Photo prise le matin de la libération de Poitiers le 5 septembre 1944 sur la Place de l’Hôtel de Ville
Illustration prise sur www.vrid-memorial.com
POITIERS A ETE LIBERE
C'est dans la soirée du 4 septembre qu'officieusement on apprend la toute prochaine libération de Poitiers. Le général allemand qui se trouvait dans notre ville aurait donné l'ordre à ses troupes de quitter la ville.
C'est ce qui s'est produit et dans la soirée les Allemands stationnés dans la capitale poitevine partent tandis que passent de nouvelles colonnes qui traversent la ville en trombe.
Le bruit court, il sera confirmé, que le Préfet régional a eu avec d'autres personnalités, un entretien avec le général allemand et que la ville est placée sous l'autorité préfectorale.
C'est la libération. On l'annonce pour mardi matin 8h. Le drapeau sera hissé à l'Hôtel de la Préfecture. Ce sera le signal officiel. Mardi matin 8h. Pas de drapeau hissé à la Préfecture. Mais il le sera bientôt. La foule se masse Place d'Armes. Beaucoup de jeunes. C'est la banderole et les locaux du Parti Populaire Français qui retiennent tout d'abord l'attention des Jeunes: Un feu de joie flembe place d'Armes. Et c'est le bureau des Waffen S.S., place d'Armes, puis les locaux de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme, rue des Cordeliers, puis la Bibliothèque allemande, rue Gambetta. Autant de feux de joie. On a trouvé un imense drapeau tricolore: A bout de bras, jeunes filles et jeunes gens défilent dans les rues, portant bien haut les trois couleurs retrouvées et se dirigent vers l'Hôtel de la Préfecture où les portes sont ouvertes. La "Marseillaise" retentit, s'enfle. Dans les rues, les balcons se fleurissent. Sortent les drapeaux cachés depuis quatre ans au plus profond des greniers ou faits hâtivement dans la nuit avec l'étoffe jalousement conservée et préparée avec soin. Partout, aux corsages, aux boutonnières, dans les cheveux des belles jeunes filles, les trois couleurs.
Des manifestations se produisent place d'Armes et dans la cour de la Préfecture où viennent d'arriver les groupes de F.T.P. et de F.F.I. Les gens se reconnaissant, s'embrassent. Ceux-là ne se sont pas vus depuis des mois, des années cachés qu'ils étaient ou traqués.
Les croix de Lorraine, les cris de: "Vive la France", "Vive la République", "Vive de Gaulle". Et les formations d'arriver applaudies.
Tout l'après-midi, elles continueront d'arriver et les honneurs seront rendus au colonel Bernard, chef des F.F.I., lorsqu'il arrivera à la Préfecture où la foule stationnera tard dans la soirée.
La matinée de mercredi
Liberté, Egalité, Fraternité, ces mots sont revenus et brillent sur la façade de l'Hôtel de Ville, malgré la grisaille de cette matinée de pluie. Elle se déroula malheureusement sous la pluie. Place d'Armes, la foule de nouveau s'est massée et attend. Des troupes défilent, acclamées par la population, FFI et FTP. L'enthousiasme continue.
A la Préfecture Régionale, la transmission des pouvoirs s'opère. On apprend bientôt officiellement que M. Schuler est commissaire de la République pour la région de Poitiers et que M. Savatier est président du Comité Départemental de Libération. Le premier avocat à Paris, le second bien connu des Poitevins, puisque professeur à la Faculté de Droit.
Une émouvant cérémonie se déroule peu avant midi sur la place d'Armes: Le drapeau est hissé tandis que MM. Garotin, le Chanoine Cholet, curé de Saint-Porchaire et Ledoux, présentent les drapeaux de leurs sections.
Aucune prise de pouvoir n'a eu lieu à l'Hôtel de Ville, mais le succésseur de M. Jacques Masteau est connu, c'est M. Guillon Pierre, professeur à la Faculté de Lettres.
La Nouvelle République, N°7, Jeudi 7 Septembre 1944.
NB: La première feuille de l'édition poitevine de "La Nouvelle République" porte le N°7; entre Tours et Poitiers, l'Histoire a eu ce décalage dans la libération du pays.
Il s'agit en fait d'une demi feuille, en raison de la rareté du papier, mais quel symbole! Elle chante la liberté retrouvée à Poitiers et à Châtellerault et les lecteurs y trouvent l'évocation des heures émouvantes vécues par le Comité départemental de Libération, illustrée d'un portrait du président Savatier. [...]
Pascal ARNAUD
La "NR" et vous, une histoire partagée, 1994, page 37.
Quelques jours auparavant, dans le Nord de la Vienne, la commune de Loudun a été libérée et investie par les FFI. Témoignage dans La Nouvelle République du 7 Septembre 1944.