Mercredi, c'est le grand soir pour les Bleus. Un quitte ou double au Parc des Princes.
A TROIS jours du match capital contre la Bulgarie, mercredi soir au Parc des Princes, la pression monte à Clairefontaine au sein de l'équipe de France. Les déclarations de Ginola (lire plus loin), la mise au point de Gérard Houllier, des "Bleus" impatients d'en découdre qui parlent de revanche après le match aller contre les Bulgares en septembre 1992 à Sofia (0-2) qui leur est resté "en travers de la gorge", des visages qui se tendent, des reproches plus ou moins voilés aux journalistes "accusés" de ne pas poser les bonnes questions, on est déjà pratiquement dans le match.
Pour le sélectionneur national, David Ginola a frolé le carton rouge samedi. "Si cela n'avait pas été ce match, avec cette pression et cette intensité qui peuvent expliquer sa nervosité, David était sur le perron avec sa valise", soulignait Houllier dimanche.
"Au moment du déjeuner, c'était le carton rouge. Ses déclarations, graves constituaient pour moi et le groupe un hors-jeu, en totale opposition avec notre code de conduite interne. Une heure après, il était perdu, boulversé et regrettait ses propos. Il s'est expliqué avec moi et avec le groupe. Son carton rouge s'est alors trasnformé en jaune. Je lui ai rappelé que l'équipe de France est un lieu sacré. Il a craqué, a eu une attitude irresponsable, mettant au passage mon intégrité en doute. Maintenant, l'incident est clos."
Quelques minutes plus tard, le Parisien, apparemment décontracté, reconnaissait qu'il n'avait pas tenu ses propos "au bon moment. Il faut arrêter cette polémique, seule l'équipe de France et sa qualification comptent. C'est vrai, je ne suis pas seul sur terre. J'ai parlé avec mon coeur. Si j'avais reçu un carton rouge du sélectionneur, je l'aurais accepté. Il faut assumer."
Vincent Guérin favori
Les chances de Ginola de jouer mercredi, sont en réalité infimes. Houllier, qui a cependant lâché samedi "si c'était à refaire, je n'alignerais que deux attaquants contre Israël", n'a pas voulu parler de stratégie. "Peut-être même que, contrairement à mon habitude, je ne donnerai pas la composition de l'équipe mardi. Nous préparons un coup."
On voit mal toutefois la France évouler autrement qu'en 4-4-2, formule qui jusque là, lui a réussi. La seule incertitude semble concerner le poste de quatrième milieu de terrain, au côté du trio Deschamps-Le Guen-Sauzée. Ils sont trois postulants: Guérin, Pédros et Lizarazu. Le Parisien, en grande forme et avec ses qualités de récupérateur de ballons, semble le mieux placé. Il n'a cependant joué que deux minutes en équipe de France, en septembre dernier,à Tampere contre la Finlande.
Les défenseurs tricolores s'attendent, eux, à une rencontre difficile face aux rapides attaquants bulgares Kostadinov-Penev-Stoïchkov. "Nous devrons être hyper-concentrés", notait Emmanuel Petit. "Il ne faudra laisser aucun espace, être là physiquement, aller au contact, sans répondre aux provocations."
Jean-Pierre Papin, le capitaine des "Bleus", rappelait, lui, que les Français avaient une triple revanche à prendre. "Sur le public qui nous a sifflés au Parc contre Israël, sur nous-mêmes qui avons manqué notre match devant Israël et sur les Bulgares qui n'ont pas arrêter de nous "chambrer" à l'aller".
L"équipe de France devrait débuter dans la composition suivante: Lama - Dessailly, Roche, Blanc, Petit - Deschamps, Le Guen, Sauzée, Guérin (ou Pédros) - Papin (cap), Cantona.
Stoichkov: cet homme est dangereux
PARFOIS relégué au rôle de remplaçant de luxe au sein du FC Barcelone, l'attaquant bulgare Hristo Stoichkov a retrouvé le moral ces dernières semaines avec quatre buts marqués lors de ses trois derniers matches avant le France-Bulgarie de mercredi.
Stoichkov a rejoint vendredi le stage de préparation de sa sélection en Allemagne. "Hristo est très motivé", a déclaré Josep Maria Minguelia, l'agent de l'attaquant bulgare. Stoichkov rêve de qualifier son équipe nationale, même si surprendre les Français sur leur terrain après leur déroute contre Israël sera "difficile".
Après un début de saison irrégulier, Stoichkov est redevenu aussi rapide et incisif qu'auparavant. De gabarit moyen (1,78m pour 76kg) mais de tempérament explosif, il a appris à maîtriser son agressivité sur le terrain, qui lui avait valu de collectionner pendant deux ans les cartons jaunes et rouges.
