Poitiers, Place d'Armes, Dimanche 11 Janvier 2015.
Du plus sombre peut naître le meilleur. Ainsi est faite l'Histoire.
Après l'une des plus épouvantables semaines qu'a connu la Cinquième République (n'oublions pas les temps obscurs de la Guerre d'Algérie) va venir le temps des questions, des querelles, des polémiques. Quelles réponses apportées aux questions qui nous ont été posées cette semaine? A quoi aura servie cette mobilisation historique, unique dans la longue Histoire de la France si rien ne change? Que dira-t-on lorsque de prochaines caricatures du prophète Mahomet seront publiées?
Des banlieues à notre école, de notre systême judiciaire au fonctionnement de nos organes de renseignement, c'est l'ensemble de notre modèle républicain qui est à repenser.
On évoque, à juste titre, la prise de conscience du caractère unique de la France dans le monde, terre d'accueil et de liberté. Mais 2015 est une année d'élection. A la fin mars prochain, l'extrême-droite risque de s'emparer de plusieurs Conseils départementaux, réalisant ainsi des scores qu'elle n'a jamais connu lors d'un scrutin dit local. Alors que nous aurions besoin de plus d'intégration, plus de tolérance, les urnes risquent d'indiquer que les électeurs souhaitent davantage d'isolement, de plus de sécurité au détriment des libertés.
Cette séquence de la tuerie de Charlie Hebdo et de ses suites nous a fait oublier, le temps de quelques jours nos difficultés économiques. Mais elles sont toujours présentes. Et affaiblissent directement l'action de l'Etat. Et par conséquence, celle de l'Ecole. Car comment des enfants de la République ont-ils pu basculer dans le camp de la haine? Oui, bien que barbares, ce sont des Français qui ont tué des Français, pour ce qu'ils faisaient, pour ce qu'ils étaient.
Les banlieues françaises ont été laissées pour compte durant de trop nombreuses années. J'en veux pour preuve la crise de l'automne 2005. Ce n'est pas la religion ou l'immigration qu'il faut mettre sur le banc des accusées, au contraire vu qu'elles sont l'identité et la richesse de la France. C'est la précarité, la pauvreté, le sentiment d'abandon de la République que beaucoup trop ressentent dont il faut s'occuper.
En basculant dans la délinquance et en allant en prison, ils ont découvert non pas la religion musulmane dans ce qu'elle a de meilleur, mais dans l'islamisme radical, créeant le risque de faire naître des amalgames en mêlant à leur folie meurtrière des Musulmans parfaitement intégrer dans notre République. Les meurtriers, nous les connaissons, mais quid de ceux qui attendent de passer à l'acte, ces cellules dormantes qui vont agir et chercher à nous frapper?
Face à cela, les services du renseignement vont devoir se réorganiser. Va-t-on accepter que nos communications soit écoutées, interceptées par une agence de l'Etat du type NSA, en sacrifiant une partie notre liberté au profit de notre sécurité? Qu'ils agissent au nom d'une religion qu'ils bafouent, qu'ils agissent au nom d'une nation dont ils salissent les valeurs (en s'attaquant par exemple à des lieux de culte), comment intercepter ces individus, connus ou inconnus pour le moment, avant qu'ils ne passent à l'acte sans pour autant s'insérer dans la vie privée de chacun d'entre nous?
Ce 11 janvier, un peu partout sur le territoire de la République, de l'Hexagone à la Corse, ainsi que dans les différents territoires d'Outre-Mer (que nous autres "métropolitains" avons parfois tendance a oublié), des espoirs immenses sont nés afin que quelque chose de meilleur naisse. De nombreuses questions se posent et les querelles partisanes reprendront de plus belle, car ainsi il en va de la société démocratique. A nous, collectivement, en tant que citoyen(ne)s d'y apporter de bonnes réponses. Afin que plus jamais une telle horreur ne se reproduise dans notre République.