POITIERS
Deux mille jeunes dans la rue contre le CPE et la baisse du nombre de postes au Capes
Défilé contre la précarité
Après les étudiants, les lycéens poitevins sont entrés dans le mouvement de protestation contre le contrat premier embauche. C'est l'inquiétude quant à leur avenir et la précarité qui les menace qui a fait descendre dans les rues de Poitiers près de 2000 jeunes hier après-midi.
Hier la journée a commencé fort au lycée du Bois d'Amour à Poitiers. Dès 7h20 comme ils l'avaient décidé la veille, de nombreux lycéens ont décidé de faire le blocus de leur établissement. "On n'a laissé passer les profs et les agents, et certains élèves, qui sont passés par la force ou la ruse..." explique Samia en terminale ACC.
Après un peu d'échauffement, les élèves grévistes ont donc décidé de se diriger vers le centre-ville pour tenter de convaincre leurs camarades du lycée Victor-Hugo de les rejoindre. En ce jour de carnaval, Yves Debien, le proviseur de Victor-Hugo n'avait pas revêtu sa tenue de Javert habituelle pour garder la porte et repousser d'éventuels envahisseurs.
Dans l'après-midi, des lycéens du lycée pilote innovant de Jaunay-Clan et du Bois d'Amour étaient rejoints Place Leclerc par les étudiants. Les aînés avaient en effet revoté le blocus à un millier de voix pour et 400 contre, dans les tribunes du stade Rébeilleau. La manifestation est passée devant la permanence de l'UMP, conspuée comme à l'habitude, la préfecture, le commissariat...Quelques lanceurs d'oeufs et autres fauteurs de troubles carnavalesques ont été maîtrisés par un service d'ordre étudiant et des policiers très présents. Mais l'atmosphère ne s'est pas détendue pour autant en fin d'après-midi.
En fin de journée, les porte-parole étudiants ont passé plusieurs heures avec l'équipe de la présidence de l'université et les doyens de faculté pour tenter d'officialiser le blocus du campus. Dans une ambiance difficile, le président a défendu le droit pour les 24000 étudiants poitevins à étudier, face à certains, plus radicalisés. Le débat parmi les étudiants a porté sur une alternative au blocus qui serait le balisage officiel d'une journée de protestation et d'information. Journée anti-gouvernementale que le président Gesson n'était pas prêt hier soir à offrir aux grévistes.
Centre Presse, Mercredi 1er Mars 2006.
Les lycéens viennent à la rescousse des étudiants
La manifestation d'hier après-midi à Poitiers a été sauvée par la présence de nombreux lycéens. La présidence de l'université et les étudiants grévistes sont tombés d'accord pour organiser jeudi une consultation générale sur la question du blocus.
Toute la journée de jeudi, les 25.000 étudiants de l'université de Poitiers seront invités à se prononcer sur la question du blocus des unités de formations et de recherches (UFR). La coordination des étudiants mobilisés contre les contrats CNE et CPE et le président de l'université Jean-Pierre Gesson sont tombés d'accord hier soir sur l'organisation de cette consultation.
Poursuivre ou lever le blocus? La question de la légitimité du blocage des UFR est, depuis le début du mouvement étudiant au coeur de toutes les assemblées générales tenues au stade Rébeilleau (lire nos éditions). Lundi, de retour de vacances, quelque 2.500 étudiants réunis au stade avaient massivement approuvé la reprise du blocus. Hier midi, à l'occasion d'une nouvelle AG, les pro-blocus l'ont encore emporté (1.016 voix pour, 472 contre et 50 abstentions). Mais en l'espace de 24 heures, les travées de Rébeilleau ont perdu près d'un millier de participants. Confirmant la tendance, des chapelets d'étudiants se sont évaporés après l'AG alors qu'ils étaient invités à défiler au centre-ville.
Du coup la manif n'a pas été à la hauteur des ambitions de la coordination. Et les organisateurs n'ont pu que constater l'éparpillement dans la nature des troupes attendues. Fort de 1.500 personnes, le cortège était essentiellement composé de lycéens: Aliénor d'Aquitaine, Camille-Guérin, Victor Hugo, le Bois d'Amour...Venue du Lycée Pilote Innoncant de Jaunay-Clan, avec ses camarades de seconde, Camille, 16 ans, explique sa présence: "J'ai peur pour mon avenir. Avec le CPE, on peut $être jetés à la rue du jour au lendemain."
Le visage grimé au noir de fumée, les étudiants présents dans la rue ne cachant pas leur déception. Julie Demarbre, deuxième année de psycho, acuse la pluie et le mauvais temps. Plus réaliste, Valention Dalançon, 20 ans, se désole: "Les étudiants lâchent l'affaire en douce. Ils sont venus à l'AG et sont repartis après." Sur tous les fronts depuis le début du mouvement, Marjorie Nadaud, 19 ans, deuxième année d'arts du spectacle confie être fatiguée "physiquement et moralement". Entre lassitude et colère, la jeune fille affiche une profonde amertume. "Ca me fait peur de voir que les étudiants ne sont pas motivés pour défendre leur avenir. Où sont les 25.000 étudiants poitevins?"
Jean-Jacques ALLEVI
La Nouvelle République, Mercredi 1er Mars 2006.
Le lendemain: 1er Mars, la difficile préparation du grand vote du blocus.
2 Mars 2006: dans les urnes, la victoire du blocus
3 Mars 2006: divergences chez les étudiants
7 Mars 2006: la grande mobilisation de Poitiers et l'invasion de la gare.