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L'auteur de l'étude dont la publication commence aujourd'hui a lu comme tout Poitevin conscient et organisé, indigène ou non, les fameux "Guide du Voyageur à Poitiers". Il les a lus dans le texte et les a retrouvés, parfois, dans les colonnes de la presse régionale, découpés en articles "bouches-trous".
Il éprouve, à l'égard de cette prose de la fin du XIXè et du début XXè siècle, beaucoup de respect, principalement quand elle traite d'évènemements moyennageux ou antérieurs à la bataille de Nouaillé-Maupertuis (1356). Toutes les histoires de ces temps très lointains, il les accepte de confiance. Il aime assez, d'autre part, que le plus ancien des auteurs et à coup sûr, le plus talentueux mette, en ses disgressions relatives aux faits qui lui sont contemporains quelque passion partisane. Une certaine forme d'aveuglement volontaire n'est pas à dédaigner, surtout si l'homme qui ferme les yeux sait en ouvrir un, parfois, pour cligner. Ce que fait de Chergé, à qui l'on tire, ici, un coup de chapeau.
Brothier de Rollières ne manque pas de mérites mais il fait étalage, au moins une fois, d'une méconnaissance redoutable de l'histoire poitevine de la fin du dix-neuvième, transformant en architecte un préfet, ce qui peut-être n'eût satisfait, ni l'un ni l'autre des personnages en question.
La mutation de Poitiers sous le Second Empire, devait être étudiée, cent anées ou presque après son accomplissement, oour rechercher le temps où les grands-pères de nos lecteurs d'âge mûr étaient de tout petits enfants et qui, à beaucoup d'égards, n'est pas du temps perdu.
I. LA COURSE DE LENTEUR
"POITIERS se hâte lentement..." avait écrit un journaliste poitevin en 1848. De la difficulté que semblait éprouver la capitale du Poitou à s'adapter aux conditions du moment, le bon ton voulait qu'on fit des épigrammes. C'était un exercice intellectuel et rien que cela.Il n'empêchait nullement les uns de se résigner à une lenteur prétendue congénitale, les autres de cultiver cette lenteur, le plus grand nombre de la subir sans, d'ailleurs, en avoir conscience. Car Poitiers s'était installée, depuis longtemps, dans une molle quiétude après être durement entrée dans l'Histoire. Le Clain coulait, paisible, parmi les jardins fertiles. Le pain et le vin venaient des champs tout proches. Les souvenirs des invasions dataient de quatre cents ans et les oppositions les plus vives, pour des questions religieuses, de plus de deux cents.
Or, Napoléon III régnait dont l'action politique n'avait pas l'agrément de l'intelligentsia poitevine, laquelle demeurait légitimiste pour une grande part. Ces juristes, ces propriétaires fonciers, frottés de droit et de belles lettres, étaient des gens qui ne manquaient ni de fortune ni de talent. Ils se voulaient hardis et patriotes mais respectueux d'un ordre des choses spécifiquement poitevin. Tout cela faisait que, désireux de modifier le visage, à la vérité, ridé et crasseux de leur ville, ils repoussaient tout plan d'urbanisme qui n'était pas le leur. Ils invoquaient la prudence et le bon goût pour argumenter. Les états descriptifs et estimatifs passaient au crible de leur dialectique: budgets, plans et tracés, matériaux prévus ou employés subissaient leur critiques grandiloquentes et naïves à force de subtilité. Elles bourdonnaient ces critiques, aux oreilles des administrateurs ou prenaient place, en forme d'articles bien construits, dans les colonnes du "Courrier de la Vienne et des Deux-Sèvres". Mais elles gardaient toujours le ton de bonne compagnie. De Chergé - car c'est à lui qu'il faut revenir chaque fois que l'on touche au Poitiers de 1840 à 1870 - et ses amis avaient la dent dure, la parole aisée, la plume facile et volontiers élégante; enfin, le coup de chapeau correct. Ce qui était, aussi, dans l'ordre des choses poitevin.
(A suivre)
Alain R. DANY
Centre Presse, Première décade de Août 1965.
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