UNIVERSITE
POITIERS
Après cinq semaines de grève contre le CPE, le président de l'université de Poitiers le bilan
"Un geste est nécessaire"
JEAN-PIERRE GESSON est un peu énervé.Dans les mains, il tient un article de notre confrère Libération. Son titre: "Universités, usines à précarité". Le président de l'université constate que "Poitiers est très médiatisée", mais cette médiatisation "conduit à des exagérations".
Face à ce constat, Jean-Pierre Gesson a tenu à faire le point. Avec lui, les doyens des facultés de Sciences Humaines, de Sciences, de Lettres et langues, de Sciences économiques, de Droit, de STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) et le directeur de l'IUT de Poitiers.
Ne pas brader les diplômes
"On tombe dans la caricature" s'insurge Jean-Pierre Gesson, "l'université n'est pas responsable de la tenue de l'emploi en France". Et d'ajouter: "Nous avons des formations généralistes qui préparent à des emplois. Chaque année, l'université de Poitiers envoie 6000 étudiants en stages dans les entreprises!"
La colère passée, le président de l'université a souhaité faire le point sur le mouvement de grève à Poitiers et répondre à l'inquiétude de certains étudiants pour les cours et les examens. "L'université de Poitiers ne va pas brader ses diplômes. Et que ceux qui disent que nous traiterons nos étudiants différement ont tort."
Assurer les heures
Le premier objectif des responsables des facultés est d'assurer toutes les heures. Partant de l'hypothèse que le mouvement de grève s'arrête dans quelques jours, ils affirmentque le programme peut-être bouclé. Mais pour rattraper le retard, les étudiants devront faire des concessions: rogner une semaine de vacances à Pâques, décaler des sessions, travailler ou passer des examens le samedi et le dimanche....
Vers plus de sérénité
"Ils vont avoir une année plus longue"- confirme Jean-Pierre Gesson, "mais la situation est différente d'une UFR (Unité de formation et de recherche) à l'autre, d'un diplôme à l'autre" (lire ci-dessous). Plutôt proche des préoccupations des étudiants, mais défavorable au blocus, le président de l'université veut tout faire pour que les étudiants passent, malgré tout, leurs examens dans de bonnes conditions. Il pense aussi aux "problèmes de jobs d'été" et aux "problèmes de locations de studio". Bref, pas question de donner des cours en pleine été. Question de logistique.
En revanche, si le mouvement se poursuit trop longtemps, la situation deviendra très problématique. Pour Jean-Pierre Gesson, "un geste est nécessaire (ndlr: du gouvernement) pour que la sérénité revienne et pour que la fin de l'année se déroule correctement".
Bruno Delion
EXAMEN- Les facultés de Poitiers s'adaptent et changent le calendrier des cours
Des cours le samedi et peut-être le dimanche
Faculté des Sciences Humaines: Pour Jean-Michel Passerault, le doyen, le "message est clair: toutes les heures seront assurées mais ça va être assez compliqué". Des cours seront certainement décalés. J-M Passerault promet "d'accompagner les étudiants pour que les diplômes de 2006 soient les mêmes que 2005".
Faculté des Sciences: "Toutes les heures prévues seront effectuées" affrime Gilles Raby, le doyen. Selon lui, si les cours reprennent la semaine prochaine, "c'est jouable". Durant cette conférence de presse, il a affirmé que "le Futuroscope est un îlot de traquillité". Dans l'après-midi, les grévistes étaient sur le site pour rendre visite aux étudiants en sciences physique, mathématique, mécanique et informatique (SP2MI).
Lettres et langues: Jean-Louis Duchet, le doyen, a fait des calculs. "Il nous faut 19 demi-journées pour les examens. Avec 14 demi-journées, ça passe". La deuxième session est prévue début juillet pour ne "pas trop mordre sur les vacances d'été". En revanche, Jean-Louis Duchet estime "envisageable de passer les examens le samedi ou le dimanche".
Sciences économiques: Christian Aubin, le doyen, s'est fixé deux objectifs: "assurer l'intégralité des programmes et essayer de terminer la première session d'examen au 31 mai". En sciences-éco, il reste cinq semaines d'enseignements. Si le mouvement prend fin mardi, les vacances de Pâques seront amputées d'une semaine. Si le mouvement se poursuit...
Droit: "Nous ne toucherons pas aux vacances d'avril, ni à juillet et août" a affirmé le doyen Eric Gojosso. Les mois de mai et juin seront dédiés au rattrapage des cours et à l'organistation des examens.
STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives): Pour François Le Minor, le doyen des STAPS, "le choix a été fait de déplacer les trois ou quatre séances d'activités physiques sur le mois de mai", soit après les examens qui sont maintenus, ainsi que la 2e session de juin".
