Patrick Roy, le Samedi 19 Octobre 2002, page 23 de l'Hebdo des Socialos, n°249, 26 Octobre 2002.
Je crois sincèrement que ce qui s'est passé le 21 avril n'est pas un accident comme j'ai parfois pu le lire.
Une lecture sommaire de l'histoire pourrait inviter à l'occultation de la mémoire. Depuis 25 ans, en effet, nous assistons presque mécaniquement à une alternance politique régulière, on pourrait donc se dire: "laissons la droite échouer et nous reviendrons".
L'autre lecture est de constater qu'à côté de cette alternance régulière, ces 25 dernières années ont surtout été marquées par la montée de deux phénomènes: l'abstention de masse et le vote extrême. Notre pays aujourd'hui ne se reconnait plus majoritairement dans sa classe politique. Si les démocrates, et ceux de gauche en premier lieu, n'ouvrent pas les yeux, la prochaine alternance ne sera peut-être pas celle que espérons.
Comment en sommes-nous arrivés là? D'abord, parce que nous avons tous une amnésie électorale. Au lendemain de chaque scrutin depuis 25 ans, au vu de l'abstention et du vote extrême toujours plus haut, il y a mobilisation verbale et au surlendemain, cette prise de conscience s'évapore.
Le lien entre la classe politique et la Nation se brise chaque année un peu plus, le lien entre les dirigeants du Parti, malgré leur qualité qui est grande, et nos militants se brise lui aussi un peu plus. Bien sûr, il n'est pas simple d'écouter et d'entendre des propos militants parfois contradictoires. Bien sûr, les dirigeants du Parti sont des camarades performants, soucieux de bien faire. Mais je pense que ce savoir-faire et ce "pouvoir-faire" ne peuvent pas remplacer le bon sens des camarades, le bon sens de ceux qui connaissent les problématiques de la vie quotidienne, parce qu'ils la vivent eux-mêmes chaque jour. Un seul exemple: le refsu primitif de ne pas accorder la retraite à celles et ceux qui avaient cotisé 40 années avant l'âge légal de la retraite, qui nous a, je pense, très certainement coûté la victoire. Une écoute des militants à l'époque nous aurait permis de faire le bon choix.
Que nous fassions une gauche plurielle, une gauche unie, une gauche rassemblée, nos alliés resteront les mêmes, on fera d'abord un ensemble de gauche. Mais la faiblesse aujourd'hui de nos alliés traditionnels ne permet plus aujourd'hui de réunir une majorité de gouvernement. Mais cette majorité de gauche, elle existe dans le pays. Elle est, je le pense, forte dans le parti de l'abstention et dans nos électeurs égarés vers les extrêmes qui attendent de nous des signes forts pour nous rejoindre.