A la Une de La Nouvelle République, Jeudi 26 Décembre 1974.
EBOUEURS A L'ELYSEE
A la veille de Noël le Président de la République, M. Valéry Giscard d'Estaing, a causé une grosse surprise à l'équipe des éboueurs de l'avenue de Marigny, qui déssert le Palais de l'Elysée: les quatre hommes qui la composent n'avaient pas en effet été prévenus qu'ils seraient ce matin invités à la table du chef de l'Etat pour prendre avec lui leur petit déjeuner.
Alors qu'il était à la hauteur de la seconde porte donnant accès au Palais, sur l'avenue Marigny, près de la place Beauvau, un garde républicain a arrêté le camion et fait savoir au chauffeur, M. Serge Vallade, de nationalité française, et aux trois éboueurs de l'équipe, deux Maliens, MM. Mohammed Trore et Sensi Fafano, et un Sénégalais, M. Sow, que M. Giscard d'Estaing les attendait.
Un proche collaborateur du Président de la République, M. Philippe Sauzay, son chef de cabinet, les a conduits jusqu'à la salle à manger ultra moderne de l'Elysée, au rez-de-chaussée, où les attendait le Président de la République, qui leur a serré la main.
Sept personnes étaient assises autour d'une table ronde et blanche, dans un décor très "design": le chef de l'Etat, en costume gris-bleu, les éboueurs: le chauffeur en veste de cuir et ses trois coéquipiers en tenue de travail - blouson de caoutchouc réfléchissant rouge - et dont deux avaient gardé leur passe-montagne, un photographe de l'A.F.P. prévenu in extremis et M. Sauzay.
Pendant la vingtaine de minutes qu'a duré le petit déjeuner - très classique: café au lait, toasts et croissants - le chef de l'Etat a parlé avec ses invités de leur métier et de ses difficultés, de leur nationalité, de leurs familles et beaucoup de l'Afrique "que j'aime bien", a dit M. Giscard d'Estaing.
Musulman pratiquant, l'un des invités du chef de l'Etat, M. Traoré délaissa toasts et croissants en cette période de célébration de l'Aid El Adha (fête du Mouton) et se contenta de boire un peu de café.
Avant de les quitter, le Président de la République a offert à ses hôtes un cadeau de Noël, un colis contenant la dinde traditionnelle et une bouteille de champagne, puis les a reconduits jusqu'au perron où il leur a souhaité bon courage pour la suite de leur tournée.
La C.G.T. pas d'accord
L'Union syndicale C.G.T. des services publics C.G.T. proteste, dans une lettre au président de la République contre l'invitation des éboueurs à l'Elysée qu'elle considère comme une opération "destinée à apparaître devant l'opinion publique comme le témoignage d'une grande compréhension et d'un souci humanitaire à l'éard de cette catégorie de travailleurs".
"Votre compréhension, déclare l'Union C.G.T., aurait été beaucoup mieux ressentie en novembre dernier si vous n'aviez pas attendu le neuvième jour pour accorder satsfaction aux revendication posées. Elle le serait aujourd'hui si vous faisiez droit notre demande d'audience afin de satisfaire les revendications particulières qui restent en suspens".
La Nouvelle République, Jeudi 26 Décembre 1974.
Un plan com' bien rôdé dans la mesure où l'on peut avoir l'information à la télévision dès la mi-journée au journal de 13 heures
ORTF, Mardi 24 Décembre 1974.
Cette initiative a valu au journal Charlie Hebdo, sous le crayon de Cabu, cette une de Charlie Hebdo du 6 Mai 1981.

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