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PPP, le blog intégral: tout sur tout et un peu plus que tout, d'avant-hier, d'hier, d'aujourd'hui et peut-être de demain!

Le (presque) dernier trait d'Iturria, dessinateur de Sud-Ouest de 1974 à 2012

Logo SUD OUEST 1er Janvier 2001

 

Publié le 03/07/2012 à 06h00
Par Christian Seguin
35 commentaire(s)
Merci pour tout, Monsieur Iturria

Il fut le premier dessinateur d'actualité de la presse régionale. Notre ami Michel Iturria prend du recul…. Il continuera à de croquer l'actu dans Sud Ouest Dimanche, à la rentrée

 

Iturria pose la plume. Notre fameux dessinateur prend du recul après 40 ans de collaboration
Iturria pose la plume. Notre fameux dessinateur prend du recul après 40 ans de collaboration

Entendons-nous : ceci n'est pas une nécrologie, mais un constat lucide. Michel Iturria (1974-2012) est en voie de disparition dans les colonnes de « Sud Ouest ». Il avait annoncé qu'il partirait en même temps que Sarkozy. Dont acte. L'ensemble de la rédaction prie les lecteurs de comprendre que notre dessinateur dispose de tous ses trimestres. Un vieux couple se défait à l'issue de quarante ans de vie commune et, dans ce cas précis, ce n'est simple pour personne. Il y a quand même entre les deux près de 13 000 enfants. Il était arrivé à « Sud Ouest » à l'âge de 16 ans, les bras chargés de croquis, onze années avant d'être embauché. Il s'en va, la tête modestement inclinée, comme le soliste retenu par la salle qui peine à quitter la scène.

 

Le porte-voix

 

Du moins part-il avec le bonheur de voir que deux garçons de talent, Urbs et Gasset, vont poursuivre à « Sud Ouest » l'ouvrage qu'il a placé au rang de nécessité, alors que le dessin se raréfie partout. Il attend d'eux qu'ils nous surprennent, comme il s'est surpris lui-même en creusant une discipline monacale et solitaire, depuis son grenier, dans un métier qui compte peu d'ermites.

Michel Iturria a trouvé tout de suite sa première centurie d'amis lecteurs au cœur de « Sud Ouest », où étaient passés Chaval, Sempé, Bosc et tant d'autres. Il n'a jamais été concerné par cette époque où la presse écrite, dont « SO », interrogeait les sémiologues sur son déficit d'affectivité auprès du lecteur inconnu.

Pour une raison simple : en prise directe avec des pans entiers dudit lectorat, il en était devenu le porte-voix.

Son dessin, c'était votre tribune libre. Le dessinateur, dans une fenêtre quotidienne de tir, s'il sait traduire une réaction collective, fait l'objet d'un furieux engouement. Pareille incandescence se trouve chez les avants-centres, les tribuns ou les ténors, ensevelis sous les demandes en mariage.

Ainsi l'ami du café-crème a-t-il inventé un rendez-vous de connivence, cimenté une adhésion, dirigé vers lui de multiples élans ruraux et urbains. On appelle cela « avoir son public ». Comme si, en marge des grandes orgues de l'information, il avait tenu seul sa guinguette du bon plaisir. Michel Iturria a tout joué à sa main. C'est la réussite profonde d'un artisan fidèle, sincère, perfectionniste et pudique. Un jour, une femme de la communication, légère comme les plumes d'oie qu'on y croise, avisant l'artiste avec sa pipe, sa moustache et son velours côtelé, eut ce mot délicieux : « Il fait très province. Si cela suggère de défendre des particularités et l'identité d'un pays où les députés ont accessoirement perdu la tête face aux Jacobins, oui, ma chère, il en est. Michel Iturria est girondin au sens politique du terme, par le goût de la nuance, de la contradiction et la sensibilité aux coutumes locales, qu'il tient en haute estime.

 

Un journaliste qui dessine

 

C'était posé en principe au commencement : il dessine depuis un territoire à moelle qu'il a choisi, quand l'expression « vivre et travailler au pays » avait du poids. Hors des travers du régionalisme et des aigreurs du communautarisme

Avoir avec soi le boucher de Samatan, le dentiste de Bayonne, la peña Los Caracoles Aunis y Saintonge, la chorale de Peyrehorade et la faculté des sciences n'interdit pas de triturer incongruités et stupidités universelles. Si la province est à prendre par sa culture, ses usages, ses jeux, ses gourmandises et ses mots, et que tout cela met au monde des Rubipèdes, un Grabouillot inventeur du « conomètre » ou de savoureux albums d'actualité, oui, il en est. Nous avons eu le temps de comprendre que le champ d'Iturria tenait plus du village global que du lieu-dit. Il n'a jamais échappé à cet homme très sensible à la langue, tripoteur de dictionnaires et amateur de mots chantournés, que la pire erreur de son numéro eût été de pontifier. En cela, Iturria est un anti-Plantu.

Il est surtout pour nous un journaliste qui dessine, dont la jubilation à passer la politique au tamis a fait naître un véritable cercle d'aficionados.

Pour châtier, il faut aimer, et Dieu sait que le spécimen, chevauchant deux siècles, a aimé les hommes politiques désormais concassés par les marchés et les crises bancaires.

Que dit-il ? « "Sud Ouest" a été pour moi une fabuleuse terre de liberté. J'ai eu le privilège d'y dessiner, plutôt que de ferrailler au bistrot. Oui, je veux remercier tous les lecteurs qui ont donné valeur à mon travail. »

Et nous, que dire ? Merci, Maestro, pour cet arc-en-ciel peint à la main. Merci pour la fenêtre, le soleil, l'oxygène et la vue. Merci, Michel, d'exister dans nos paysages de porcelaine et nos châteaux de papier.

 

SudOuest.fr, Mardi 3 Juillet 2012.

 

Une Sud Ouest 1er Janvier 2001La Une du premier journal du XXIème siècle reservée à Iturria, Luindi 1er Janvier 2001.


ITURRIA.jpgParu dans Sud Ouest en Juillet 2000. Sud Ouest, Lundi 1er Janvier 2001.

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