Récemment, il a réalisé un match superbe contre l'Austria de Vienne en marquant dans la capitale autrichienne les deux buts de la victoire du club catalan en Coupe des Champions. Puis Stoichkov a de nouveau marqué lors des deux dernières journées de "Liga" face au Racing de Santander et à Ténérife.
Joueur de caractère, Stoichkov a souvent eu des mots avec les dirigeants catalans en menaçant à plusieurs reprises de partir pour le Calcio, avant que son représentant ne parvienne à le calmer. "Voilà pour vous, fils de p...", avait-il lancé l'an passé à la tribune présidentielle du stade Nou Camp après avoir marqué un but.
"Moi, personne ne me remplace", disait-il encore lorsque Cruyff se faisait un malin plaisir de le remplacer par un autre joueur.
Ses relations personnelles avec Cruyff on souvent été tumultueuses car le technicien néerlandais n'a pas son pareil pour motiver ses joueurs et exiger d'eux chaque jour davantage, en es reléguant sur le banc de touche ou en multipliant les déclarations assassines du genre: "Stoichkov n'a qu'une jambe, la gauche", ce à quoi l'intéressé a répondu: "Avec une seule jambe, j'ai tout gagné."
Ginola: des bleus à l'âme
Convaincu de ne pas être titulaire, le Parisien est amer. Et il le fait savoir...avent de calmer le jeu!
CLAIREFONTAINE (Yvelines) - David Ginola a des bleus à l'âme. Convaincu de ne pas être retenu, mercredi soir, face aux Bulgares, malgré un bon match contre les Israëliens, l'attaquant parisien n'a pas caché son amertume face à ce qu'il estime être une injustice. Sans éclats de voix mais avec fermeté.
A l'heure où la mobilisation générale a été déclarée, où les joueurs français et leur sélectionneur adoptent un discours uniformément volontariste du type méthode Coué, -"Tout va bien. On va gagner"-, les aveux du "gentil" Ginola ont décontenancé une partie de son auditoire à Clairefontaine.
"Je n'apparais dans aucune des équipes probables contre la Bulgarie, et cela me désole, confiait Ginola. Il y a des choses que je ne comprends pas. Que tu ne joues pas quand tu as été mauvais d'accord. Mais qu'on ne te reprenne pas lorsque tu as été plutôt bon (un but, une passe décisive), alors là...?"
"A Tel Aviv, lorsque nous avions gagné, a-t-il poursuivi, on disait que je jouais milieu de terrain. Au Parc, nous perdons et on déclare que je suis un troisième attaquant...Après on peut expliquer que l'équipe de France ne gagne pas lorsqu'elle pratique le 4-3-3. Et je suppose que cette fois, on reviendra à un schéma plus classique (4-4-2). Sans moi."
Son désarroi est compréhensible. Il y a en équipe de France deux "monstres" a priori incontournables dont les états de service et les séelections ne sont jamais discutées: Jean-Pierre Papin, Eric Cantona. Mais s'il ne remet pas en cause les qualités des duettistes - "leur réputation et leur palmarès se passent de tout commentaire"-, Ginola revendique simplement le droit d'exister.
"Je travaille comme un fou et depuis le début de la saison, ça marche bien. Je crois donc que je peux attendre plus en sélection, estimait-il. Ce que je souhaite, c'est une plus de respect. Je n'ai pas entendu un mot de Gérard Houllier sur ma performance contre Israël. Je le dis sans animosité mais je ne viens pas ici pour me satisfaire d'être le douzième homme ou le treizième homme. Je vais lui en parler".
Un "cri du coeur"
Ginola n'a pas eu longtemps à attendre, l'écho de ses confessions est rapidement revenu aux oreilles du sélectionneur.
"Il n'y a pas de débat à ouvrir, ni de réponse à donner, a jugé Gérard Houllier. Autant je m'apprêtais à sanctionner certains propos excessifs et indamissibles de Ginola qui menaçaient la solidarité de l'équipe, autant j'estime que depuis sa mise au point, cette polémique qui n'a pas lieu d'être, est close."
Car David Ginola, disant qu'il ne cherchait pas une polémique suicidaire, mais simplement "à parler à coeur ouvert" s'est ensuite fendu d'un communiqué apaisant: "Je ne mets surtout pas en cause l'autorité et encore moins l'intégrité et la compétence de Gérard Houllier. J'ai sans doute été maladroit et excessif dans ce qui n'était qu'un "cri du coeur" et je l'ai réalisé, hélas, un peu tardivement."
Le débat est donc différé mais il ne manquera pas d'être à nouveau posé: l'équipe de France peut-elle se passer d'un Ginola en forme?
La Nouvelle République, (supplément Journal des Sports), Lundi 15 Novembre 1993.