ici même sur les grandes options, il sera procédé à un examen d'ensemble de notre politique des transferts sociaux et de ses perspectives d'évolution à long terme.

Mais, sans attendre l'application du VIè Plan, le Gouvernement a décidé de tracer, dès l'année 1970, une première esquisse de programmation sociale.

Cette programmation visera, en premier lieu, à combler certaines lacunes de notre politique sociale. C'est ainsi que des mesures nouvelles interviendront en faveur des handicapés et des inadaptés. Le minimum vieillesse sera sensiblement revalorisé, tandis que des dispositions seront prises, sous condition de ressources, pour améliorer la situation des veuves et pour créer une allocation en faveur des orphelins.

(Applaudissements sur de nombreux bancs de l'union des démocrates pour la République, du groupe des républicains indépendants et du groupe Progrès et démocratie moderne.)

Par ailleurs, la programmation sociale tendra à redéployer une partie des transferts dans le sens d'une plus grande efficacité pour les plus défavorisés. Dès 1970 sera mise en oeuvre une réforme de l'allocation de salaire unique. Celle-ci sera sensiblement augmentée pour les familles aux revenus modestes, mais sera réduite pour les familles plus aisées et même supprimée pour celles qui n'en ont que faire.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Notre action serait incomplète si elle se limitait aux dépenses sociales et ignorait les autres formes de redistribution. L'aménagement de l'impôt sur le revenu sera poursuivi en fonction de trois orientations principales : meilleure connaissance des revenus réels, unification des bases et des conditions d'imposition, nouveau mode de compensation des charges familiales, compte tenu des possibilités de chaque famille.


Telles sont, mesdames, messieurs, les grandes lignes de l'action que le Gouvernement compte mener avec rigueur et obstination. Rien ne sera facile, certes, et rien ne sera possible sans un effort de travail et d'épargne de tous.


Dans l'immédiat, les mesures prises doivent nous permettre de limiter à quelques mois la phase d'austérité - d'ailleurs toute relative - et de retrouver des bases économiques saines. Qui peut contester que tout écart, par rapport à la rigueur nécessaire, prolongerait inutilement et dangereusement les déséquilibres actuels? Et ce seraient, comme à l'ordinaire, les travailleurs qui en feraient les frais.

Voilà pourquoi mon appel doit être entendu. Que chacun mesure ses responsabilités !

Certes, il est fort compréhensible que des revendications se fassent jour, notamment au sujet des conditions de travail, et il est vrai que, depuis six mois, les événements ont retardé l'examen de ces questions. Loin de moi l'idée de prendre prétexte de nos difficulté présentes pour repousser tout examen et tout commencement de solution.


Ce n'est pas en vain que j'ai parlé de concertation permanente. J'entends par là que le Gouvernement est disposé à écouter, à dialoguer, à discuter. Il existe, pour cela, des instances qualifiées dans chaque domaine, dans chaque entreprise. Dans ce cadre, toutes les questions peuvent être posées et trouver leur réponse dans la mesure compatible avec les exigences économiques et financières du moment. Des calendriers peuvent être établis pour que soient programmées les mesures à prendre. C'est l'esprit de toutes les décisions que je viens d'annoncer.


Dans ces conditions, pourquoi, avant d'avoir épuisé les possibilités normales de discussion, pourquoi ces arrêts brusques de travail, insupportables pour les usagers (Vifs applaudissements sur les bancs de l'union des démocrates pour la République, du groupe des républicains indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Progrès et démocratie moderne) et dommageables pour le progrès des entreprises, c'est-à-dire l'intérêt même de leurs agents.

Je vous le demande, que deviendrait notre pays si chacun refusait d'observer les règles élémentaires sans lesquelles il ne peut exister ni démocratie ni paix civile ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Ainsi, par exemple, le Gouvernement ne tolérera pas que soit porté atteinte à des services d'intérêt général, telles les perceptions et les caisses mutuelles, alors que là aussi le dialogue a été offert et largement pratiqué.

Tant qu'il s'agit de revendications professionnelles, le Gouvernement a dit, et il le prouve, qu'il est bien celui de la concertation et du progrès.

Mais si, par contre, il s'agit pour certains de prendre appui sur ces revendications pour contester et menacer les autorités démocratiquement élues, alors le gouvernement légitime, le gouvernement de la République, saura prouver qu'il est là pour défendre la nation contre toute aventure.

(Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs de l'union des démocrates pour la République, du groupe des républicains indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Progrès et démocratie moderne)

Au-delà de ces épisodes, c'est la transformation de notre pays que nous recherchons, c'est la construction d'une nouvelle société, fondée sur la générosité et la liberté.

Pour cela, nous avons besoin de votre confiance active, mesdames, messieurs, comme nous avons besoin de la confiance et du concours de tous les Français.

(Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.).

 

PS: les caractères gras sont issus d'une volonté de mise en valeur des propos exprimés par le Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas.

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commentaires

C
Je dois avouer que je n'ai pas tout lu ;)
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