Portrait d'un dessinateur pas malchanceux. En compagnie d'une trentaine d'auteurs, il se baladera entre Niort et Bourgueil.
Il est tout ému le garçon! Tout fier de son premier-né baptisé "On s'énerve pour rien" (éditions La Découverte). Drôle de titre pour quelqu'un à l'apparence calme. Magnifique clin d'oeil (malgré ses lunettes) à nous autres, ses contemporains.
Le paradoxe, l'ironie, Tignous adore ça. Il avoue même que rien ne saurait davantage le faire rire que tout ce qui est prétendu tabou: la mort, le sexe, la religion ou l'armée. Il y a de l'irrespectueux chez ce jeune homme de trente-quatre ans, dessinateur de presse depuis plus de dix ans. Sa carrière pourtant a démarré le plus "bêtement" du monde. "J'ai proposé un dessin au "Monde de la musique". Immédiatement accepté! Un seul dessin par mois, ça ne permet pas de vivre. Mais ça encourage. Alors, flatté, j'ai continué".
Passé presque immédiatement du dessin militant d'"antirouille" au "grand" dessin de presse, Tignous a l'honêteté de reconnaître qu'il n'a jamais galéré. Même s'il lui a fallu quelques années avant de pouvoir vivre décemment de son art, il a rapidement enchaîné les commandes.
Aujourd'hui, de l'"Evènement du jeudi"à "La Grosse Bertha", en passant par "Que choisir", "Stratégies" ou "La Croix", tous les rédacteurs en chef lui font les yeux doux. Son regard de myope lui permettant néanmoins de déceler l'amour dans toutes ces pressions, il se laisse volontiers séduire.
La possibilité de s'exprimer dans des publications aussi diverses (pour ne pas dire opposées) est une chance qui ne se refuse pas. "Pas sectaire pour deux sous., je ne refuse aucun sujet. Il n'y a pas que le Front national qui pourrait me couper l'inspiration. Dans la mesure où on me laisse dire ce que j'ai à dire, je suis prêt à toute proposition".
Bacchanal parcours!
La dernière en date était honnête. Ca tombe plutôt bien. Elle émanait de Jean-Jack Martin, grand maître des expositions du Centre d'action culturelle de Niort. Ce personnage haut en couleur, dont le physique et la verve ne sont pas sans rappeler Jean-Pierre Chabrol, a mis au point une grande manifestation exclusivement consacrée au dessin de presse. Une trentaine d'auteurs ont envoyé leurs plus beaux specimens. Dix-huit d'entre eux ont également accepté le crochet par les Deux-Sèvres.
Ils débarqueront donc à Niort vendredi après-midi pour se livrer à la traditionnelle séance de dédicaces. En fin de soirée, vernissage avec les "officiels" avant le grand départ pour un samedi en plein coeur des vignobles tourangeaux de Bourgueil. Prise d'assaut de chaque dessinateur par un viticulteur, intronisation, dessins inspirés par la journée (publiés, ensuite aux éditions "N.R."), le périple s'annonce grandiose.
"Ce n'est pas ce qui a motivé mon déplacement!" affirme Tignous. Et il voudrait qu'on le croit! Alors qu'il lance: "Je n'ai jamais été intronisé. J'espère que ça ne fait pas mal. En tout cas, je veux rester conscient le plus longtemps possible, pour bien me rendre compte de ce qui m'arrive!". Le trivial, ça le poursuit.
Magali MICHEL
La Nouvelle République, Décembre 1991.