La «cinquième colonne» est un mythe politique récurrent dans l'imaginaire complotiste. L'expression désigne un traître embusqué à l'intérieur d'un pays ou d'une armée, prêt à se réveiller pour prendre à revers lors d'une attaque extérieure.
La «cinquième colonne» franquiste de la guerre d'Espagne
Tout vient de la guerre civile espagnole (1936-1939). En juillet 1936, les troupes nationalistes des généraux Franco et Mola convergent vers Madrid, réparties en quatre colonnes. Lors d'une allocution radiophonique, le général Emilio Mola fait alors allusion à une cinquième colonne qui se tiendrait prête à l'intérieur de Madrid au milieu des partisans du camp républicain. Cette astuce de propagande était censée permettre de semer panique, division et suspicion dans le camp des républicains espagnols. Ce qui n'empêchera pas le siège de Madrid d'échouer.
La «cinquième colonne» fasciste de la Débâcle
L'expression «cinquième colonne» utilisée et popularisée dans les journaux américains et britanniques, fait florès en France lors de la «drôle de guerre». La paranoïa est à son maximum. Les communistes et les pacifistes sont surveillés de près. La débâcle de 1940 sera attribuée à l'existence d'une «cinquième colonne» fasciste et pro-allemande. On se remémore alors les mots d'Hitler en 1932: «Partout, en plein pays ennemi, nous aurons des amis qui nous aideront et la paix sera signée avant même que les hostilités aient éclaté.». Une hypothèse étayée notamment dans le livre de Max Gallo La Cinquième colonne. Le terme est au même moment utilisé en Europe de l'Est pour désigner les Polonais ou les Tchécoslovaques qui auraient collaboré à la prise rapide de leurs pays par l'Allemagne nazie.
A la Libération, dans le souci d'éviter une guerre civile et de déculpabiliser le pays de la défaite de 40, le mythe de la Cinquième colonne réapparaît: il s'agit de montrer que la France a été victime d'un complot ourdi par Pétain. Les coups de feu de Notre-Dame, le 26 août 1944 alors que de Gaulle remonte les Champs-Elysées sont attribués à cette cinquième colonne qui agit dans l'ombre.
La «cinquième colonne» islamiste
L'expression sera employée également en France pour désigner le parti communiste lors de la guerre d'Algérie, accusé de soutenir les activistes du FLN contre les soldats français. Le dirigeant polonais Władysław Gomułka emploiera également l'expression «cinquième colonne sioniste» après la guerre de Six-jours en 1967 pour désigner les Juifs polonais et leur intimer de quitter la Pologne. On retrouve aussi l'expression «cinquième colonne de l'Iran» pour désigner les chiites irakiens lors de la guerre en Irak en 2003. A chaque fois, l'expression désigne une minorité à l'intérieur d'un pays qui prendrait partie pour un ennemi extérieur du pays en question.
Aujourd'hui, le mythe de la cinquième colonne resurgit pour désigner un réseau de sympathisants islamistes qui collaboreraient dans l'ombre contre la France. Christian Estrosi et Aymeric Chauprade ont employé l'expression récemment. Avant eux, Jacques Myard l'avait déjà usité en 2013 après l'assasinat d'un soldat britannique par un terroriste islamiste à Londres: «Les assassins islamistes sont une cinquième colonne présente dans toutes les banlieues d'Europe», avait-déclaré l'élu.
Les contempteurs d'une «cinquième colonne islamiste» s'appuient parfois sur la pratique musulmane de la «Taqiya». Dans l'islam, la taqiya désigne le fait pour un musulman de cacher sa foi en territoire hostile. Les adhérents au complot de la cinquième colonne pensent ainsi que certains musulmans cacheraient leurs sympathies islamistes en attendant le prétexte d'une guerre civile pour prendre parti.
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- Eugénie Bastié
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