DROGUE: POITIERS N'ECHAPPE PAS AU PROBLEME
En prenant du L.S.D. un jeune Poitevin a vu voler des papillons en discutant avec Rimbaud, Baudelaire et Catherine Deneuve...
La drogue à Poitiers! Point d'exclamation, point d'interrogation, où si nous avions choisi la facilité, point de suspension et dans ce cas nous n'avions plus rien à dire. Pourtant, nous étions désireux de savoir, ne serait ce que pour mettre un point final à certaines rumeurs qui font leur petit bout de chemin, et qui parfois prennent une ampleur considérable bien qu'injustifiée. Aborder la question de front en se renseignant auprès des services officiels? Nous l'avons fait et les réponses furent des plus laconiques. Alors nous avons choisi le chemin clandestin pour effectuer notre enquête. La drogue, nous l'avons rencontrée, nous l'avons trouvée.A partir de là, nous avons cherché un jeune Poitevin qui accepte de nous livrer ses impressions. Il était typique dans la mesure où il n'était pas un drogué occasionnel, et quil n'était pas un toxicomane converti. Il était à la charnière es deux pôles, et nous vous livrons son témoignage, tel que nous l'avons recueilli.
"Avec du L S D, j'ai vu voler des papillons, et j'ai discuté avec Rimbaud, Baudelaire et Catherine Deneuve."
François X... est étudiant à Poitiers. Il a 19 ans, et il nous raconte comment il a rencontré la drogue alors qu'il n'avait que quinze ans.
"Vous savez je ne suis pas un cas, il y a beaucoup de jeunes comme moi, et la drogue représente une expérience. La première fois que j'ai fumé du haschisch j'étais avec un groupe. Ce qui m'a attiré c'est tout le cérémonial nécessaire à la préparation de la cigarette, la façon de fumer, de se la passer, avec les mains refermées sur elle. Il faut tout un contexte, certaines circonstances, ça ne se fume pas n'importe. La première fois, j'étais déçu, c'était complètement différent de ce que je pouvais attendre. Ca n'avait pas la même dimension.
Seule une mise en condition, la préparation à quelque chose de captivant. La seconde fois, j'ai ressenti un bienêtre puis j'ai continué. Mais je suis capable de m'en passer. Ensuite, il y a eu le L S D, ça c'est super, ça prête à rire, on se révèle à soi même, on voit tout d'une autre façon. On voit des choses absurdes, mais en même temps, il y a une sorte d'harmonie, c'est le fantastique. C'est à la fois une forme de voyage, d'évasion, de rêve, d'aventure. C'est jamais la même chose. Quand je prends du L S D, c'est que je me sens bien. Je pénètre dans un paradis artificiel, les valeurs sont abolies, il n'y a plus d'éducation, et la personnalité se révèle à elle-même. Je deviens un peu mégalomane. Moi je compte, les autres, peu importe.
Avec le L S D, une fois j'étais dans une chambre tapissée avec un panier plein de papillons. Tout à coup les papillons se sont mis à voler, j'ai discuté avec Rimbaud, Baudelaire et Catherine Deneuve.
Dans ces moments là, c'est une démarche personnelle vers la pureté, l'absolu et les souvenirs sont extra. Chacun le ressent à sa manière, moi je vous donne des impressions. Je sais aussi que je ne me suis jamais piqué, et que je ne le ferai pas parce que j'ai peur des piqûres. Puis le L S D je peux aussi m'en passer. Vous voulez savoir ce qui se passe sur le plan physique, au moment où on se drogue: avec le L S D on a des distorsions, des tremblements, des troubles de la vue, mais ça aussi ça dépend des gens."
François a commencé à 15 ans, et nous lui demandons ce qu'il pense d'un garçon qui se drogue à partir de 12 ans. " C'est dommage, parce qu'il n'est pas conscient de ce qu'il fait, c'est pour la frime, et là je n'approuve pas." François dénonce aussi la commercialisation de la drogue: "Je n'en vendrai jamais, je ne pourrai pas. D'ailleurs l'évasion ça ne se vend pas, ça se vit".
Le dialogue commence à devenir difficile. En réalité, il n'y a qu'un monologue, nous avons écouté simplement, et il fallait bien y arriver et demander pourquoi François consommait de la drogue. Alors les raisons invoquées ont été sujettes à certaines contradictions: il y a eu la famille, puis le système éducatif, puis enfin la société avec "ses inégalités, ses structures, ses doctrines, ses" etc..." Je crois que maintenant je vais arrêter, car en quatre ans, et grâce à la drogue, j'ai évolué et je me suis trouvé et je pense être capable de résoudre les problèmes. mais jamais je ne fermerai ma gu...quand je trouverai quelque chose d'injuste". Voilà quels ont été les derniers mots de François que nous avions quitté comme nous l'avions rencontré, simplement, sans juger sans condamner, en essayent de faire une démarche pour comprendre.
Centre Presse, Mi-Avril 1978.