Des héritiers d'Albert Spaggiari, l'auteur du "casse du siècle" de Nice en 1976?En Une de la Nouvelle République, Mercredi 21 Juillet 1976.
"La fiction apparaît d'ores et déjà nettement dépassée par la réalité du fric-frac monumental réalisé par une bande de gangsters de haut vol entre vendredi soir et dimanche soir dans la salle des coffres de la Société Générale de Nice.", voici ce que l'on pouvait lire dans la NR de ce 21 Juillet 76.
Dix minutes plus tard, une patrouille de la Brigade anti-criminalité (BAC) du commissariat de l'arrondissement est arrivée sur les lieux. Les voleurs avaient déjà pris la fuite. Selon les policiers, ils ont abandonné "beaucoup de matériel sur place" (marteau-piqueur, burins...) et sont repartis par l'itinéraire qu'ils avaient suivi en venant, sans le moindre butin.
A 4 h 50, alors que les policiers étaient dans l'immeuble, une déflagration "assez violente" a retenti au sous-sol, soufflant la vitrine de l'agence, provoquant un incendie dans la salle des coffres et blessant légèrement trois fonctionnaires de police.
Dimanche soir, les enquêteurs de la brigade de répression du banditisme (BRB), qui ont passé les lieux au peigne fin, ne savaient toujours pas si cette explosion était d'origine accidentelle (une canalisation de gaz crevée) ou si elle était due à des charges posées par les braqueurs.
A une semaine d'intervalle, c'est le deuxième casse nocturne de banque à Paris. Dans la nuit du 27 au 28 mars, trois malfaiteurs avaient dévalisé une agence du Crédit lyonnais, situé avenue de l'Opéra dans le 2e arrondissement. Les malfrats avaient profité de travaux sur la chaussée pour parvenir aux caves et pénétrer dans la salle des coffres. Une fois leur butin récolté et histoire d'effacer les traces de leur passage, ils avaient allumé un incendie. Cette nuit-là, cent vingt coffres avaient été fracturés. Et, à ce jour, le montant du butin n'a pas été communiqué.
Trois mois auparavant, dans la nuit de la Saint-Sylvestre, un autre braquage s'était déroulé selon un mode opératoire sensiblement identique, dans une agence de la Caisse d'épargne à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Les malfaiteurs étaient entrés par les sous-sols et avaient ouvert 117 coffres avant de filer.
Cette série de casses "à l'ancienne" rappelle celui commis à Nice en juillet 1976 par la bande du célèbre malfrat Albert Spaggiari. Après s'être introduits par les égouts dans une succursale de la Société générale, Albert Spaggiari et ses hommes avaient réussi à fracturer 337 coffres, s'emparant de plus de 46 millions de francs (environ 7 millions d'euros). Le coup avait été monté de main de maître, préparé dans ses moindres détails. Trente-quatre ans après, il suscite encore l'admiration des exégètes et a inspiré les cinéastes. Les bandits avaient alors profité d'un long week-end pour mener à bien leur opération. Celle-ci avait été découverte alors que ses auteurs s'étaient dispersés dans la nature.
Bien que le siècle et les temps aient changé, les héritiers d'Albert Spaggiari ont adopté des techniques qui ressemblent à s'y méprendre à celles de leur prédécesseur. A défaut d'avoir localisé ces nouveaux as de la cambriole, les enquêteurs leur ont attribué une appellation qui rend hommage à leur spécialité : "le gang des termitiers."
Au vu des premiers constats, les hommes de la BRB estiment qu'ils pourraient avoir affaire à deux équipes différentes. Si les coups réalisés à Montreuil et avenue de l'Opéra sont à leurs yeux le fait d'une bande "très professionnelle", celui de Tolbiac semble souffrir de quelques improvisations. Concernant celui-ci, des sources policières évoquent un "mode opératoire plus primaire" que celui de la semaine précédente. "Du travail un peu bâclé ", suggère un policier.
S'agit-il de deux bandes complètement distinctes qui ne communiquent pas entre elles, ou d'"équipes à tiroirs" (des équipes avec des voyous qui passent de l'une à l'autre), comme disent les policiers ? Ces derniers restent prudents.
Ce genre de forfait ne relève pas néanmoins de l'amateurisme. Il exige de la méthode, un équipement et un certain savoir-faire. Ce qui a, semble-t-il, un peu manqué aux braqueurs de la BNP Tolbiac.