L'HISTOIRE DU JOUR
Dans les rues de Madrid, Franco n'aura bientôt plus droit de cité
Madrid - correspondance
Près du parc de Retiro, à Madrid, un passage porte le nom du général Mola, cerveau du coup d'Etat militaire contre la Seconde République espagnole, en juillet 1936. Dans le quartier de Vallecas, une autre rue est baptisée du nom de l'aviateur Francisco Iglesias, responsable du bombardement de 3000à 5000 réfugiés qui fuyaient Malaga. "Arriba España", le slogan franquiste par execellence durant la guerre civile (1936-1939), a quant à lui donné son nom à une place de la capitale. Le militaire putchiste Juan Yagüe Blanco était surnommé le "boucher de Badajoz" pour le massacre organisé dans la capitale de l'Estrémadure. Les "Tombés de la division Azul" sont ceux qui ont lutté aux côtés de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste contre les Soviétiques durant la seconde guerre mondiale. Tous ont une rue à leur nom à Madrid.
Quarante ans après la mort du dictateur, Franco et les militaires putchistes qui l'ont porté au pouvoir sont omniprésents dans le répertoire des rues de la capitale du royaume. Madrid n'a jamais débaptisé ces axes, ni au retour de la démocratie ni ces vingt quatre dernière années quand le Parti Populaire (PP, droite) dirigeait la ville et répétait à l'envi qu'il "ne faut pas rouvrir les vieilles blessures". En face, les fils et petis-fils de républicains demandaient de "les refermer".
Au second semestre 2016, trente rues qui commèmorent des phalangistes et des putchistes seront finalement débaptisées. la capitale espagnole, administrée de puis juin par une plate-forme citoyenne, Ahora Madrid ("Madrid Maintenant", soutenue par le parti de la gauche anti-austérité Podemos, a approuvé cette mesure avec les voix des socialistes et de Ciudadanoms, le nouveau parti centriste. Le PP s'y st opposé. Sa porte-parole, la présidente de la formation dans la région, Esperanza Aguirre, a critiqué un "revanchisme" qui va à l'encontre de "l'esprit de réconciliation de la transition".
Pour la conseillère à la culture, Celia Mayer, il s'agit au contraire de mettre fin à "une contre-mémoire, un abandon et une impunité" et d'appliquer avec huit ans de retard, la loi de mémoire historique. Voté en 2007 par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, ce texte enjoignait aux autorités compétentes de "retirer les insignes, plaques, mentions commémoratives d'exaltation, personnelle ou collective, de la guerre civile et de la dictature".
A Madrid, la liste des noms à changer a été élaborée à partir de recommandations de la chaire de Mémoire historique du XXè siècle de l'université de Complutense. Elle pourrait être amenée à s'allonger encore. La ville en profitera pour réparer des oublis, en donnant des noms de rue aux "femmes, qui sont absolument invisbles dans le répertoire des rues, et aux personnes qui, sur le terrain, ont contribué à construire Madrid", explique Celia Mayer.
Sandrine MOREL
Le Monde, 23 Décembre 2015.