«Rue de la paix», «avenue Karl-Marx», «rue de l’amitié germano-soviétique», voilà des standards des villes de RDA. Aujourd’hui, on tombe encore sur ce type de plaques, surtout dans le Land du Brandenbourg, autour de Berlin. Si ces plaques ont presque un caractère pittoresque, d’autres semblent gêner aux entournures de nombreux citadins, lit-on dans le Berliner Morgenpost:
«Quelques exemples d’une longue liste: Wilhelm Pieck, l’ancien président de la RDA, défenseur d’un régime dictatorial, ou Peter Göring (Un garde-frontière de RDA qui, tirant sur un fugitif, fut à son tour abattu par la police ouest-allemande, et devint un «martyr du Mur», ndlr)»
Dans ce débat typiquement allemand, les positions sont tranchées. Pour certains, ces traces du passé, dont les plus contestables furent retirées il y a déjà 20 ans, n’ont que peu d’incidence. Mais d’autres ne sont pas de cet avis, à l’instar de l’historien Klaus Schroder, de l’Université Libre de Berlin. Le Berliner Zeitung le cite:
«Cette façon de cohabiter facilement avec des noms aussi marqués est le symptôme d’un manque de volonté du Brandebourg à réaliser son travail de mémoire.»
Schroeder est membre de la commission d’enquête sur le travail de mémoire de la dictature communiste. Il s’insurge de la clémence générale à l’égard de certains hommes, comme Ernst Thälmann, un communiste de l’entre-deux-guerres:
«C’était un staliniste de la pire espèce. Ce n’est pas parce qu’il a été assassiné ensuite par les Nazis qu’il faut le hisser directement au rang des héros».
Cette vigilance vis-à-vis des reliquats communistes est farouchement réclamée par Saskia Ludwig, chef du groupe CDU au Parlement du Land. Elle va même plus loin, relate la Märkische Allgemeine Zeitung:
«Au-delà des noms de rues, elle exige un relevé précis de tous les symboles restants: Combien de maternelles portent encore le nom de communistes ou de militaires russes? À propos des stades et centres sportifs, "combien sont encore affublés de noms d’athlètes célébrés par la propagande communiste? (…) Combien de bustes et de statues jonchent encore l’espace public?"»
Selon elle, il en irait d’un «besoin urgent d’éclaircissement». Le Berliner Morgenpost pousuit la citation:
«Dans une société démocratique comme l’Allemagne, il est important de savoir quel genre de personnalités se cachent derrière des marqueurs d’identité aussi forts que les noms de rue.»
Cette bataille pour la mise à plat du passé récent de l’Allemagne, les socialistes du Brandenbourg ne la prennent pas au sérieux, apprend-on dans la Märkische Allgemeine:
«Selon Ralf Holzschutzer, chef du groupe SPD au Parlement du Brandenbourg, Saskia Ludwig voit un complot communiste à chaque coin de rue. Et pour le secrétaire général, "tout cela a quelque chose de sectaire".»
Évidemment, quand le travail de mémoire se mêle au débat politique, les choses peuvent rester longtemps stériles. Ulrike Poppe, délégué régional à la réflexion critique sur la dictature communiste, tente d’élever le débat. La Berliner Zeitung se fait l’écho de son opinion:
«Se contenter de démonter une plaque de rue ne fera pas plus avancer la culture démocratique que d’accrocher de nouveaux noms auxquels personne ne réfléchit. Tout cela doit s’accompagner d’une vraie discussion publique».