IUT: les étudiants sont entrés en grève ce lundi. Alain Texier, le directeur de l'institut prévient: "Avec 37h par semaine, les étudiants ont des semaines denses. Ils ne pourront pas être en grève trop longtemps, car il y aura trop de décalage".
SOCIAL
VIENNE
Forum social
Collectif pour le retrait du CPE
REUNI lundi soir à la Maison du peuple à Poitiers, le Collectif 86 pour le retrait du CPE s'est félicité du développement de,la mobilisation les 16 et 18 mars, de la détermination du mouvement étudiant et lycéen et de l'entrée dans l'action des étudiants de l'IUT et de nombreux établissements secondaires.
Il dénonce "les occasions manquées par l'intersyndicale interprofessionnelle nationale. Le 23 mars aurait dû constituer la prochaine échéance commune aux salériés et à la jeunesse", tout en prenant acte des deux grands rendez-vous fixés pour les jours à venir, notamment les 23 et 28 mars. Il appelle l'ensemble des organisations départementales et l'ensemble de la population à en faire des outils pour le développement de la mobilisation.
Le mardi 28 mars, le collectif appelle l'ensemble des structures syndicales à développer des grèves et des arrêts de travail dans tous les secteurs professionnels "pour assurer un "Tous ensemble", privé-public, salariés-étudiants-lycéens-chômeurs-précaires, qui permette au mouvement de franchir une nouvelle étape".
Centre Presse, Mercredi 22 Mars 2006.
MANIFESTATIONS ANTI-CPE
Les étudiants lancent ce matin
une opération "blocus" de Poitiers
Les étudiants anti-CPE ont décidé de bloquer dès ce matin sept des entrées de la ville de Poitiers. A moins d'une semaine de la nouvelle journée nationale d'action à laquelle appellent pour mardi prochain toutes les centrales syndicales, le ton monte sur le campus.
En décidant de bloquer dès 7 heures ce matin sept des principales entrées de Poitiers, la coordination étudiante anti-CPE a choisi, à moins d'une semaine de la journée nationale d'action de mardi prochain, de montrer une nouvelle facette de sa détermination. Cette nouvelle action, qui illustre un durcissement de ton, attribué dans les rangs à la surdité du Premier ministre, a été annoncée hier à la mi-journée à l'occasion d'une nouvelle assemblée générale qui a réuni près de 3.000 étudiants dans les deux tribunes du stade Rebeilleau.
"Nous avons décidé de changer de mode d'action. Nous allons opter pour des actions plus radicales mais toujours pacifiques? nous avons décidé de bloquer le centre économique de Poitiers. Seuls pourront passer les ambulances et les véhicules de pompiers. Le blocus ne durera pas toute la journée mais seulement le temps d'empêcher les gens d'aller travailler", a détaillé Stéphane Nicolas, l'un des étudiants en charge des actions au sein de la coordination.
"Les étudiants en ont marre d'être en blocus et de ne rien obtenir"
"Les étudiants en ont marre d'être en blocus et de ne rien obtenir. Nous avons décidé de montrer que nous n'étions plus de gentils étudiants. Nous sommes des étudiants motivés et notre but est de gagner, quelle que soit la manière", a poursuivi l'étudiant en histoire.
Toujours aussi suivie l'assemblée générale, qui a laissé, selon une règle toujours strictement observée, les antiblocages développer leur point de vue, a très largement reconduit le blocus: 1.395 voix pour le blocus total, 269 pour le blocus partiel; 545 contre tout blocus et 31 abstentions sur un total de 2.240 votants.
A l'issue de l'annonce des résultats proclamés sur le parvis de l'amphi J, une centaine d'étudiants a rejoint le site universitaire du Futuroscope pour tenter de rallier les étudiants de SP2MI (sciences, physique, mathématiques, mécanique et informatique), le seul établissement universitaire de Poitiers pas encore touché par le mouvement. Après avoir investi pacifiquement l'établissement sous les yeux de quelques gendarmes, puis pénétré dans les salles de cours, les étudiants ont improvisé une réunion d'information dans le hall. "On est venu pour vous expliquer pourquoi on se mobilise et pourquoi il faut que, vous aussi, vous vous mobilisiez, enchaîne Jules Aimé, de la coordination étudiante.
Le spectre du blocus est au couer de toutes les interventions. "Le blocus va réduire mes chances d'avoir mon concours", s'émeut un élève. Egalement membre de la coordination Tanguy le Bolloc'h tente de mobiliser: "Le blocus est un mal nécessaire. plus vite on sera dans la rue, plus vite on obtiendra ce que l'on veut et plus vite on pourra retourner en cours." Les étudiants venus du campus sont repartis vers 17h sans avoir réellement convaincu ni entraîné leurs camarades du SP2MI.
Jean-Jacques ALLEVI
La Nouvelle République, Mercredi 22 Mars 2006.
Sur le blog de Jules, la journée du Mardi 21 Mars 2006.