Coluche retire sa candidature
Les abstentionnistes chroniques s'abstiendront. La fusée Coluche a fait "plaf". Comme Ariane elle a eu, au mauvais moment, une défaillance inexpliquée; Michel Colucci jette l'éponge et retire sa candidature aux présidentielles. Un communiqué de l'Agence France Presse l'a annoncé séchement hier soir sans commentaires. Coluche doit l'expliquer dans le nouveau quotidien àparaître aujourd'hui, "Charlie Matin", l'enfant naturel de "Charlie Hebdo".
En substance, Coluche ne parviendrait pas à réunir les 500 signatures qui doivent l'être avant le 7 avril prochain et jugerait préjudiciable la censure dont il est l'objet à la radio-télévision. A-t-il craint d'être empeché par le conseil constitutionnel?
Ce retrait du plus gros des petits candidats un dernier bras d'honneur politique. Celui qui se faisait appeler le "candidat nul" était parti dans les premiers sondages avec 10 à 12% des voix. Un journal s'était même énervé et l'avait porté jusqu'au hit avec 16%.
Le dernier sondage où il était apparu (Le Quotidien - Indice opinion) ne lui créditait plus que 7,5% des suffrages. La campagne électorale sera austère. Son départ la place du ridicule aux candidats "patibulaires mais presque" selon sa formule. Elle se présente néanmoins comme une victoire des quatre grands partis et du conformisme politique, certains diront la sagesse. Il n'embarasse plus les candidats de la majorité qui auraient craint d'avoir à parler avant lui à la télévision.
Il ne gêne plus ceux de gauche auxquels il pompait le plus de voix. Selon le dernier sondage ses électeurs auraient en effet reporté au second tour leurs voix à raison de 13% sur Giscard et de 46% sur Mitterrand. Dans un de ses bons mots de mauvais goût de "libe" il disait: 40% des électeurs pensent que ma candidature est utile, 40% qu'elle est nuisible. A-t-on posé la question à propos des autres. Non! Quel honneur."
Il faut ajouter toutefois que 41% de ses électeurs se seraient abstenus au second tour. Car le presque candidat Coluche aura été l'expression du ras-le-bol politique profitant d'une certaine démobilisation pour mobiliser les désespérés, les crasseux, les chômeurs les pédés, les clodos et les ivrognes. Le "hash" et le beaujolpif" en somme. Ceux-là n'essuieront qu'une larme de whisky et n'auront plus qu'à s'abstenir ou reporter en imagination leurs voix sur Aguigui Mouna ou s'éparpiller sur ceux des petits candidats qui se présenteront. Son départ soulagera certainement les écologistes et l'extrême gauche. Ser-t-il la chance de sa vie de Michel Jobert?
Le candidat "au dessous de la ceinture" comme on l'a appelé, avait rassemblé le soutien de personnages aussi divers que G. Nicoud ou les philosophes G. Deleuze ou F. Guattari. Le "Papy Mougeot" de la politique avait cependant fait preuve avec une remarquable constance d'une insolance grossière. On le qualifiait de scato-poujadiste ou de merdico-socratique selon les commentateurs. Un groupuscule "Honneur de la Police" l'avait menacé. Devant les élèves de Polytechnique où, en janvier dernier, il avait fait un tabac, il avait déclaré dans une causerie sur le thème "Comment faire une connerie et que ça marche": "Surtout, répandez le bruit que tout le monde ne doit pas voter pour moi".
A-t-il réussi en mettant les pieds dans le plat de la politique, un ultime et génial coup de pub gratuit? Peut-être se sentait-il trop à l'étroit au Théâtre de Gymnase où il se produit pour ses cinquante dernières. Avec son imprésario, Paul Lederman, qui fut aussi l'imprésario de Claude François, il avait donc choisi pour son adieu à la scène, la scène politique. Sans doute n'a-t-il pas encore dit son dernier mot. Mais quel mot?
O. NOYER
La Nouvelle République, Lundi 16 Mars 1981.
Antenne 2, 10 Mars 1980
Coluche commence à évoquer sa candidature
(plateau Patrick Lecoq)