Samedi 21 Juin 2014, 19H50.
Depuis que je fais la Fête de la Musique à Poitiers (soit depuis 2003), c'est bien la première fois que je vois cela. La Place du Marché, celle où j'habite depuis près de 10 ans vide pour la Fête de la Musique, qui plus est sous le soleil, dans un climat doux, et ce 21 Juin qui tombe un samedi: mais comment diable est-ce possible?
Alors oui, je l'avoue pour la première fois, je n'ai pas cédé aux sirènes hurlantes de la Fête de la Musique. J'ai profité du calme des bords du Clain. Peu convaincu par un bref tour en ville samedi sur les coups de 19h. En effet, il me semble que par rapport aux années précédentes, on vit une sorte de "course aux armements sonores", à savoir en gros qui parviendra avec sa sono à faire le plus de bruit. Où sont passés ses artistes, dignes héritiers de "l'esprit de 1982", c'est-à-dire ces gens, en solo ou en groupe, qui allaient en bas de chez eux pour jouer?
L'idée de faire une programmation est pratique pour les gens qui viennent en ville exprès pour l'occasion (et il y en a eu comme chaque année, ce qui va à l'encontre de celles et ceux qui prétendent que le centre-ville est inaccessible, tel que l'indiquait Philippe Bonnet dans Centre Presse hier), mais l'idée de base de Jack Lang était de laisser libre cours à l'improvisation. Bref que chacun s'exprime.
En flânant dans les rues de Poitiers le samedi après-midi, je remarquais avec une certaine tristesse deux choses: de plus en plus de sono et de DJ squattant la voie publique (ou comment fêter le musique sans le moindre instrument, écrasant en décibel le musicien qui voulait simplement jouer de la guitare, de la trompette, ou pourquoi pas, du triangle) d'une part, et d'autre part, le fait qu'il y ait une sorte de centralisation des évènements sur quelques points de passage, alors qu'auparavant, ce que j'appréciai, c'était le joyeux bordel permanent que l'on trouvait un peu partout dans le centre.
Je n'accuse personne d'être responsable, mais j'ai comme l'impression que quelque chose se perd. Par ailleurs, j'ajoute que ce n'est que ma vision d'habitant du centre-ville, et que je ne sais rien de ce qu'il s'est passé dans les différents quartiers de Poitiers, dont je ne doute point des animations diverses qui ont pu s'y dérouler.
PS: sur le chemin du retour le soir, il y avait pas mal de débris de verre en ville. Ca ne serait pas mieux si l'on autorisait le retour des débits de boisson (les fameux hexagones vendant des bières). Des gobelets en plastiques par terre, ça serait quand même moins dangereux que des bouteilles pétées, non?
Complément:
La lettre de Jacky Scharff, président de l'association Embraz'
"Monsieur le Maire,
Notre groupe Batucabraz participe depuis une douzaine d'années à la vie festive de Poitiers – nous avons eu le plaisir de vous voir parmi notre public- et samedi 21 nous avons à nouveau ajouté notre présence à celle de tous ceux qui voulaient fêter la Musique.
Si depuis deux ou trois ans nous vivions mal la concurrence disproportionnée de grosses scènes « sursonorisées », nous avons subi samedi dernier un matraquage sonore démesuré. Entendons nous bien ! Ce n'est pas seulement notre groupe qui en a souffert ! Les percussions brésiliennes n'ont pas besoin de sonorisation et le volume sonore généré oblige le public à prendre un minimum de distance. Mais les très nombreuses réactions recueillies ont permis de mesurer l'agacement de personnes de toutes générations qui ne supportaient plus la débauche de décibels faisant fuir de nombreux consommateurs des terrasses de la place du Marché où nous souhaitions nous produire. Il nous a fallu négocier une pause du DJ impérialiste -qui ne rassemblait pourtant qu'une poignée de « fans »- afin d'obtenir un moment pour nous faire entendre et nous avons dû ensuite émigrer pour trouver un emplacement où un très large public a su nous faire comprendre le plaisir de partager les rythmes brésiliens, ce public amateur de musiques faites par des musiciens, avec des instruments traditionnels. Mais que dire du jeune guitariste solitaire ou de petits groupes vocaux contraints de dénicher une entrée de magasin pour échapper aux agressions des puissantes sonorisations ?
Me permettrez-vous, Monsieur le Maire, une petite suggestion pour les prochaines fêtes de la Musique ? Et si Poitiers décidait, pour renouer avec le principe initié par Jack Lang, l'inventeur inspiré de la Fête de la Musique, de laisser TOUS les musiciens et chanteurs de se produire librement et de manière totalement autonome dans les rues et sur les places, sans proposer des scènes sonorisées ? Et comme tout le monde a le droit de s'exprimer, pourquoi ne pas prévoir un lieu unique où les Djs amateurs de puissantes sonos pourraient se produire sans craindre la concurrence des bruits de la ville, et se succéder au lieu de monopoliser le temps et l'espace de manière insupportable comme ce fut le cas samedi dernier place du Marché ?
Une rapide enquête auprès des Poitevins amateurs de musiques sortis ce soir là vous permettrait sans doute de constater que nous n'avons pas été les seules « victimes » des grosses scènes. Nous ne souhaitons pas marquer notre opposition au type de musique diffusée mais au manque de partage du temps. Si nos percussions développent aussi un volume sonore considérable,nous avons toujours eu à cœur de ne pas parasiter les autres participants en marquant de nombreuses pauses et de ne pas monopoliser le même lieu toute la soirée.
Osant espérer que vous voudrez bien porter un peu d'attention à notre proposition, je vous prie de croire, Monsieur le Maire, à l'assurance de mon plus grand respect,
Jacky Scharff, président de Embraz' et vous et du groupe Batucabraz
Réponse de la mairie:
"Le maire partage l'avis de M. Scharff. Nous allons travailler l'ensemble des acteurs : groupes, musiciens, cafetiers... pour que la fête de la musique 2015 soit une réussite".
Centrepresse.fr, 24 Juin 2014.