Encore un symbole de la crise des finances publiques, celui d'un Etat qui ne parvient plus à sauvegarder ses monuments
Le phare de l'ile d'Aix menace de s'écrouler. Une mobilisation se met en place pour le sauver (Couillaud Pascal)
Par Stéphane Vacchiani
Désireux de sauver leur phare unique en France, les habitants et amis de l'île d'Aix lancent une association spécifique et une souscription
Samedi 23 mars à 15h, la commune de l’île d’Aix et l’Association "Sauvons le Phare" - juste créée- lanceront officiellement leur souscription pour tenter de réunir des fonds pour réaliser les travaux du phare de l'île. En s'engageant aux côtés des Phares et Balises, élus et citoyens espèrent assurer la sauvegarde du phare de l’île d’Aix.
Alors en colère contre l'État, Alain Burnet, le maire de l'île avait lancé son premier appel à l'aide pour sauver le monument dans Sud Ouest, le 22 février dernier. Unique en France, le phare à deux tours menace de s'effondrer si personne n'agit.
Lézardée, la première tour est dans un état alarmant au point qu'un simple « coup de vent » suffirait à « entraîner le basculement de l'ouvrage » affirme une note -discrète-du Service des phares et balises. Entouré par une haie de barrières métalliques le bâtiment emblématique de l'île ne peut plus recevoir de public, même pas à ses pieds. Au grand dam des habitués et des élus.
Les personnes désireuses de participer à cette mobilisation sont conviées à participer à cette première réunion dans les locaux du Cercle Nautique au Fort de la Rade à l’île d’Aix le 23 mars à 15h donc.
Par Sylvain Cottin
Unique en France, le phare à deux tours menace de s'effondrer. En colère contrer l'État, le maire de l'île lance un appel à l'aide pour sauver le monument.
A Pise, d'aucuns farfelus racontent qu'une tour chancellerait ainsi depuis des lustres pour le plus grand bonheur de ses voisins. Un millier de kilomètres plus à l'ouest, si le phare de l'île d'Aix n'a pas encore le bec dans l'eau, la nouvelle de son possible effondrement fait en revanche trembler toute la petite communauté des 230 insulaires.
Voilà en effet trois ans déjà que l'édifice de calcaire, perché 25 mètres au-dessus de la falaise, a trahi sa grande fragilité au hasard d'une tempête et de la fuite de mercure collatérale. Lézardée de part en part, la première tour, bâtie en 1889, est depuis ceinturée par des capteurs alarmants. Selon une note discrète du Service des phares et balises, un simple « coup de vent » suffirait à « entraîner le basculement de l'ouvrage », désormais placé en quarantaine derrière une disgracieuse haie de barrières métalliques. Commentaire particulièrement éloquent relayé par le témoignage des autochtones ayant eu l'audace et l'autorisation d'escalader le phare.
« On le sent bien vibrer »
« Dès 50 km/h de vent d'ouest, on le sent très fortement vibrer », raconte Alain Burnet, le maire de l'île. « Un spécialiste venu de Bretagne m'a dit que, même là-bas, il n'avait jamais vu ça. Les fissures de la pierre sont comme deux morceaux de sucre qui frotteraient l'un contre l'autre. »
Mais à ce péril architecturale et historique - nous y reviendrons - s'ajoute celui d'une navigation plongée, ou presque, dans le noir. Surnommées les « géants de l'île », en référence à leur portée de 24 milles marins, les deux tours, privées de leurs 4 litres de mercure, ont depuis été condamnées à l'extinction du feu principal. Et si une lanterne de secours soulage fort heureusement les navigateurs, c'est avec beaucoup moins de clarté qu'auparavant, à en croire l'alerte diffusée sur leur radio embarquée. Certes à l'abri de connaître un naufrage à la « Costa Concordia », le pertuis d'Antioche n'en demeure pas moins un détroit truffé d'écueils.
Une lanterne de secours
« La lumière rouge de notre phare servait justement à indiquer l'entrée de la Charente, mais surtout le passage entre les îles de Ré et d'Oléron », s'inquiète Alain Burnet, peu disposé à jouer de la torche électrique à ses heures perdues. « Une sorte d'étroit faux plat où énormément de navires se sont échoués à travers l'histoire. »
Inscrits depuis 2011 à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, les « géants » d'Aix n'en ont malgré tout pas tiré le moindre centime en retour. « Pour sauver le phare, il faudrait d'abord déposer sa lanterne à l'aide d'un hélicoptère, puis fixer des câbles à l'intérieur de la pierre, comme un étau. Hélas, l'État refuse de nous aider à payer cette facture d'environ 300 000 euros. » Soit, il est vrai, la moitié de l'enveloppe allouée chaque année à l'entretien des quelque 150 phares du littoral français.
Un autre phare condamné ?
Illustration sonnante et surtout trébuchante de l'anémie budgétaire, voilà donc l'État contraint de faire de la retape auprès de ses collectivités territoriales. « C'est le monde à l'envers de voir ce pauvre agent des phares et balises obligé d'aller faire la manche. Mais ce serait encore plus terrible de voir le phare disparaître du paysage de notre île. Malheureusement, la commune a seulement les moyens d'assurer l'hébergement des maçons. À moins que l'on lance une souscription… » Signalant la périlleuse entrée de l'estuaire de la Gironde, le phare de la Coubre, plus au sud, est aussi en danger. Menacé par une érosion qui a réduit de 1 800 à 150 mètres sa distance d'avec l'océan, le plus haut des phares charentais (64 m) semble condamné à bientôt disparaître en pleine mer.
Un patrimoine en danger
À l'image de l'île d'Aix, une bonne partie des 150 phares français, sans gardiens et livrés aux affres du large, sont en péril. La Société nationale pour le patrimoine des phares et balises lance donc un cri d'alarme par le biais d'une pétition (petitionpublique.fr). « Une obsolescence programmée jusqu'à ce qu'on les range au magasin des vieilleries devenues trop coûteuses », redoutent ces passionnés.