Lycéens et étudiants:
une manif mi-figue mi raisin
Hier à Poitiers, les lycéens se sont ralliés au cortège étudiant pour une autre journée de maniferstation contre le CPE et la suppression de postes au CAPES. Le mouvement s'est essoufflé au fur et à mesure de la journée.
Toute la matinée, des délégations de lycéens ont fait le tour des établissements du centre-ville, en commençant par Victor-Hugo, avant d'entamer un sit-in porte de Paris, vers 11h30. Selon la police, on dénombrait environ un millier de manifestants. Même chiffre pour le départ de la manifestation à 14h, depuis la place de l'hôtel de ville. le cortège a progressé dans l'hypercentre, faisant escale dans les lieux "stratégiques puisqu'économiques" note l'un des chefs de file du mouvement. Les étudiants ont investi le hall de la Trésorerie générale pendant un quart d'heure, sans faire de vague. Leur itinéraire les a emmené ensuite à la faculté de médecine puis à celle de droit. "On veut arriver à mobiliser les étudiants en droit et médecine, au moins pour défiler avec nous pendant deux ou trois heures", lance Elsa, une étudiante en sciences humaines.
Les manifestants ont investi la plce de la Préfecture pendant une petite demi-heure. Au moment de rebouger, ils étaient moitié moins à se lever "pour y retourner!"
Sorti de ça, direction porte de Paris. Même slogans et même soleil mais l'ambiance dégringole. "Je sais que ce n'est pas inutile ce qu'on fait là. Mais c'est loin d'être la meilleure journée", contate Hugo.
La manifestation s'est dispersée porte de Paris. Les lycéens étaient largement plus représentés que les étudiants. Ils ont improvisé des barrages payants aux différents feux de signalisation. La cagnotte qui circulait à ce moment-là, et dans les rangs tout l'après-midi, servira à fincancer le déplacement d'une délégation à Paris, lors de la prochaine journée nationale de grève du 16 mars.
Horaire de débauchage et sortie des classes obligent, les automobilistes arrivaient en nombre vers 16h30. Pour autant, ils ont affiché une relative patience. L'épreuve, elle, a eu raison du mouvement. Aux alentours de 17h, la centaine de manifestants qui restait s'est dispersée. Une assemblée générale est prévue aujourd'hui à 10 heures au parc des expositions.
Catherine MELLIER
La Nouvelle République, Vendredi 10 Mars 2006
SOCIAL
UNIVERSITE - Une grande partie des lycées de Poitiers était en grève hier matin. Les élèves ont, pour une grande part, rejoint le cortège étudiant qui démarrait à 14h place Leclerc.
7h30 - 17h: c'est la journée de grève d'un lycéen. Hier matin, le lycée Victor-Hugo de Poitiers a décidé d'aller chercher ses petits camarades. "Louis-Armand", "Auguste-Perret", "Aliénor d'Aquitaine" ont un à un débrayé. Au total 800 à 900 lycéens ont fait grève hier. Dès 14h, leurs aînés les rejoignaient Place Leclerc pour la manif' du jour. 1500 personnes en début d'après-midi. Occupation surprise de la Trésorie générale puis des facultés de médecine et de droit, sit-in devant la préfectire: que du classique.
Seule réelle innovation de la journée, une poignée d'étudiants - ils n'étaient plus que deux centaines en fin de journée - ont dressé, Porte de Paris, un barage filtrant...et payant. Les automobilistes poitevins ne se sont pas fait tirer l'oreille pour verser leur obole. Un moyen efficace de s'offrir le voyage pour manifester le 16 mars à Paris.
LETTRES - Mercredi, le blocus a été reconduit à la majorité des quelques 2200 votants
C'est ça une fac bloquée
Hier matin à la fac de lettres et langues. Entrée verouillée. L'intérieur est pourtant habité. Voici à quoi ça ressemble une fac en sommeil.
EXCEPTIONNEL! Pour trouver une place sur le parking de la fac de lettres et langues, il ne faut pas endaire trois fois le tour. Sur la porte de l'entrée principale, les résultats de la veille sont affichés. Une assez nette majorité - plus de 1200 contre et un peu plus de 800 - s'est prononcée pour la reconduction du blocus. On se heurte donc à une porte fermée. Une tentative de contournement par la droite s'avère judicieuse. La caféteria fait le plein, et dans la foulée, on peut accéder au couloir...qui se révèle un cul-de-sac.
Au bout de ce couloir veillent trois cerbères. Ni méchants ni impressionnants physiquement. En cette fin de matinée, ce sont deux jeunes filles et un garçon qui interdisent l'accès aux salles de cours. Certes, la table à laquelle ils sont installés fait barrage, mais l'obstacle n'a rien d'incontournable pour qui voudrait faire le forcing.
Patte blanche
"On n'a pas eu à se gendarmer depuis ce matin", explique le trio. Sarah, Kevin et Marina la jouent cool sans oublier tout de même qu'ils sont là parce qu'ils croient aux vertus du blocus. Sans excès de zèle dans le discours, ils ont tôt fait de convaincre l'indécis. Les réductions de postes aux concours d'enseignement, le CPE, le CNE et la loi Fillon valent bien une neutralisation des cours.
On n'est prié de montrer patte blanche pour aller plus loin. Autrement dit de sortir la carte d'étudiant sur laquelle figure la nature des études. Car le mot d'ordre général souffre quelques exceptions. Les étudiants qui vont passer le CAPES la semaine prochaine - paradoxe car ce sont eux les plus concernés, mais nécessité fait loi - , ceux qui sont inscrits en "agreg", le "FLE" (Français et langues étrangères), les "Erasmus" qui ont une réunion...ça fait quand même beaucoup de dérogations!
A Paris en vélo!
Pendant ce temps, une séance de CPE-CNE appliquée se tient dans l'amphi 1 et l'AG de l'intersyndicale (tous personnels et étudiants) va commencer. Des estaffettes font la navette pour relayer les dernières nouvelles. Survient Angèle, inscrite en 4e anée de STAPS (fac de sport) et qui vient de passer le concours. Après deux mois d'action revendicative, elle en a assez mais elle tient. "Ce serait anormal de laisser tomber vis-à-vis des autres facs", explique la messagère. Elle annonce que pour la manif nationale, jeudi prochain à Paris, les inscriptions pour le bus vont bon train, précisant qu'une quinzaine d'étudiants du STAPS vont rallier Paris à vélo, s'intégrant à un peloton parti de Bordeaux et prenant au passage les Orléanais. Départ dimanche de Poitiers pour être au départ de la manif. Quatre jours dont un de repos à Orléans où ils se joindront à la manif mardi prochain.
Enjeu de taille
Pendant ce temps, Aurélie ne sait plus très bien où elle en est. Adepte du blocus partiel à raison d'une journée par semaine pour manifester, cette fille d'entrepreneur "entend les arguments parfois convaincants, des camarades". Elle se demande si le blocus n'est pas "un moyen de prendre un rab de vacances", ajoutant: "Moi, je suis ici mais je suis plutôt l'exception". Une amie à elle, "passionnée par ses études", se sent très pénalisée. Aurélie, elle, s'interroge. Elle se dit qu'après tout, "trois semaines de grève, ce n'est peut-être pas trop payer face à un tel enjeu."
René Paillat
Centre Presse, Vendredi 10 Mars 2006.