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Son nom était tout un programme : Eugène Terre'Blanche. Le leader de l'extrême droite blanche et raciste sud-africaine a été assassiné samedi dans sa propriété du nord de l'Afrique du Sud, par deux de ses employés noirs avec lesquels il était en conflit. Un meurtre qui intervient dans un contexte de tensions dans les relations entre Blancs et Noirs en Afrique du Sud,poussant le président Jacob Zuma à lancer samedi soir un appel au calme.
Ancien policier agé de 69 ans, Eugène Terre'Blanche était le fondateur et le leader d'un petit groupe, l'Afrikaner Weerstandsbeweging (AWB), le Mouvement de résistance afrikaner, dont l'emblème était proche de la Swastika du parti nazi (voir photo ci-contre), et qui s'était donné comme objectif dans les années 80 d'empêcher la marche vers la fin de l'apartheid en Afrique du Sud.
Sous la houlette de ce colosse aux outrances verbales célèbres, l'AWB avait mené quelques actions spectaculaires, comme en 1993, lorsque Eugène Terre'Blanche avait fracassé son véhicule contre le World Trade Center de Johannesburg où se tenaient les négociations sur la fin de l'apartheid.
Un an plus tard, une petite troupe armée conduite par le même TerreBlanche tentait un putsch dans le territoire tribal du Bophuthatswana, dans le nord de l'Afrique du Sud, pour y créer une République blanche séparée de l'Afrique du Sud. Par la suite, des attentats attribués à ses partisans firent 21 morts.
Eugène Terre'Blanche connut la prison en 2001, pour possession d'armes, après avoir voulu tuer un garde de sécurité sur une ferme. Il y passa trois ans.
Libéré en 2004, il cessa de mener des actions violentes, mais continua à diriger l'AWB, tout en vivant librement dans cette Afrique du Sud post apartheid alors que partout ailleurs sur le continent, il aurait dû s'exiler ou croupir en prison. Ce qui ne l'empêchait pas de dénoncer ce qu'il considérait comme la « trahison » de son peuple, les anciens »Boers », les Afrikaners, lointains descendants des colons hollandais et huguenots français (dont il était, comme son nom l'indique), arrivés à partir du XVII° siècle.
Voir, à titre d'exemple, ce discours prononcé six mois avant sa mort, dans lequel il ne renonce à aucune de ses convictions sur la légitimité de l'apartheid (voir la vidéo, en afrikaans avec sous-titres en anglais).
Son assassinat, attribué selon les premiers éléments à une dispute salariale avec deux de ses employés noirs, intervient en pleine polémique autour du retour d'un chant guerrier intitulé « tuons le boer », dont Rue89 se faisait l'écho vendredi.
Ce chant, issu de la période de lutte clandestine du Congrès national africain (ANC), le parti de Nelson Mandela, avait disparu depuis deux décennies. Il a ressurgi à l'initiative de Julius Malema, le leader de la Ligue de la Jeunesse de l'ANC, prompt à alimenter l'ambiance populiste ambiante depuis l'émergence de Jacob Zuma à la tête du parti au pouvoir.
Ce chant anti-blancs a été interdit par un tribunal sud-africain, mais Julius Malema l'a encore entonné vendredi, défiant ainsi la justice mais, semble-t-il, « couvert » par le président Zuma.
Sur les sites internet sudafricains, les internautes ont vite fait d'établir un lien entre l'« affaire Malema » et le meurtre de Terre'Blanche, le « Boer » par excellence. Et d'ajouter à ce cocktail explosif l'approche de la Coupe du monde de football, un enjeu majeur pour l'Afrique du Sud en juin prochain, qui ne peut pas se dérouler dans un climat d'agitation et de tension interne.
Les partisans d'Eugène Terre'Blanche appellent à la revanche, mais leur audience et leur capacité de nuisance ont fortement diminué depuis les années 80. Ce que ce meurtre peut entraîner, en revanche, c'est le sentiment d'insécurité et de marginalisation auprès des Blancs qui avaient choisi de rester dans l'Afrique du Sud post-apartheid, et qui, même s'ils ne partageaient pas les vues extrémistes du leader de l'AWB, ne manqueront pas d'y voir un mauvais augure pour l'avenir.
Eugène Terre'Blanche restera dans l'histoire sud-africaine comme un personnage extravagant, directement surgi de la mythologie guerrière et biblique des Boers, qui aura vainement tenté de reproduire l'histoire du XVIII° siècle au XX°, et qui n'aurait sans doute pas désavoué sa fin, sous les coups de « pangas » (machette) d'un « ennemi » noir.
Voici un portrait de Terre'Blanche réalisé bien avant sa mort par ses partisans. On y voit le personnage dans ce qu'il peut avoir de charismatique auprès des Afrikaners. (voir la vidéo)
Photo 1: affiche de propagande de Terre'Blanche, province du Cap, 2008, Pierre Haski/Rue89.
Photo 2: Eugène Terre'Blanche dans les années 1970, cliché trouvé ici.