L'Europe des 28, enfin prochainement des 27, était prête à rouler un palot économique d'envergure avec le Canada avec le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et commercial global). Tout était dans les tuyaux, les stylos étaient préparés, quand soudain, une bande d’irréductibles résistants institutionnels a dit "Non". Eux, ce sont des Belges, et plus particulièrement les Wallons, dirigés au sein de leur parlement par le socialiste Paul Magnette, qui refuse de se jeter dans les bras de la sirène de la croissance sans limite.
Et comme la Belgique est bien faite (est-cela le concept de belgitude?), il faut, pour qu'elle puisse ratifier un accord international, que l'ensemble de ses sept parlements régionaux approuve le texte. Et dans le cas présent, c'est la Wallonie qui a le rôle du caillou, non pas dans la chaussure, mais dans le panzer de l'Union Européenne qui multiplie pressions et réunions de crise pour faire changer les irréductibles wallons.
La semaine passée, j'ai été choqué d'entendre à la radio (France Inter), un membre du gouvernement canadien ou québécois, affirmer que "99,8% des Européens étaient favorables à ce traité". D'où peut-il dire cela, sachant qu'il n'y a peut-être pas 100.000 personnes qui ont lu les 2344 pages sur les 500 millions d'Européens? Quel est l'Etat qui a proposé de faire ratifier par référendum cet accord qui nous liera pieds et poings pour de nombreuses années? Les instituts de sondage ont-ils interrogé les populations sur leurs aspirations commerciales sachant qu'une fois les processus enclenché, il sera purement et simplement irréversible?
Pour ma part, je soutiens totalement la démarche des Wallons, qui ont raison de poser des questions et de ne pas céder à ce mensonge permanent qui dure depuis 30 ans en nous affirmant: "plus d'échanges commerciaux = plus de croissance". Mais qui bénéficie véritablement des fruits de la croissance si ce n'est les grandes firmes multinationales, les instituts bancaires? Les barrières douanières et commerciales ont été diminuées voire supprimées dans beaucoup de domaines, mais pour quel résultat: la pauvreté explose, l'écart de richesse entre les plus fortunés et les plus pauvres ne cesse de croître quand dans le même temps, un Smicard gagne 1080€ nets par mois. Les centre-villes meurent de leurs petits commerces tandis les grandes surfaces trustent l'ensemble des consommateurs. Ce traité CETA, c'est un peu la même chose: les gros dévoreront les petits, les "moyens" tenteront de survivre tant bien que mal, les petits n'auront que le choix d'être avalés ou de mourir.
Alors non, l'économie ne vaut pas que l'on sacrifie toutes nos richesses, toutes nos valeurs pour quelques points de PIB, mais surtout des milliers d'emplois détruits et une juridiction qui risque de tourner plus en faveur des entreprises que des Etats. Pour cela, je vous invite a regarder sur facebook deux choses: l'intervention au combien pertinente de Paul Magnette au Parlement de Wallonie, qui explique la motivation de son refus de dire OUI; une très bonne vidéo de Nicole Ferroni qui, outre une pédagogie du CETA, nous explique les dessous du vote de la Commission parlementaire des Affaires étrangères, aussi limpide que la démocratie populaire en RDA.
Vive la Wallonie libre!
PS: vu sur twitter, une magnifique réplique de Paul Magnette. Ce CETA, ça doit brasser énormément de pognon vu sous cet angle...