PPP, le blog intégral: tout sur tout et un peu plus que tout, d'avant-hier, d'hier, d'aujourd'hui et peut-être de demain!
par Camille Gévaudan, Sophian Fanen
On n’ira pas, comme le fait Vladimir Poutine dans un communiqué, dire qu’avec Trololo c’est « toute une époque de l’histoire de l’art musical » russe qui s’en va. Mais c’est sans doute toute une époque du LOL sur les internets qui s’est éteinte avec Eduard Anatolyevich Khil, alias Trololo man, mort aujourd’hui d’un problème cardiaque, à 77 ans, dans un hôpital de Saint-Pétersbourg.
Connu à travers toute l’Union soviétique dès les années 1960, ce chanteur baryton était resté un symbole de la musique patriotique jusqu’à la fin des années 1980, arpentant toutes les scènes de la Sibérie à l’Europe de l’Ouest pour défendre la culture officielle. Peu à peu tombé dans l’oubli, il avait fini par s’installer un temps à Paris avant de rentrer passer ses vieux jours en Russie. La gloire d’Eduard Khil aurait pu s’arrêter là, à quelques dizaines de morceaux dispersés en vinyles ou cassettes dans les anciennes républiques soviétiques. Des chansons à l’orchestration lourdingue, sur lesquelles il promenait sa coupe de cheveux en plastique et sa dentition en stuc.
Mais c’était compter sans la généreuse initiative d’un internaute américain, surnommé RealPapaPit sur la Toile, qui voulut faire découvrir aux nouvelles générations de mélomanes le génie involontaire d’Eduard Khil. Le 26 novembre 2009, ce bienfaiteur numérisa et mis en ligne un vieil enregistrement de son interprétation de Я очень рад, ведь я наконец возвращаюсь домой (« Je suis très heureux d’être enfin revenu à la maison »), une chanson privée de paroles. Khil a expliqué que le texte, qui parlait d’un cow-boy du Kentucky, avait été censuré à l’époque, mais une autre version de l’histoire évoque une dispute avec l’auteur des paroles...
Lesdites paroles :
Ahhhhh ya ya yaaaah, ya ya yaaah, yaaah, ya yah.
Ohohohoooo ! Oh ya yaaah, ya ya yaaah, yaaah, ya yah.
Ye-ye-ye-ye-yeh ye-ye-yeh ye-ye-yeh, oh hohohoh. *
Ye-ye-ye-ye-yeh ye-ye-yeh ye-ye-yeh, oh hohohooooooooooo !
-aaaaoooooh, aaaooo hooo haha
Nah-nah-nah-nah-nuh-nuh, nah nuh-nuh, nah nuh-nuh, nah nuh-nuh, nuh-nah.
Nah-nah-nah-nun, nun-ah-nah, nun-ah-nah, nah-nah-nah-nah-nah !
Nah-nah-nah-nah-naaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Dah dah daaaaaaaaah...
Da-da-daaah, daaah, daa-daah.
Lololololoooooooo ! La la-laaaaaah, la la laah, lol, haha.
Oh-ho-ho-ho-ho, ho-ho-ho, ho-ho-ho, oh-ho-ho-ho-ho !
Oh-ho-ho-ho, ho-ho-ho, ho-ho-ho, lo-lo-loooo !
AAIIEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE-eee-eee-EEEE ! *
Luh luh lah, lah, lah-lah.
Oh-ho-ho-ho-hoooooo !-BOPahdududuh-dah-dadudaaah !
Da-da-daaah, daaah, daa-daah.
Lololololo, lololo, lololol, la la la la yaah !
Trolololo la, la-la-la, la-la-la-
Oh hahahaho ! Hahaheheho ! Hohohoheho ! Hahahaheho !
Lolololololololo, lololololololol, lololololololol, lololo LOL ! *
Ahhhhh ! La-la-laaah ! La la-laaah, laaah, la-la.
Oh-ho-ho-ho-hoooooo ! La, la-laaaah, lalala, lol, haha.
Lolololo-lololo-lololo, oh-ho-ho-ho-ho !
Lolololo-lololo-lololo, oh-ho-ho-ho hooooooooooooooooooooo !
Quoi qu’il en soit, Eduard Khil se lance dans cette vidéo dans deux minutes et quarante-deux secondes de vocalises inspirées et gracieuses, presque sautillantes par moments, et toujours servies par un jeu de bras et de sourcils d’un naturel confondant.
Bon goût esthétique — cravate jaune sur papier peint jaune —, présence charismatique, mélodie entraînante qui reste facilement en tête et format assez court pour ne pas lasser l’internaute volatil : tous les ingrédients étaient réunis pour déclencher cette alchimie, cette magie capable d’offrir à une œuvre une seconde naissance en ligne. La vidéo de « Trololo Man » a vite fait le tour de la planète, propulsée notamment par les sites Reddit et Buzzfeed . Elle compte aujourd’hui plus de 12 millions de vues.
L’amour inconditionnel porté par les internautes à cette nouvelle pépite musicale de YouTube a ensuite déchaîné leur imagination : certains ont isolé la séquence du rire pour le rendre plus effrayant communicatif encore, tandis que d’autres ont remonté la chanson en boucle pour produire un clip de 10 heures (7,7 millions de vues). Mais ce n’était pas suffisant : il fallait creuser encore dans l’ADN même de la mélodie pour en extraire l’essence enchantée, en la ralentissant de 800% ou en l’accélérant à 150% de son tempo original.
Ecrans.fr, Lundi 4 Juin 2012. Avec le concours d'une passante qui passait par là.