Il reste à peine 3000 tigres dans le monde contre 100000 il y a un siècle
Une enquête présentée à la Cites pointe l'essor du trafic illégal du félin, pourchassé pour ses dents et son pénis aux prétendues vertus médicinales
Bangkok
Envoyée spéciale
Réduit à la peau et aux os. C'était le titre inquiétant du rapport publié par les deux ONG Trafic et le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui confirme la persistance du commerce illégal des tigres et de leurs produits dérivés.
Présentée à la Conférence des Parties (CoP16) de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (Cites) qui se tient à Bangkok jusqu'au 14 mars, l'enquête montre que les élements appartenant à au moins 1425 tigres ont été saisis entre 2000 et 2012, dans les 13 pays qui en hébergent encore - Bangladesh, Bhoutan, Birmanie, Cambodge, Chine, Inde, Indonésie, Laos, Malaisie, Népal, Russie, Thaïlande et Vietnam. "89% de ces saisies ont eu lieu en dehors des zones protégées, ce qui montre l'importance des actions visant à prévenir les incursions dans l'habitat du tigre, constate Natalia Pervushina, responsable pour Traffic du programme sur le tigre et coauteur du rapport. Pour autant, la demande persiste. Et il est clair que ce commerce illicite déjoue en partie les contrôles en se déployant sur le Web."
L'espèce est gravement menacée à l'état sauvage. Il resterait à peine plus de 3000 tigres contre 100000 il y a un siècle. Et encore cette population est-elle souvent dispersée sur de petits territoires, isolés et fragementés.
Peau, griffes, mais aussi os, dents, pénis et moustaches: en Asie, tout ou presque est bon à vendre dans le tigre. Y compris l'animal entier et vivant. Au cours des trois dernières années, 61 d'entre eux ont été saisis. Soit 50% du nombre total de prises enregistrées depuis 2000.
Soutenu par de puissantes mafias, ce marché risque de mettre à mal les ambitions du Global Tiger Recivery Program (GTRP), qui prévoit de doubler la population du grand félin d'ici à 2022. Bénéficiant d'un financement important - 380 millions de dollars (292 millions d'euros) sur cinq ans-, ce plan de sauvegarde vise à mettre en place des mesures destinées à lutter contre le braconnage et la destruction de l'habitat du félin.
Si Vladimir Poutine, fervent défenseur du tigre, peut se réjouir d'avoir vu les effectifs du félin augmenter en Russie depuis les années 1960 (ils étaient alors 80 à 100, contre 450 à 500 en 2005), son pays n'est toujours pas venu à bout du commerce illégal. Il est même probable, estime le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), que la population des tigres ait recommencé à y décliner.
Selon cette association, 30 à 33 tigres ont été arrachés à leur habitat naturel dans l'Extrême-Orient russe en l'espace d'un an. Durant cette période, les autorités ont confisqué un nombre record de parties provenant de 17 à 20 tigres, et 9 bébés tigres issus d'au moins quatre portées différentes ont été secourus, leur mère ayant disparu. C'est la première fois que l'on enregistre en Russie un nombre si élevé d'actes confirmés de braconnage. Et la réalité est sans doute plus grave.
"Nous savons que ces saisies ne représentent que la partie émergée de l'iceberg, et j'ose à peine imaginer le nombre réel de tigres victimes du braconnage, affirme Masha Vorontsova, directrice régionale Russie d'IFAW. Les membres de la Cites parlent beaucoup de renforcer l'application des lois, mais c'est loin d'être suffisant. Il faut des plans nationaux avec des échéances précises et des fonds suffisants. Sinon, cette population ne tardera pas à disparaître."
Les pays de l'aire du tigre devaient présenter à Bangkok les mesures prises en faveur de l'espèce. Mais pour l'heure, la Chine, l'Inde et la Thaïlande sont les seuls à avoir présenté des rapports en conformité avec les exigences formulées. "Cet exercice, qui avait pour but d'obtenir un aperç général du braconnage et du commerce illégal du tigre, n'a pas vraiment été un succès", constate le secrétaire de la Convention.
"Sur les treize pays concernés, seule l'Inde a conservé des dossiers de saisie suffisamment détaillés pour permettre de repérer les points chauds du trafic, précise Natalia Pervushina. Cinq d'entre eux ont été identifiés, l'un à Delhi, les autres à proximité de zones protégées dans différentes régions. Si tous les Etats faisaient de même et fournissaient des rapports solides sur la situation actuelle, comme il s'y sont engagés vis-à-vis de la Cites, il deviendrait peut-être possible d'agir."
Catherine VINCENT
Le Monde, Jeudi 14 Mars 2013.
Vladimir Poutine "aurait" tiré sur une tigresse
France 2, 1er Septembre 2008.