PPP, le blog intégral: tout sur tout et un peu plus que tout, d'avant-hier, d'hier, d'aujourd'hui et peut-être de demain!
Un "j'aime" sur Facebook: le nouveau militantisme?
Un fait divers comme un autre. Une agression, un braquage comme il s'en déroule (hélas) tout les jours en France, comme ailleurs. A la différence que le victime a abattu son agresseur.
Depuis ce week end, on assiste à un déferlement de soutien à un commerçant érigé en héros, comme si du fin des années 1950 ressurgissait le spectre du poujadisme.. Ce soutien ne ressort pas d'enquêtes de sondages, mais, et c'est là une nouveauté, d'une page facebook qui a rapidement récolté plus d'un million de "j'aime". Internet, via les réseaux sociaux, libère la parole, comme une caisse de résonance ou chacun peut y apporter sa contribution, qui peut aller d'un raisonnement éclairé et construit à une simple déclaration de haine. Là où dans le monde d'avant on pouvait prendre connaissance de ce défoulement en lisant le courrier des lecteurs, désormais, les pires horreurs (par esprit d'hygiène et de salubrité publique, PourquoiPasPoitiers ne reproduira pas ces commentaires que l'on pourrait appeler "Chroniques de la haine quotidienne") sont accessibles à n'importe qui. Ainsi on peut d'ailleurs s'étonner que ces fameux soutiens deviennent à leut tour des colporteurs de haine raciste, de violence verbale, à l'encontre de la victime, non pas du braquage, mais du bijoutier, mais aussi, à l'égard de Christine Taubira, non pas à l'égard de sa fonction, mais surtout de sa couleur de peau.
Aimer une page facebook est difficilement assimiliable à un acte militant. On est assis devant son ordinateur, on clic un coup, et on regarde ensuite une vidéo à la con posée sur youtube. Que cela représente 100 personnes comme un million. Toutefois, les médias ont beaucoup évoqué ce mouvement: la force du nombre a fait le boulot, mais que représente réellement cette masse, politiquement, sociologiquement: la France de droite? Pourquoi pas, Sarkozy a bien obtenu 16 millions de voix au second tour des présidentielles en 2012. La France qui travaille? Il y a plus de 26 millions d'actifs en France. La France des commerçants? Difficile d'imaginer tous les commerçants soutenant, non pas la bijoutier, mais son geste meurtrier. La France tout court? Il y a plus de 65 millions d'habitants dans ce pays.
Communément, on entend l'évocation du ras-le-bol de l'insécurité, dans un pays, qui selon ces gens-là, n'est pus capable d'assurer la sécurité de ses citoyens. Mais il suffit de se pencher dans notre histoire pour se rendre qu'en permanence, il y a des vols, des agressions, bref, de la délinquance. Ainsi, les années 1970 ont été marquées dans l'Hexagone par la pratique du kidnapping avec rançon, et souvent sur des enfants. Dans une France qui vivait encore dans le régime de la peine de mort. Et paradoxalement, cette pratique a régressé à partir des années 1980...en même temps que la mise au chômage de la guillotine.
La victoire du sarkozysme
A mon sens, dans cette malheureuse affaire, il me semble y voir une soirte de victoire idéologique du...sarkozysme, qui consisté, lors de faits divers tragiques, à surréagir (ma fameuse théorie du "bougisme sarkozyste": s'agiter dans tous les sens pour donner l'impression d'agir) et à promettre "une nouvelle loi, le renforcement des peines dans les plus brefs délais". Quitte à faire de la redite. Et à générer un embouteillage législatif. Las, peu importe l'arsenal, les délits, d'autant plus en temps de crise(s), continuent de se perpétrer. Mais voilà, l'émotion, la réaction à chaud a pris le devant sur l'analyse, le recul, la mise en perspective.
A pareille situation, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Je n'ai rien contre le bijoutier. Mais je n'aime pas cette page. Ce cyber-endroit s'est muté en un lieu de haine où s'accumulent dans des tas d'immondices verbales, comme le relève ce tumblr. Car il y a une autre victime. Dont la vie a été le tribut à payer. Assumer et revendiquer de se faire justice soi-même, c'est bafouer la République, c'est faire reculer la démocratie pour faire place à la barbarie, c'est accepter que le justice recule pour que règne la loi du plus fort. La loi du Tallion, le Far-West, de tout cela, je n'en veux pas. Des lois bafouées ajoutées à des sanctions non appliquées nous amènent aux portes de la fin du vivre-ensemble, puisque chacun serait en mesure de s'ériger comme ses propres lois, et applicateur de ses propres peines. Justifiées ou non.
Toutefois, ce "braquage qui tourne mal", comme on disait à une certaine époque, révèle à haute voix l'esprit de défiance envers les institutions, et c'est là que se trouve, pour le gouvernement, le plus grand des défis: réussir à faire changer les mentalités d'une population dont le rapport aux institutions se dégradent d'année en année.
Une chanson de Renaud qui résume parfaitement l'ambiance du moment
Renaud, "Les Charognards"
(1977, Album Place de ma mob)