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PPP, le blog intégral: tout sur tout et un peu plus que tout, d'avant-hier, d'hier, d'aujourd'hui et peut-être de demain!

Poitiers sous le Second Empire (II) : en quête de splendeur

II. LES REVES DES NOTABLES

Projet-escalier-gare-Poitiers-XIX-siecle.JPG

Le "Poitiers grandiose" tel que le rêvèrent Ch. de CHERGE ET PICHOT (Document des Archives de la Vienne), présenté par R. CROZET et "POITIERS et le chemin de fer". 

 

POITIERS comptait, en 1860, 26233 habitants. La vile occupait l'anse du Clain et débordait, par ses faubourgs, à l'Est vers Montbernage et Saint-Saturnin (Pont-Neuf); elle dépassait quelque peu la porte de la Tranchée, au sud, le long de la Route Impériale N°10 et, à l'Ouest, par delà la porte de St-Lazare (porte de Paris), grimpait le rude contrefort de la Cueille Mirebalaise. La voie ferrée de Paris à Bordeaux la bordait à louest et au sud-ouest, selon un tracé qui avait fait couler des flots d'encre mais qui, par contre avait nécéssité l'aaséchement d'un marais et la création d'un tunnel.

 

L'EMBARCADERE ET LA VILLE

 

Longtemps, près de dix années, de 1842 à 1850, on avait opposé au projet officiel (1) celui du passage du railway - on ne disait pas encore chemin de fer - le long du Clain, puis un autre par la Pierre-Levée, un autre, encore, dans la ville elle-même. On avait, aussi, discuté de l'emplacement de "l'embarcadère", on avait longtemps fait état de distances, de différences de niveaux, de prix de revient.

Et puis, on avait accepté, raisonnablement, une première gare en 1852 puis une autre, en 1855, sur l'emplacement qu'elle occupe aujourd'hui, au bord du boulevard du Grand-Cerf et au pied de la Visitation. Et l'on s'était mis, à qui mieux mieux, à disserter sur le rôle de la gare dans la vie poitevine.

Pour les hommes de la seconde moitié du XIXème siècle, et, singulièrement, pour les notables poitevins, la gare est le moteur de la vie citadine. C'est d'elle que vient la prospérité. Tous sont d'accord là-dessus.

De Chergé, légitimiste à tous crins, fait chorus avec un Orillard qui n'est pas le célèbre Arsène, lequel vit dans un provisoire et relatif effacement, mais qui, à l'exemple de ce dernier, doit-être modérément bonapartiste après avoir été convenablement orléanistes et en attendant de devenir opportunément républicain et qui, en tous cas, demeure conseiller de Préfecture.

Tous voient "des flots de voyageurs aller (de la gare) au centre même de la ville où les appellent de rapides affaires ou la nécessité d'un séjour plus prolongé". Tous affirment que si une rue du centre n'est pas mise en relation avec la gare, "elle sera un désert".

Il faut donc ouvrir Poitiers vers la gare: c'est vérité d'évidence et nécéssité vitale. C'est la grande oeuvre à accomplir auprès de laquelle le percement de la rue d'Orléans, en 1842, pour rattacher le coeur de la ville aux routes du Berri et du Limousin, le prolongement de la rue de Tison sous Blossac en 1846, le pavage des rues ne sont que broutilles et travaux secondaires.

Il faut aller de l'avant et regarder vers l'avenir. De Chergé qui est cartésien risque même une définition de l'avenir afin de se donner les prémisses d'un raisonnement solide: "prudemment envisagé, écrit-il (l'avenir) n'est pas autre chose que la vie de ce qui ne meut pas". Archéologue distingué, il le voit inscrit sur le sol de sa ville en ligne élégantes: notable opposant, il veut user de sa prudence, se réservant le droit d'écrire quand un projet aura été réalisé: "que ne nous a-t-on écouté? C'eut été beaucoup mieux!"

 

POUR UN POITIERS GRANDIOSE

 

Donc la création d'un Poitiers "grandiose" est à l'ordre du jour. Réputée "ville morte et sans industrie" en 1842, la capitale du Poitou ne veut pas se laisser dépasser par Tours qui a réussi une excellente opération en créant St-Pierre-des-Corps, non plus que par Angoulême qui bénéficie de l'appoint de sa fonderie de Ruelle. Poitiers donne dans le modernisme, assura à ses habitants, hygiène et confort. Elle ira jusqu'au luxe. On dispose de voitures "élégantes et bien servies" que l'on nomme "Les Pictaviennes" qui donnent "la facilité de visiter les amis et de circuler nuit et jour dans les rues, promptement, quelle que soit la rigueur de la saison"; il existe une compagnie d'assurances à primes contre les dégâts des toitures, un comptoir de banque et d'escompte, une boulangerie modèle, une fabrique de noir animal - à La Roche -  qui fournit des produits pour assainir les lieux d'aisance; des Pompes Funèbres qui assurent une garantie contre les épidémies en même temps qu'une certaine décence. Tout cela, c'est pour la salubrité publique et le mieux-vivre. La faim et les maladies pernicieuses ne sont plus à craindre.

Alors les notables poitevins se prennent à rêver pour eux-mêmes, et pour leurs pauvres - ceux du Bureau de Bienfaisance et de la Conférence de St-Vincent-de-Paul - pour les braves ouvriers, pour tous les habitants de leur ville et pour tous les visiteurs, promeneurs ou hommes d'affaires. Pour tous les hommes de l'avenir, ils rêvent de rampes d'accession symétriques qui, de chaque côté d'un escalier monumental, mèneraient de la gare au plateau, passeraient à travers des jardins suspendus d'ou la vue irait jusqu'à la Casette et ses peupliers frémissants, jusqu'aux amandiers de Montmidi.

Ils ont tous lu Jean-Jacques et M. de Lamartine. Ils sont poètes mais, par prudence, ils font durer leur rêves.

Dans son bureau de l'ancien évêché, à côté de la Cathédrale St-Pierre, le Préfet de la Vienne réfléchit. La place lui manque, en sa préfecture, pour loger les archives départementales. Au surplus, l'Inspecteur d'Académie réclame une pièce où pouvoir travailler. Et puis, célibataire mûrissant, le Préfet s'ennuie...

Alain R. DANY

 

Prochain article: III - UN PREFET DESSINATEUR.

 

(1) C.f; René Crozet "Poitiers et le chemin de fer". Bulletin des Antiquaires de l'Ouest 1958.

Centre Presse, Mercredi 11 Août 1965.

 

Précédemment:

I - LA COURSE DE LENTEUR

 

Articles suivants:

III. UN PREFET DESSINATEUR

IV. UN MATCH DE BILLARD ADMINISTRATIF

V. REPONSE ENTRE LES LIGNES

VI. LA GEOMETRIE SUBTILE

VII. COMMENT ON ECORNA LES AUGUSTINS

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